Friches à la campagne, friches urbaines, que faire ?

La question des espaces abandonnés n’apparaît pas nettement dans le PLUi, pas plus quand il s’agit de déprise agricole que pour les bâtiments d’habitation ou d’activité. En somme, le sujet est resté en friches. Il mérite pourtant qu’on s’y intéresse.

Zones agricoles, zones urbaines, ce qu’en dit le PLUi

Pour défendre le potentiel de production agricole, le PLUi prévoit de réduire la consommation d’espace, l’artificialisation des sols, mais n’évoque pas les terres abandonnées, fonds de vallée ou landes. En zone urbanisée, le PLUi pousse à la densification ; cependant, même quand les OAP (Orientations d’aménagement et de programmation) sont marquées « renouvellement urbain », elles sont plutôt des opérations d’aménagement de terrains vides, de dents creuses.

Page 65 des OAP du PLUi

Comme on le voit dans cette planche tirée de la partie OAP du PLUi, on appelle secteur à renouvellement urbain les terrains situés auprès de la fontaine du Vieux Presbytère (Chanoine Niol), alors qu’il s’agit clairement de terrains non bâtis, non aménagés, mais tout à fait inclus dans le périmètre urbain. Ce ne sont donc pas des « friches urbaines » : l’expression fait référence à des bâtiments autrefois habités ou à usage professionnel. Par exemple, le bâtiment aujourd’hui occupé par les joueurs de pétanque ; il était longtemps resté inutilisé, avant que la commune ne le rachète. C’est aussi le cas de la maison Thomas, qui jouxte la médiathèque, rachetée par la commune en vue d’une extension possible de l’équipement culturel. Cette extension ne semble pas nécessaire à court terme et la municipalité va rénover le logement pour en faire un accueil d’urgence.

De la même façon, des terres autrefois exploitées comme prairies naturelles, souvent en fauche tardive, et ensuite en pâturage extensif, sont simplement marquées comme zones naturelles et/ou zones humides. Ce qu’elles sont, sans aucun doute. Cependant, ces terres désormais abandonnées par l’agriculture sont en cours de fermeture : ronces, broussailles inextricables de saules, des buarais, comme on disait autrefois. Sans doute pourrait-on que la nature reprend ses droits… mais ces milieux qui se ferment perdent en biodiversité. C’est aussi le cas des landes où les ajoncs devenus des arbustes ont séché pour laisser la place à des bouleaux, des châtaigniers, des chênes rabougris. Avec là encore une baisse de la biodiversité. Un sujet que pourrait regarder la Commission agricole.

Zone humide en voie de fermeture


Plus problématiques sont les friches industrielles ou commerciales. Bien qu’il ait été racheté par le groupe intermarché, le site d’EGC Canalisations à Lenruit est encore vide à ce jour, livré aux herbes folles. Quant à la zone de Kerins – une vingtaine d’hectares – , malgré le stockage des matériaux et de gravats routiers, malgré le dépôt de gaz et ses annexes qui font comme des clairières, elle s’est ensauvagée.

La photo aérienne ci-dessous (Geoportail) montre bien les 3 clairières : près de la RD 775, le site de Colas (ex-SACER), puis au Sud, près de la voie ferrée, les entrepôts de la SEQ, et , au centre, ce qui est lié à Primagaz; et le reste en broussailles !

Kerins, vue aérienne Geoportail

Les friches, handicaps ou opportunités

Pas facile de trouver des solutions : la plupart du temps, la collectivité n’a pas d’outils pour agir directement. Il a fallu plusieurs années pour dénouer le problème posé par une propriété en indivision, rue du Pont-à-Tan, où se trouve maintenant le pôle de santé : négociations interminables, arrêté constatant l’état manifeste d’abandon, intervention en soutien de l’EPF de Bretagne. Espérons que la solution viendra plus vite pour les immeubles de la rue du Calvaire.

En coeur de ville, une succession compliquée

L’opération « petites villes de demain » devrait permettre à Questembert de faire l’inventaire des espaces en déprise urbaine, que ce soit de l’habitat ou des surfaces à vocation professionnelle. D’autres communes ont saisi l’opportunité des ces bâtiments abandonnés : à Grand-Champ, la commune a récupéré un ancien garage pour en faire un lieu de culture éphémère, la Villa-Gregam, Theix-Noyalo en a fait autant avec la Cimenterie. Chez nous aussi, l’ancienne caserne des pompiers, rue Jean Grimaud, est devenue la Caserne des Pongistes.

Le cas particulier des friches rurales

En dehors de la ville, le cas des bâtiments abandonnés ou inutilisés peut se poser de façon comparable. Anciens bâtiments d’élevage comme les poulaillers ou les porcheries avec souvent des problématiques d’amiante : comment s’en débarrasser ? Qui va payer la démolition et la dépollution ? Pour des constructions plus intéressantes sur le plan architectural, le PLUi a permis de les repérer par des pastillages. Mais qui dégagera les fonds pour rénover ces bâtiments ? Et à supposer qu’ils soient remis en état pour être habitables, cela ne sera pas sans conséquences en terme de dispersion de l’habitat : comment se passe de l’automobile quand on habite à 3 ou 4 km de la ville ?

Quelle rénovation pour cet ensemble?

Pour les espaces qui n’ont plus d’intérêt agronomique, certaines communes ont trouvé des solutions de reconquête. Ainsi, à Moëlan-sur-mer, pour les friches rétrolittorales, la commune s’est appuyée sur l’article L 125-1 du Code Rural  : « Quand un terrain agricole contient des friches depuis au moins trois ans, les autorités peuvent demander aux propriétaires de les mettre en culture eux-mêmes ou de les louer à des agriculteurs qui le feront ».

Le constat de départ est facilement transposable car les conséquences de l’enfrichement sont immédiatement perceptibles :

  • perte de fonction productive des terres ;
  • risque d’incendie par manque de coupure de végétation ;
  • dégradation des paysages : disparition des points de vue, impression d’abandon ;
  • perte de biodiversité : fermeture des milieux, homogénéisation de la végétation, propagation d’espèces envahissantes dans certains secteurs…

La réflexion sur ces espaces en déprise ne vient pas en contradiction avec les objectifs affichés par la collectivité dans son PLUi, et repérés dans le diagnostic agricole qui a été réalisé parallèlement : maintenir les potentiels de production, préserver les espaces de production, pérenniser et faciliter le développement des sites de production professionnels

Outre cet article du Code Rural, les collectivités peuvent s’appuyer sur d’autres dispositions pour la protection des espaces agricoles et naturels périurbains (ex-PAEN) comme le bail environnemental. Sans oublier l’appui que peut apporter l’association Terres de liens.

4 réflexions au sujet de « Friches à la campagne, friches urbaines, que faire ? »

  1. Le Kalicut, ou le New Must, dans les bois au bord de la RD 775.

    C’était une friche commerciale; elle a été reprise il y a quelque temps. Une vidéo d’urbex nous donne une idée de ce que c’était.

    Cette vidéo me rappelle les risques des friches urbaines : les actions d’urbex (exploration urbaine), avec ou sans vidéo, ne sont pas sans danger, en plus d’être un délit. Le risque le plus commun pour les collectivités est le squat. Une maison abandonnée de la rue Cabello Avenol, maison maintenant remplacée par un immeuble neuf, a servi de repaire à un « animateur jeunesse » qui officiait sous les Halles!
    Dans ce qui est maintenant l’espace Segalen, il y avait une maison où il y avait eu plusieurs départs d’incendie.

  2. Écopâturage

    La reconquête des zones de déprise agricole peut être réalisée, ou facilitée, ou continuée par des pratiques d’écopâturage. Plusieurs communes y ont recours, ainsi Limerzel dans un espace abandonné sur la route de Noyal-Muzillac. L’écopâturage permet aussi de lutter efficacement contre les plantes invasives, comme la renouée du Japon.

    https://www.ouest-france.fr/bretagne/limerzel-56220/la-commune-experimente-l-ecopaturage-4961575

  3. Bonjour Paul. Jai un autre point de vue sur la friche des milieux agricoles non exploités. C’est vrai qu’elle peut apparaître fermée à la Biodiversite d’un premier regard, pourtant ce lieu fermé participe pleinement à la biodiversté mais à une autre échelle sur un territoire plus vaste que le champ du regard. Ainsi les zones humides où l’eau croupie tranquillement sont des réservoirs de retenue et de filtration où par exemple la tourbe peut se former. J’ai un exemple en tête au dessus de l’étang de Celac ou encore entre le hulot et le camping et mieux dernièrement je suis allé reconnaître un chemin de randonnée et là dans une parcelle que la commune à racheter récemment deux trous d’eau, anciens petit étang sont en train de ce combler d’herbes et de mousse pour former un tapis d’une épaisseur d’environ 60cm. (un piège d’ailleurs). Que va devenir ce tapis si on lui laisse le temps….?
    À bientôt j’attends ton retour avec attention
    Amicalement
    Francis

  4. Salut Francis,
    Non, ce n’est pas un AUTRE point de vue, c’est un complément. En effet les zones humides sont un réservoir de biodiversité, un système d’épuration naturelle à protéger… Mais à protéger contre « l’atterrissage » : la bourbière selon le mot de chez nous (tourbière?) est peu à peu colonisée par les saules et finit par s’assécher.
    Je ne préconise pas d’intervention lourde, mais une grande attention à ces espaces de déprise.
    En fait je ne PRÉCONISE rien, ce n’est pas mon rôle; je veux seulement attirer l’attention de nos concitoyens sur ces questions là. Stimuler la réflexion de tous, rien de plus; mais je le revendique haut et fort.

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