Un gros mot comme titre ! Un très gros mot ! Mais comme c’est en anglais… Une bouse de taureau, donc pas une petite m***. Un juron, qui peut se traduire par fadaises, sottises, foutaises, les synonymes ne manquent pas. Mais le gros mot désigne une pratique désormais commune : dire n’importe quoi, sans se préoccuper du vrai et du faux, simplement pour imprimer sa présence, pour marquer les esprits, en quelque sorte pour occuper le terrain.
Une pratique théorisée en 2005
La pratique est ancienne, mais elle est décrite plus précisément en 2005 par un philosophe américain H. G. Frankfurt dans un petit essai intitulé simplement On Bullshit. Il y décrit une société où les faits, les arguments précis sont dévalués au point que le débat public est déconnecté du rationnel, du réel vérifiable. Plus près de nous, un certain L. Wauquiez a demandé expressément que son cours à l’Ecole de Management de Lyon ne soit pas enregistré, sinon, il devrait se contenter du bullshit qu’il délivre sur les plateaux de télé. (Pour vérifier, c’est ici et là.)
Évidemment, le bullshit connaît désormais une résonance planétaire avec Trump et ses rafales de fake news. Mais voilà qu’il se pratique jusque chez nous quand se débat la répartition des sièges au conseil communautaire. En faut-il 32, comme le prévoient les textes ? 40, comme l’a proposé le bureau communautaire ? Ou faut-il rester à 38, sans tenir compte des évolutions démographiques ? Un opposant questembertois – qui souvent est pour ce qui est contre et vice-versa – a prolongé les débats au conseil communautaire, puis au conseil municipal et encore dans la presse avec un communiqué relayé par le Télégramme.
La nouvelle répartition léserait les petites communes, et je cite : « Concrètement, passer à 40 élus conduit mécaniquement à réduire le poids des dix plus petites communes de Questembert. » Donc puisque c’est mécanique, regardons de près les calculs… et les pourcentages (ah, la magie des pourcentages quand les chiffres sont faux) qui mesurent les variations du poids relatif des communes.

Et la suite, c’est du pur bullshit : « il est essentiel que toutes les communes aient un poids juste, afin de construire ensemble un territoire équilibré. Nous faisons face à des défis majeurs, comme, le développement économique équilibré du territoire, l’augmentation de la population, l’atténuation au changement climatique, c’est-à-dire un développement durable communautaire respectueux et positif pour tous. Selon moi, il est primordial que chaque commune puisse faire valoir sa position de manière équitable. C’est à cette condition que nous gagnerons collectivement les défis auxquels nous faisons face » Langue de bois ou bullshit ? Je vous laisse choisir le mot qui vous convient.

Se faire voir, se faire entendre
Oui, il est essentiel surtout quand on est minoritaire, dans l’opposition de se faire entendre, de manifester sa différence, puisque l’action concrète vous échappe (je parle d’expérience : 1992-1995 puis 2014-2019). Mais il faut aussi avoir quelque chose à dire, et non pas simplement faire du bruit avec sa bouche. Et la représentation des communes au conseil communautaire mérite une information solide et une réflexion sérieuse.
Un cas d’école : la répartition des sièges au conseil communautaire
La répartition des sièges au conseil communautaire semble le « grand » sujet de cette fin de mandat. Rappelons le cadre : les textes (votés au Parlement sous l’influence du puissant lobby de l’Association des Maires de France) prévoient une répartition des sièges en fonction de la population de chaque chaque commune. Avec, à chaque renouvellement des conseils, un réajustement en fonction de l’évolution démographique. Les textes définissent un seuil minimal qui, pour notre communauté, est à 32. (voir le tableau plus haut).
Le tableau montre que, dans ce cas, plusieurs petites communes ne disposent que d’un siège, ce qui ne facilite pas la participation, et qui, évidemment, bloque toute représentation des minorités, s’il y en a. Une cote mal taillée, mais, quelle que soit la méthode, elle provoquera des frustrations. Les textes cependant prévoient d’autres répartitions qui doivent être validées par un accord local. Les possibilités sont multiples, mais toujours très encadrées, et Questembert Communauté a fait valider les hypothèses par les services juridiques de la Préfecture et l’Association des Maires de France. Avant d’arrêter un choix, sûrement critiquable, mais validé par le bureau (le président, les vice-présidents et les maires), qui est présenté au conseil communautaire puis soumis aux conseils municipaux.
Représenter les communes ou les citoyens ?
Plutôt que de chipoter sur les pouièmes de pourcentage, il serait intéressant de porter le débat sur la constitution des conseils intercommunaux. La loi qui a créé les communautés (loi Joxe Administation Territoriale de la République 1992) prévoit une représentation des communes en proportion de leur population. Le système a été un peu amélioré avec le fléchage des futurs délégués sur les listes présentées aux élections municipales.
Changement majeur par rapport aux syndicats intercommunaux où toutes les communes avaient le même nombre de délégués : dans le SIVOM de Questembert Rochefort, la ville de Questembert avait 2 voix, comme chacune des autres communes. Le conseil syndical, sous l’influence des 2 conseillers généraux, qui n'étaient pas Questembertois, pouvait imposer sa loi à la ville centre. Avec, par exemple, la répartition des charges en 80/20 : 80 % pour la commune bénéficiant d’un équipement, 20 % pour toutes les autres. Concrètement, quand un écolier venait à la piscine et payait une entrée à bas prix, le déficit généré était supporté à 80 % par la commune de Questembert. Une anomalie corrigée pour la nouvelle piscine : tous les écoliers ont accès à la piscine, transport compris.
Les délégués communautaires sont des délégués des communes ; ils ne représentent pas directement les citoyens, les électeurs du territoire. Et en effet, les élus minoritaires des communes ont peu de chance de peser sur le conseil communautaire. Pour changer cette situation injuste, il faudrait élire les conseils communautaires au suffrage direct : les candidats se rassembleraient sur des listes fondées sur un projet et des valeurs communes. Voilà un sujet de réflexion, loin du baratin, loin des facilités du bullshit.