Changement de vitesse, double débrayage

Voilà que maintenant, on va jouer au chifoumi sur les routes départementales. 80/90? chifoumi, perdu ! Du giratoire de Bel-Air à Kerboulard : 12 km et 12 panneaux (je n’ai pas compté dans l’autre sens). Le président du conseil départemental a jugé bon de faire repasser à 90 Km/h quelques 344km du réseau routier (8,5%), histoire de ne pas emmerder les Morbihannais. Comme le président Pompidou le demandait pour tous les Français.

80 km/h, une mesure contestée
En juillet 2018, la décision du 1er ministre Édouard Philippe d’abaisser à 80 Km/h la vitesse maximale autorisée sur les routes secondaires avait provoqué des protestations qui s’étaient encore amplifiées dans la crise des Gilets Jaunes. Avec des dégradations nombreuses sur les radars routiers : plus de 50 % des appareils ont été endommagés. Pourtant, la décision n’avait pas été improvisée, elle était l’aboutissement de constats vérifiés : moins d’accidents, moins de dépenses de carburant… et, contrairement aux idées reçues, un allongement minime des temps de trajet ! Patatras, cette mesure de bon sens (oh!) a été rejetée et tous les démagogues et populistes en ont fait leurs choux gras, à commencer par la ligue de défense des conducteurs, 40 millions d’automobilistes, sans parler des députés, sénateurs et autres, plus souvent enclins à caresser l’électeur dans le sens du poil qu’à le faire avancer vers un peu plus de citoyenneté. Même le président avait pris ses distances. Et il y en a qui nous parlent du manque de courage des politiques…

Déroger à la règle?
Ah, les députés en avaient montré du courage – je ris jaune – en votant dès juin 2019 la possibilité de déroger à la règle des 80 Km/h, laissant courageusement aux Conseils départementaux la possibilité de revenir aux 90 Km/h. Certains s’y sont précipités. Les départements bretons ont résisté jusqu’ici : il y a chez nous un sens de la responsabilité collective, du civisme qu’on ne trouve pas partout. Et voilà qu’aujourd’hui, le département du Morbihan décide de repasser à 90 Km/h pour une partie de ses routes. Une décision qui a réjoui les défenseurs de la liberté de…. incendier les radars, par exemple. Voir Feu sur les radars.

La carte des routes à 90 (dpt 56)

La sécurité ? Faux prétexte !
D’après les ardents défenseurs du no limit, la réduction de vitesse est un faux prétexte. Et pourtant, les chiffres – sauf à dire qu’ils sont faux – montrent une baisse très significative (12%) du nombre de tués sur les routes limitées à 80 par rapport aux réseaux non concernés. Autant dire rien, tant que ce n’est pas un proche qui est concerné.

« On se traîne, il faut garder l’œil sur le compteur »
Voilà ce que disent les adversaires : la limitation qui nous fait perdre du temps à tous et le temps c’est de l’argent. Ben, oui, à 80 km/h, on parcourt 1,3333 km en 1 minute, il faut donc plus de 67 minutes pour faire 90 km ! 7 minutes de plus, une perte de plus de 10 %. Sauf que la route réelle n’est pas un ruban uniforme où l’on roule tout seul. Des virages, des giratoires, des zones de danger (merci Coyote), sans parler des camions, des tracteurs, des papys qui roulent trop lentement. C’est sans doute mon cas, d’ailleurs, je n’ai pas senti que d’aller à Vannes cette semaine me prenait moins de temps que le mois dernier. Là encore, les chiffres sont cruels : à 80 km/h, l’allongement moyen des temps de parcours par kilomètre est de l’ordre de 1 seconde par kilomètre. Vous avez bien lu 1 seconde par km !

Économie de carburants ? Foutaise
Pourtant, j’avais bien noté que de passer de 90 à 80 km/h m’avait permis de réduire ma consommation de gazole : 6,5l/100 d’un côté et 6l/100 en respectant à peu près les 80. Sans doute aussi, parce qu la réduction m’a incité à une conduite plus souple, avec moins d’accélérations… Au bout du compte, au vu de mon kilométrage annuel, une économie d’environ 200 €. Qui a parlé de pouvoir d’achat ?
Évidemment, je ne mentionnerai pas les coûts environnementaux, le bilan carbone, les gaz à effet de serre, car je serais tout de suite classé dans la catégorie honnie des khmers verts et des escrologistes.

Voir l'étude précise publiée par le CEREMA : La nécessité d’évaluer les changements de limitation de vitesse : le cas du 80 km/h

Une mesure qui était mieux acceptée
Au début, les protestations ont été vives, mais peu à peu, la réduction à 80Km/h a été mieux acceptée. Elle contribue sans doute à apaiser la circulation. Et nous avons bien besoin d’apaisement.

Non, il n’y a pas de bonnes raisons de revenir aux 90 Km/h
Et s’il n’y a pas de bonnes raisons de revenir aux 90 km/h, c’est que le choix a été fait pour des raisons inavouables, des prétextes. Mais je ne dirai pas que l’argent dépensé pour remplacer les panneaux aurait pu être mis ailleurs, car l’argument est facile, il y a toujours d’autres emplois possibles pour l’argent public… Et justement, la dépense doit être justifiée par de vrais choix, des choix politiques assumés et que, donc, on a le droit de contester.

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