
Une forte délégation de sapeurs-pompiers, de tout le département, en service actif ou en retraite, une foule d’amis : l’église était pleine pour rendre hommage à Jo Le Brech samedi 25. A la demande de son épouse et de ses enfants, j’ai prononcé un éloge, que je veux compléter ici.
41 années d’engagement civique
Jo n’a pas 20 ans quand il s’engage comme sapeur pompier volontaire au centre de secours de Questembert auprès de Marcel Morance, le père de Marie-Thé, sa future épouse. Il restera fidèle à cet engagement jusqu’à son départ en retraite, un engagement de 41 ans. Grâce à son implication, en suivant les formations, il a gravi les échelons, jusqu’à devenir adjoint du chef de corps Pierre Magré, avant de lui succéder en 1996.
Couvreur de profession, sapeur-pompier volontaire, Marcel Morance a aussi été un combattant de la Résistance.
De pompier bénévole (?) à pompier volontaire
Je veux dire par là que Jo a vécu une mutation profonde de l’exercice des missions des sapeurs-pompiers volontaires. Il intègre une équipe de copains, pleins de bonne volonté, pas très bien équipés, qui répondent à l’appel de la sirène, se retrouvent une fois par mois pour une manoeuvre. C’est un corps municipal, leur caserne est au bas de la place du marchix, là où la Bogue d’or a son quartier. La défense contre l’incendie fait l’essentiel de leurs interventions. Avec leurs maigres indemnités, on peut dire que c’est presque du bénévolat : la principale récompense du bénévole, c’est faire du bien.
Le grand incendie de la forêt de Molac en 1976, la marée noire de l’Amoco Cadiz, et surtout l’augmentation massive du besoin de secours aux personnes transforment radicalement le métier : les équipements sont plus efficaces, les matériels se perfectionnent, la formation s’approfondit, les interventions sont organisées de façon plus méthodique.
Le périmètre d’intervention s’est élargi, car même si la défense incendie reste une compétence communale, peu de communes se sont dotées d’un corps de sapeurs-pompiers; ce qui a conduit à la création du SIVU du centre de secours de Questembert.
Un Chef de centre qui a marqué son temps
Quand il prend la responsabilité du centre de secours en 1996, Jo doit assumer toutes les missions du chef de corps, comme on dit encore. Avec l’expérience acquise par presque 30 ans de service, les compétences techniques engrangées par les formations qui lui ont permis de monter en grade, mais aussi ses qualités humaines. Car l’essentiel, c’est le management des hommes et des femmes. Manager, un mot anglais emprunté au français ménager. C’est commander, diriger, organiser, gérer, mais le vieux sens convient aussi : un chef doit savoir ménager les forces de ses équipes. Ménager les susceptibilités, gérer les tensions entre les uns et les autres, faire progresser en compétence, etc. Si le management n’est pas bon, s’il est contesté, c’est le découragement, la démotivation, les démissions. Jo avait parfaitement réussi : compensant les départs, essentiellement pour la retraite ou des mutations professionnelles, élargissant aussi les recrutements pour faire face à l’accroissement des besoins, il a intégré de jeunes sapeurs pour atteindre un effectif de 38 hommes et femmes.
En lien avec le SDIS et les élus locaux
Chef de centre, son rôle était de faire le lien avec le SDIS, le service départemental d’incendie et de secours, et ses supérieurs hiérarchiques savoir pouvoir s’appuyer sur lui : il méritait la confiance. En somme, il était à la fois estimé de ses chefs et respecté de son équipe. Ce n’est pas pour rien que la médaille de chevalier de l’ordre national du mérite lui a été remise le 18 janvier 2014 par le colonel Sécardin, directeur départemental du SDIS, revenu spécialement de son nouveau poste en Région parisienne pour la cérémonie.
Au niveau local, il était l’interlocuteur direct des élus ; et il savait y faire pour nous persuader d’augmenter les moyens du centre de secours en matériels et en véhicules. Mais sa plus belle réussite a été d’obtenir la construction du nouveau centre inauguré en 2005 : il avait contribué à la définition des besoins et suivi de près le chantier. Il pouvait être fier du résultat final.

Nous avons marqué en 2009 son départ à la retraite ce qui nous a donné l’occasion de retracer sa belle carrière de sapeur-pompier. Une carrière qui méritait une reconnaissance nationale: j’ai préparé le mémoire de proposition pour l’ordre national du mérite, adressé au préfet une première fois en 2009. Mes efforts, soutenus par les députés, Loïc Bouvard, puis Paul Molac, député, et bien sûr par les responsables du SDIS, ont abouti au bout de 4 ans : le décret de sa nomination est paru au Journal Officiel le 14 novembre 2013. Et la décoration lui a été remise le 18 janvier 2014.

D’autres facettes d’un homme attachant
Après sa retraite de sapeur-pompier, laissant ses successeurs mener leur mission, il s’est consacré à sa famille. Enfin, il était tout à eux, car, tout le monde le sait, l’engagement dans les pompiers affecte toute leur famille : dès que l’alerte est donnée, il faut partir, sans savoir quand l’intervention sera finie, avec l’appréhension des dangers possibles. Et quelquefois, au retour, il reste l’impact psychologique du drame où il a fallu s’impliquer.
Mais Jo a eu d’autres engagements : il faut rappeler le rôle actif qu’il avait joué dans la création du syndidat d’initiative, qui est devenu ensuite l’office du tourisme de la ville puis de la Communauté de communes.
Son engagement, c’était aussi au niveau professionnel : maître artisan, il a formé plus d’une dizaine d’apprentis, leur inculquant son amour du travail bien fait : « Tout bien comme il faut », selon son expression favorite.
Une anecdote à rapporter ici : il avait été chargé par la commune de redorer le coq du clocher. Il a fait ça à la maison, dans son garage pour la plus grande fierté de ses enfants. Le coq a aussi trôné dans la salle des mariages à la mairie avant de regagner son poste au-dessus du clocher, d’où il nous indique le sens du vent, nous donne la météo : à cette saison, il regarde souvent au nord-ouest, dans la galerne, signe de temps froid, venteux, et plein d’averses glaciales.
Et puis, je dois quitter ma position d’ancien élu : Jo, c’était aussi mon voisin depuis le début des années 60 où nous sommes tous deux venus habiter à Serguin. J’ai quelque part une photo prise par l’Américaine, Mme de Ficquelmont, qui apportait des fonds de la fondation américaine Save the children. Nous sommes perchés sur la tourelle de grain avec nos fourches pour lancer les fagots de grain sur la batteuse. Ensuite, nos enfants à peu près du même âge ont joué ensemble : ils avaient ménagé un passage dans la haie mitoyenne, tellement plus facile que de faire le tour par les chemins officiels.
Le village de Serguin s’agrandissant de nouveaux habitants, il accueillait dans son hangar atelier notre fête des voisins, des moments de convivialité chaleureux qui permettaient aux nouveaux de s’intégrer dans le quartier.
Et quoi de mieux qu’une partie de mölkky pour la détente.

Vous avez compris : Jo, c’était un type bien. Alors gardons tous le souvenir de ce qu’il a été pour nous. A vous, Marie-Thé, Matthias, Geoffrey, Louise, Mattéo, et à toute la famille, apportons notre soutien amical.
