Une seule boulangerie en centre-ville : comment en est-on arrivé là ? Que fait le maire ? Ces questions sont sur toutes les lèvres à Questembert depuis le début de l’été. Je ne prétendrai pas y apporter des réponses, sauf en vous en posant une autre : faut-il considérer la boulangerie comme un service public ? Sans doute, puisque beaucoup de municipalités rachètent des locaux ou même les construisent de toutes pièces. Comme d’autres construisent des nichoirs à mésanges.
Une démarche efficace ?
Mais quelle est l’efficacité de cette démarche ? Il y a bien sûr des réussites, et c’est une chance. Mais dans bien des cas, les municipalités doivent sans cesse relancer la machine, tenter de retrouver un repreneur pour le commerce qui a périclité. Ou bien racheter les murs, remettre l’équipement à niveau et… consentir un loyer symbolique, à perte pour les finances communales. C’est souvent voué à l’échec, malgré les efforts des élus qui veulent répondre aux attentes de leurs concitoyens. À Saint-Congard, la persévérance a fini par payer : la boulangerie communale avait ouvert en décembre 2016, elle avait fermé en octobre 2017, mais c’était, paraît-il, la faute à la mairie (à lire ici). Heureusement, elle a été reprise dès janvier 2018 et depuis elle s’est signalée par une belle réussite : elle a remporté 3 années de suite le prix du meilleur kouign-amann de Bretagne. À l’évidence, le succès tient d’abord à la qualité du pain, ou plutôt des pains, car aujourd’hui le boulanger doit proposer diverses variétés de pain, sans parler des viennoiseries, des gâteaux. De plus en plus, le client va aussi réclamer du snacking (sandwiches variés, quiches, tartines, etc.). Il veut aussi un accès simple et rapide, pour attraper son pain à la volée. En plus, il s’attend à un bon accueil. Mais c’est vrai dans tous les commerces… et dans tous les services.
Changement de modes de vie. Si ça existe, ça correspond à une attente.
Mais ça reste fragile !
À côté des belles réussites, les échecs répétés sont trop nombreux. Quelquefois parce que le professionnel n’est pas assez bon, cela arrive : par exemple, les clients s’attendent à trouver du pain tout frais à l’aube, dès 7h du matin, ou au moins 7h et demie… Surtout, selon les chambres de commerce, pour qu’une boulangerie soit viable, elle doit avoir un potentiel de 1700 habitants, qui n’est pas forcément à l’échelle d’une commune. Au-dessous de ce chiffre, le risque de l’échec est grand. Les élus prennent ce risque cependant, sous la pression des habitants, car tout le monde veut avoir une boulangerie au pied de l’église et près du bistrot qui lui aussi doit être ouvert de 6h30 à 20h, sinon 22h. Et quand ferme la boulangerie, c’est le chœur des lamentations. Sauf que, pour le pain quotidien, c’était plutôt le supermarché de la ville, sur le chemin du travail. Car les habitudes, les modes de vie changent. Ainsi la consommation quotidienne de pain, qui était de 450 grammes par personne en 1880, se situe aux alentours de 120 g. Il est vrai que les variétés de pain aussi ont changé au profit des pains spéciaux qui se vendent plus cher. Le pain de 2 et la baguette ont supplanté la tourte de 12 livres, le pain de 6 livres et le pain de 4 livres. La baguette ordinaire que Leclerc voulait proposer à 29 c laisse place à la baguette tradition, aux graines, sarmentine, etc.
Un service public ?
En fait les habitants semblent considérer que la boulangerie et le bistrot ou l’épicerie de proximité sont une part des services attendus de la collectivité. Alors même que cela est strictement du ressort de l’initiative privée. Avec de multiples acteurs : un artisan (souvent un couple) qui veut prendre le risque, un propriétaire de fonds de commerce qui veut valoriser au maximum son bien, le propriétaire d’un local qui cherche à vendre ou à louer au prix fort….pour une clientèle… hypothétique.