Un pognon de dingue, vraiment?

Tout le monde se rappelle la citation, souvent sous sa forme incomplète, presque toujours hors contexte. Le président Macron s’est mis en scène préparant un discours sur la protection sociale. Ceux qui le souhaitent pourront se faire une idée par eux-mêmes avec la vidéo ci-dessous. On pourra aussi sans difficulté mettre en perspective le pognon de dingue dépensé pour les minima sociaux et les « miettes » accordées aux pauvres assujettis à l’impôt sur la fortune. Mais, ici, je veux réagir et partager une réflexion provoquée par ce que je vois sur les réseaux sociaux sur les « avantages exorbitants » dont bénéficient les plus pauvres de nos concitoyens. En m’appuyant sur un petit livre publié par ATD Quart-Monde: En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté.

Un titre optimiste : En finir avec les idées fausses sur les pauvres

Oui c’est un titre bien optimiste, parce que la première édition de cet ouvrage remonte à 2015! Et c’était l’aboutissement d’une campagne contre les idées reçues sur les pauvres lancée en 2012 au moment de la présidentielle. Le titre de 2015 annonçait déjà l’objectif de tordre le cou aux préjugés sur les pauvres et la pauvreté. En finir… Et chaque année, une nouvelle édition nous invite à En finir! Une édition enrichie… mais les pauvres et les préjugés sur le sujet sont toujours là : vous pouvez donc vous procurer l’édition 2020 pour la modique somme de 6 €. Pour 6 €, vous avez en 270 pages des arguments simples et vérifiés pour démonter 131 idées reçues, 131 idées fausses sur les pauvres et la pauvreté. Alors pourquoi vous en priver? Ça vous sera utile à vous puisqu’ainsi vous ne « partagerez » pas sur Facebook les idées fausses par exemple sur les bénéficiaires du RSA. Et vous ferez une oeuvre sociale utile. En prime, vous avez là une idée de cadeau de Noël.

Un petit livre pour 6 €

Affronter le réel… pour le changer

Idées fausses, préjugés nous maintiennent dans une sorte de confort : le monde va comme il va, les pauvres sont pauvres, on n’y peut rien changer, et les pauvres eux-mêmes semblent avoir renoncé! La pauvreté est une fatalité, et d’ailleurs, elle est héréditaire. Dès les premières pages, le petit livre s’attache à montrer les différents aspects de la pauvreté. D’abord la pauvreté monétaire pour laquelle on dispose – si on veut bien s’informer – d’indicateurs fiables : on est pauvre si on dispose d’un revenu inférieur à 60% du revenu médian. Le revenu médian partage la population en 2 moitiés : la première moitié touche moins et l’autre touche plus. En 2016, on était au seuil de pauvreté si on avait un revenu inférieur 1026 € mensuel pour une personne seule et 2155 € pour un couple avec 2 enfants. Et cela représentait 14% de la population. Et si l’on regarde la grande pauvreté (50% du revenu médian), on en était à 8% de la population, soit près de 5 millions de personnes!

La crise liée à la pandémie de COVID-19 a eu des conséquences plus graves pour les plus précaires, et, probablement, il y aura un million de pauvres supplémentaires à la fin de cette année. Les organisations caritatives ont tiré le signal d’alarme : plus de demandes d’aide aux Restos du coeur, par exemple. Voir cet article de France 24 Covid-19 : conséquence de la crise sanitaire, la pauvreté gagne du terrain en France.

Au-delà de la pauvreté monétaire, les statisticiens de l’INSEE observent aussi la pauvreté en conditions de vie et comptabilisent les personnes qui cumulent les difficultés dans 4 domaines : consommation, manque de ressources, retards de paiements, accès au logement. L’Observatoire des inégalités – un site essentiel pour ces questions – donne une bonne synthèse du sujet dans cet article Comment mesure-t-on la pauvreté en France ?

Mais ATD Quart Monde ne s’est pas contenté de ces informations statistiques nécessaires, mais non suffisantes pour comprendre le fond de ce qui fait l’exclusion sociale qui frappe les plus pauvres. Avec l’appui de l’Université d’Oxford, ATD Quart Monde a mené une étude internationale pour explorer les multiples dimensions de la pauvreté. La vidéo ci-dessous en trace les grandes lignes.

RSA, SMIC, travail, l’assistanat, etc

Parmi les idées fausses qui ont la vie dure, regardons d’un peu plus près celles qui sont liées au RSA : on « gagne » plus à ne rien faire qu’à travailler. C’est d’ailleurs l’annonce d’une aide spéciale de 150 €, liée aux conséquences de la crise sanitaire, qui a relancé la machine à bêtises sur les réseaux sociaux… ce qui m’a amené à réagir. Plus de détails sur cette aide dans cet article de Dossier familial Prime Covid de la CAF : qui y a droit ?

Mais la hargne contre cette nouvelle « prime à la paresse » (!?) n’est que le prolongement des idées qui traînent et perdurent sur l’avantage qu’il y aurait à préférer l’assistanat à l’activité. Eh bien, non, c’est faux, il vaut mieux travailler au SMIC que de s’attendre au RSA. Le tableau ci-dessous en fait la démonstration imparable.

Tordre le cou à 131 idées fausses

Ce n’est là qu’un échantillon de l’édition 2020 qui recense 131 idées fausses, regroupées en 2 grandes parties :

  • « Les pauvres sont coupables, » idées fausses sur les pauvres
  • « C’est bien beau, mais on peut pas faire autrement, » idées fausses sur les solutions.
    Tout est bien documenté, vérifiable et facile à lire : chaque rubrique compte en moyenne 2 pages dans ce petit livre. Pour 6€.

Une solution parmi d’autres : Territoires zéro chômeur de longue durée

Parmi les idées fausses démontées par l’ouvrage, il y a celle-ci : « On n’a pas besoin d’un travail rémunéré pour exister ». Eh bien si! L’expérience des Territoires zéro chômeur de longue durée montre bien que des personnes privées d’emploi depuis plusieurs années et qui avaient totalement décroché ont retrouvé confiance en elles-mêmes : la dignité de se sentir utile, de subvenir à ses propres besoins et à ceux de sa famille. Près de chez nous, Pipriac et Saint-Ganton en Ille-et-Vilaine, ont lancé l’expérience en janvier 2017 et les résultats sont là! Comme on le voit dans cette vidéo proposée par Bruded, un réseau de partages d’expériences à laquelle notre commune vient de reprendre son adhésion (la municipalité précédente s’en était retirée).

Pour ma part, j’avais tenté de faire avancer cette idée au conseil de Questembert Communauté, comme je le raconte dans cet article de 2017 « Un territoire zéro chômeur de longue durée ». Sans succès, mais le parlement vient de décider tout récemment – le 30 novembre – de relancer et d’élargir l’expérience à 60 territoires au lieu de 10 auparavant. Il est temps de s’y préparer, car l’habilitation des candidatures se fera au 2ème semestre 2021. Mais on sait déjà que la municipalité de Boris Lemaire a déjà lancé la réflexion : Et si Questembert devenait un « Territoire Zéro Chômeur de longue durée?