Il faut, je crois, remercier l’initiateur de la pétition contre l’emploi des chevaux pour les services de la commune. En effet, nous avons pu bénéficier d’une couverture médiatique importante qui, en fin de compte, a mis en valeur une action concrète, assez originale, et, j’oserais dire, très heureuse pour la cause de l’écologie. La pétition antispéciste a recueilli près de 25000 signatures (au 12 mai), elle a aussi provoqué une contre-pétition signée par 15000 personnes en une semaine.
Un écho qui résonne…
Des articles dans la presse régionale, mais aussi nationale ; des séquences télévisées sur TF1 , sur M6, et sur FR3 avec une séquence vidéo (7ème minute) et un article.

Notre rapport aux animaux
Si la pétition antispéciste a provoqué tant d’émoi, c’est qu’elle vient attaquer frontalement notre façon de voir les animaux. Notre culture nous fait les classer du plus proche, le chien, le chat de la maison, au plus lointain, au plus exotique : qui de nous avait entendu le nom du pangolin, avant qu’il ne soit accusé d’avoir apporté le COVID sur un marché alimentaire chinois ? Et entre ces extrêmes, également immangeables, se développe une gradation : les animaux de la ferme qui fournissent de la nourriture (lait, viande) ou du travail, les animaux sauvages que l’on peut chasser, et, éventuellement, manger, ceux que l’on va chasser sans jamais les manger (le renard, par exemple). Et ne parlons pas des crapauds, des rats puants, ni des vipères lubriques ou des oiseaux de malheur. Évidemment, ce classement est strictement culturel : pour les Chinois de Wuhan, la viande de pangolin est un mets recherché, pour un Anglais, le cheval, trop proche de l’homme, comme le chien ou le chat, est littéralement immangeable. Et, quand Trump accuse les Haïtiens installés à Springfield (Ohio) de manger les chats et les chiens (les pets), ils les désignent comme des sauvages, totalement exclus de l’univers culturel de l’Américain moyen. (nb : c’était une fake news)
Animaux de compagnie, bêtes de somme
Les chats ont toujours la cote, mais la mode est aux chiens, au point qu’on peut croire qu’à 30 ans, si tu n’as pas un husky, tu as raté ta vie. Bien plus, il y a désormais des agences de voyages pour chiens !
La clôture électrique les avait peu à peu mis au second plan mais les chiens de troupeau (border-collies et patous) connaissent aujourd’hui un regain de faveur. Les peuples du Grand Nord utilisent les chiens de traineau ; mais chez nous, il faut remonter aux débuts du XXème siècle pour trouver trace des voitures à chiens qu’utilisaient les premiers épiciers ambulants, les marchands de Caiffa.

Pour les plus gros travaux, on a longtemps utilisé les bœufs, plus rarement les vaches, les ânes, les mulets et bien sûr les chevaux. Le paysan, le charretier avaient plutôt intérêt à bien traiter leurs bêtes : une nourriture suffisante, pas de brutalité. Dans les foires, les bêtes bien traitées se vendaient mieux et les comices agricoles récompensaient les plus beaux attelages. Le XXème siècle a connu la disparition de ces pratiques : les chevaux-vapeur ont remplacé les animaux. Seuls quelques réfractaires ont continué et conservé ainsi des savoirs-faire… et des races comme le Trait ou le Postier bretons. Aujourd’hui, les chevaux sont employés surtout en maraîchage mais aussi pour les débardages en milieux peu accessibles. Et depuis 2011, la commune a fait le choix du cheval territorial pour la collecte des déchets en centre-ville, pour l’arrosage des parterres fleuris, et aussi pour amener les chalands au marché du lundi à partir du parking des Buttes. Le premier cheval recruté a été Napoléon ; il a été remplacé en 2017 par Ulysse désormais à la retraite ; lui ont succédé Havane et Gladez, deux juments de 8 ans, qui assurent les missions de service public. Pour les meneurs et meneuses de chevaux qui les guident au quotidien, c’est un métier, une qualification professionnelle, mais c’est aussi une passion : on ne fait pas ce métier si on n’aime pas les bêtes.
J’avais déjà évoqué le cheval territorial dans cet article À cheval.
Est-ce que l’animal est consentant pour faire ce travail ?
La question est surprenante, (mais elle a été posée!) et, à vrai dire, personne ne pourra dire qu’il a entendu la réponse de la bouche du cheval. Mais on ne les a pas vus se cabrer, ni ruer dans les brancards, ni prendre le mors aux dents. La question, cependant, donne à penser qu’on accorde aux chevaux, mais aussi à tous les animaux, des sentiments humains. D’ailleurs, comme il se dit, il ne lui manque que la parole. Et pourtant je veux bien admettre que l’humain est un animal (presque) comme les autres, ce qui l’autorise à être aussi bête.
Petitions en ligne
Il y aurait beaucoup à dire sur les petitions en ligne. En deux mots, ce peut être un moyen de faire prendre conscience aux uns et aux autres de tel ou tel problème… Mais il faut sans doute se méfier des manipulations. Ainsi, une pétition centrée sur un problème très local a été signée par quelqu’un qui réside au Mont-Tremblant, au Québec.
Un clin d’oeil nostalgique
Au temps où les écoliers passaient à 14 ans le Certificat, ils devaient apprendre des poésies à réciter le jour de l’examen. En voici une qui était au programme ; Les Chevaux de labour de Léon Duvauchel, un poète un peu oublié.
