Les rogations, prévoir ou prier?


Avant le jour de l’Ascension, un férié qui souvent fait un pont jusqu’à la fin de semaine, il y a les Journées des Rogations, lundi, mardi, mercredi, jours de processions et de prières, pour obtenir la bénédiction sur les champs et les récoltes. Une pratique tombée en désuétude, quoique… Et une réflexion apportée par une note de la revue Sciences Humaines Fléaux naturels, mieux vaut prévoir que prier.

Des rites agraires pour se protéger des calamités agricoles
On dira des rites païens si on se place dans un contexte chrétien, mais ces pratiques se trouvent dans toutes les sociétés de subsistance depuis la domestication des plantes cultivées au néolithique. Dès l’antiquité romaine, les robigalia sont célébrées au printemps (avril/mai) et elles ont été christianisées au Vème siècle en rogations par Saint Mamère, évêque de Vienne, à la suite d’une série de calamités naturelles. On demande à Dieu de venir bénir la terre et la rendre fertile. Et protéger les paysans des sécheresses, des orages et des gelées, ou contre les maladies et les insectes ravageurs. Mais vers les 17ème et 18ème siècle, ils s’en remettent de moins en moins aux prières et processions : les calamités ne sont plus vues comme des châtiments divins ; les chenilles et autres ravageurs sont considérés comme des nuisibles contre lesquels il faut se prémunir. Les pouvoirs publics vont être sollicités pour organiser la défense… et accorder des réductions d’impôts lors des pertes de récolte. En quelque sorte, après la providence divine, vient l’État Providence.

La tradition locale
Jusque dans les années 50, les rogations sont restées populaires. Chez nous, la procession du mercredi avant l’Ascension venait au Calvaire puis retournait à l’église, le lundi et le mardi, c’était dans les chapelles des frairies (St-Jean, le Bodan, Lesnoyal, etc). En chemin, le prêtre bénissait les champs et les prés. On y chantait les litanies, en tête, le curé et les choristes, suivis des fidèles. Mais à l’arrière, d’autres paroles se chantonnaient sur les mêmes airs.
D’abord, la litanie proprement dite où l’on invoque les Saints : Sancte Petre, ora pro nobis, ou au pluriel Omnes sancti Pontífices et Confessóres, orate pro nobis. Sur cet air, on fredonnait à l’arrière nons pommiers, nons périers sont fleuris, et sur la réponse rincez vos barriques.Puis le thème changeait, Peccatóres, te rogámus audi nos (Pêcheurs, nous te supplions, écoute-nous) ou encore, Ut fructus terræ dare et conserváre dignéris, te rogámus audi nos (Pour que tu daignes nous donner et conserver les fruits de la terre); le pastiche était Ils vendront dans les bistrots 2 sous le verre et 5 sous le pot. Ci-dessous, pour se faire une idée de ces détournements.

NB : le détournement des chants sacrés est commun. Il y en a pour l’hymne O filii et filiae, pour le Cantique Dieu de Clémence ; il y en a aussi pour … la Marseillaise.

On peut préférer la version originale

Aujourd’hui, le revival ?Cette semaine, la paroisse a célébré deux messes des Rogation, à l’église et à la chapelle Ste-Suzanne. Le diocèse de Vannes https://www.vannes.catholique.fr/26636-2/ a fait les Rogations du 25 avril, pour la St-Marc (les litanies majeures par rapport aux litanies mineures d’avant l’Ascension). A Moissac dans le Tarn-et-Garonne, la procession se fait … en tracteur.

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