Nos anciens ont des choses à nous dire. Encore faut-il que nous prenions le temps de les écouter, que nous les aidions à nous parler. Un article de The Conversation propose d’adopter pour cela les méthodes des chercheurs en anthropologie. La démarche pourrait, je crois, être utile aussi bien pour chacun de nous que, dans un cadre plus large, pour retisser les liens entre générations à l’échelle de notre commune ou communauté. D’autant que la réflexion est engagée pour un nouveau contrat local de santé.
NB : Ayant moi-même rejoint la génération des anciens, je ne veux pas ici faire un plaidoyer pro domo. Ce n’est pas de moi qu’il s’agit.
Dans Ouest-France du 12-13 juin, vous avez lu comme moi sans doute cet article intéressant Dans les domiciles partagés du Morbihan, les aînés apprécient la colocation. Les domiciles partagés sont incontestablement une solution qui séduit les personnes âgées. J’ai cependant été surpris par cette phrase dans le chapô (l’introduction) de l’article : « Afin de pallier le manque de places en Ehpad, le Département soutient la mise en place de domiciles partagés. » J’ai eu envie d’approfondir.
Une solution intéressante, mais…
Les domiciles partagés sont appréciés par les personnes âgées et leurs familles, et on le comprend bien : des petites structures, sans les lourdes contraintes des EHPAD. En filigrane, on devine les points délicats. La mairie assume la charge des loyers, et en quelque sorte sous-loue à chaque résident. Si une place reste vacante, la mairie doit continuer à payer. Les personnes hébergées doivent financer les charges de personnel : « Ce sont elles nos employeuses », reprend la coordinatrice. Des employeurs qui sont en perte d’autonomie. Heureusement, l’association Clarpa (Comité de liaison des associations de retraités et personnes âgées) assure la gestion pour la quasi-totalité de ces résidences.
Au bout du compte, la facture est un peu plus élevée que dans un EHPAD, comme le souligne la conclusion de l’article: Vivre dans un Ehpad en France coûte en moyenne 1 977 € par mois. Les domiciles partagés, 500 € plus cher, répondent seulement en partie aux enjeux de l’autonomie. Sachant qu’en moyenne les retraités touchent une pension moyenne de 1 496 €. Rien à dire.
Manque de places en institution? Vérifions
Il s’agissait, dit-on du côté du Département Conseil départemental (il s’agit bien d’une responsabilité politique!), de « pallier le manque de places en Ehpad. » Eh oui, en nombre de places, le Morbihan est bon dernier en Bretagne : 143 places disponibles pour 1000 personnes de plus de 75 ans. Contre 156 pour 1000 en Bretagne, 152 pour 1000 en Finistère, 165 pour mille en Ille-et-Vilaine, 166 pour 1000 en Côtes d’Armor. Pire, alors que les autres départements ont accru leurs capacités entre 2014, le département les a baissées! Le tableau ci-dessous est extrait des statistiques de l’INSEE
La faute à l’Etat?
D’après le Conseil départemental, ce serait dû aux arbitrages de l’Etat (l’ARS, Agence Régionale de Santé, en Bretagne).
Mon article précédent rappelait la nécessité d’une communication efficace pour impliquer les citoyens dans l’action publique. Réflexion générale qui ne répond pas à deux autres questions, importantes elles aussi : le département ne devrait-il pas disparaître (ma réponse est plutôt oui) ? La conduite des affaires par le président sortant et sa majorité est-elle aussi brillante qu’il veut nous en persuader ? Là encore, ma réponse est plutôt non. Et je vais vous dire pourquoi.
L’action sociale, première responsabilité des départements
L’aide à l’insertion, le soutien aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap sont la première dépense des départements. Le Morbihan n’échappe pas à cette règle. Et du fait du vieillissement des populations (allongement de la durée de la vie) et des crises successives, ces dépenses ont augmenté. Ainsi pour l’insertion, de 61 millions à 95,7 millions. Plus de 50 %. Soit, mais si l’on regarde les données diffusées par les services de l’Etat (comptes individuels des collectivités), il faut nuancer le discours d’autosatisfaction.
Le tableau est éclairant : le département du Morbihan consacre moins d’argent par habitant que les départements comparables (la strate). Cette analyse est largement confirmée par les données que calcule l’INSEE (Action sociale départementale Indicateurs sociaux départementaux).
On dépense donc plutôt moins, mais, paraît-il, on dépense mieux, on gère mieux. Passons sur la nouvelle organisation des espaces autonomie seniors ou santé qui a éloigné le service des bénéficiaires potentiels, la proximité étant assurée – et largement financée – par les intercommunalités.
Quant au soutien à l’insertion, il passe par des appels à projets auxquels doivent répondre les structures susceptibles d’assurer le service. J’avais posé une question orale au conseil municipal du 24 septembre 2018 : comment la commune allait-elle répondre à l’appel à projets pour maintenir son chantier d’insertion Nature et Patrimoine. La question posée avait jeté un éclairage un peu cru sur l’implication de notre conseillère départementale.
Le système mis en place a permis de faire des économies et… conduit à la fermeture de l’atelier d’insertion Pas-à-Pas qui s’adressait aux chômeurs les plus éloignés de l’emploi. . Les bénéficiaires de cet atelier sont toujours là, mais ils ont disparu des radars, ils ont rejoint la cohorte silencieuse des invisibles.
Avec des ressources confortables
L’effort en faveur des plus démunis, des plus fragiles n’est donc pas aussi remarquable qu’il y paraît. Et pourtant, le département dispose de ressources confortables. Celles que lui donne l’Etat – souvent critiqué pour son « désengagement ». Le Morbihan n’est pas le plus mal loti : la DGF (dotation globale de fonctionnement) par habitant était de 143 € en 2019, à comparer avec les 137 € des départements de la même strate.
L’attractivité de notre région, surtout celle du littoral, fait grimper le prix de l’immobilier dont le département profite par la taxe sur les mutations, ce qu’on appelle à tort les « frais de notaire ». Là encore, les chiffres relevés dans les comptes individuels des collectivités sont éloquents : le produit par habitant en 2019 a été de 179 € (166 € pour les départements comparables) et au total une somme qui représente 20 % des recettes totales, à comparer avec les 16,6 % pour la strate.
« L’impôt, c’est mal ! »
Mais le principal titre de gloire brandi dans le bilan du président sortant, c’est d’avoir baissé les impôts tout en réduisant la dette. Et c’est vérifiable, le prélèvement fiscal en 2019 était de 616 € par habitant en Morbihan, il était de 709 € pour les départements comparables. Faut-il s’en féliciter ? Oui sans doute, si on adhère sans réserve aux thèses de Reagan, Thatcher et consorts. En plus, ça plaît, c’est dans l’air du temps, ou plutôt c’était dans l’air du temps jusqu’à ce que l’action publique retrouve de la légitimité avec la crise… et impose de repenser notre rapport à la dette et à l’impôt.
Mieux répondre aux besoins
Personne ne conteste la nécessité de gérer au plus près la dépense publique : l’élu doit faire le meilleur usage des ressources qui lui sont allouées… ou qu’il sollicite à travers l’impôt. Sans doute, sous réserve d’une analyse plus fine et d’une confrontation avec les usagers et les personnels, la restructuration des centres techniques départementaux est une bonne démarche ; comme la décision de simplifier l’organigramme administratif ou la réduction des dépenses de communication. Sauf que du coup, il n’y a presque plus d’information grand public sur l’action départementale, comme je l’ai indiqué dans un article précédent.
Mieux répondre aux besoins, c’est d’abord accroître le soutien aux plus faibles : personnes âgées, en situation du handicap, chômeurs de longue durée doivent être au centre des priorités du département. Mais il y a aussi beaucoup à faire pour les collèges, pour ne citer que ce domaine.
S’engager dans un projet
La majorité départementale, sous l’autorité de son chef de file, s’est concentrée sur la gestion. Sans donner un cap : rien ou si peu pour la transition énergétique, par exemple. Ainsi, le projet de collège à Questembert ne semble pas intégrer la production d’électricité photovoltaïque, en tout cas si l’on se réfère à la vue diffusée sur le site du collège Jean-Loup Chrétien. Et lorsque le recours au bois énergie est évoqué, c’est pour des chaudières à pellets, alors que l’usage des plaquettes de bois permettrait plus facilement de s’appuyer sur des productions locales en circuit court.
Les compétences du département sont désormais restreintes au point qu’on pourrait imaginer la suppression de cette institution. En attendant, la situation actuelle devrait permettre à des élus plus ambitieux, plus imaginatifs, plus motivés même (?) de s’investir et de mobiliser les citoyens… et d’abord les électeurs.
Le groupe des élus de gauche
En 2015, quatre cantons seulement avaient élu des conseillers départementaux de gauche. Ils avaient publié unbilan de mi-mandat que vous pouvez trouver ici. Nous regarderons avec intérêt les propositions pour les élections de juin.
Les seniors sont une ressource pour nos territoires ! Oui, et ils le resteront longtemps si nous facilitons leur autonomie, si nous les maintenons dans la vie collective et ses réseaux. C’est autour de ces questions que nous pourrons débattre avec Patrice Le Penhuizic, président de Questembert Communauté, Elisabeth Pédrono-Jouneaux, conseillère régionale de Bretagne en charge du suivi des politiques de santé, et Odile Plan, présidente de l’association Or gris. Cette réunion débat a été initiée par la section PS de Questembert-Allaire avec le soutien des sections de Guer et de Ploërmel.
Un débat par internet ! Contraintes sanitaires obligent, ce ne sera pas salle Alan Meur, mais sur internet avec ZOOM. Cela s’appelle un webinaire! (mot valise web+séminaire). Il suffit de vous connecter sur https://us02web.zoom.us/j/89166257648; puis de taper l’identifiant de la réunion : 891 6625 7648.
La date et l’heure Ce sera Mercredi 10 février 2021 de 18 h 30 à 20 h
Qui sont les intervenants ?
Patrice Le Penhuizic, maire de Lauzach, président de Questembert Communauté. Jusqu’en 2014, il était vice-président de la Communauté en charge du service Gérontologie. Il a été à l’initiative des Cafés des âges, présentés par Jean Michel Caudron à l’assemblée communautaire de 2006 sous le titre Vieillir c’est vivre. Puis il y avait eu une soirée à Caden et une autre à Lauzach. Patrice Le Penhuizic avait été aussi à l’origine de la Maison d’Accueil Communautaire qui propose des rencontres aux personnes âgées qui le souhaitent.
Elisabeth Jouneaux Pédrono, cadre de santé à l’IFSI de Pontivy, est conseillère régionale déléguée aux formations sanitaires et sociales au Conseil régional de Bretagne.