Nous allons commémorer l’armistice du 11 novembre 1918 qui avait mis fin aux combats commencés en août 14. Quatre années de massacres, de dévastations qui ont laissé exsangues les pays d’Europe. Le conflit a fait plus de 9 millions de morts et disparus (1,4 million pour la France), plus de 21 millions de blessés (4 millions en France) Effroyable. La cérémonie nous rappellera le souvenir des soldats tombés au front, des blessés marqués à vie, des familles enfermées dans le deuil. Il est important que nous soyons nombreux.

Commémoration de l’armistice de 1918
– 9h45, rassemblement sous les Halles
– 10h, messe solennelle à l’église
– 11 h, cérémonie sous les Halles
– 11h45 au monument aux morts
Le souvenir s’efface
Dès 1919, Roland Dorgelès écrivait dans Les Croix de bois : « On oubliera. Les voiles du deuil, comme les feuilles mortes tomberont. L’image du soldat disparu s’effacera lentement… »
Dans son poème Tu n’en reviendras pas (Le Roman inachevé 1956), Louis Aragon écrit ces vers pleins d’émotion.
Déjà la pierre pense où votre nom s’inscrit
Déjà vous n’êtes plus qu’un mot d’or sur nos places
Déjà le souvenir de vos amours s’efface
Déjà vous n’êtes plus que pour avoir péri.
À nous de démentir ! Gardons fidèlement en mémoire le souvenir de cette tragédie européenne, car, selon la réflexion de Paul Houée, fondateur en 1965 du Comité d’Expansion du Mené, un des premiers pays de Bretagne, seuls les peuples qui ont trouvé dans l’intelligence de leur passé la signification de leur présent sont capables d’inventer leur avenir.
Un désastre européen
En France, les pertes humaines représentent 10,5 % des hommes actifs (c’est à peu près la même chose en Allemagne et en Autriche-Hongrie). Il faut ajouter tous les blessés et mutilés. La guerre a provoqué un effondrement démographique qui va se prolonger jusqu’au baby-boom des années 45-55. Les destructions matérielles sont immenses, et des économistes ont calculé que ces 4 années de guerre avaient coûté à la France l’équivalent de onze années d’investissement. Ajoutons à cela l’effet psychologique massif : démobilisés de l’armée, les héros sont fatigués, ils aspirent à une vie tranquille, ils n’en veulent plus !

La der des der ?
Le seul espoir, matérialisé dans le projet politique de la Société des Nations, était que cette guerre soit la der des der. Plus jamais ça ! Une Grande Illusion, comme le montre le film de Jean Renoir. Lorsque sort le film, en 1937, les illusions se sont évanouies : Hitler prépare la revanche. L’année suivante, l’Allemagne annexe l’Autriche (l’Anschluss) puis le territoire des Sudètes, une partie de la Tchécoslovaquie. Puis en septembre 39, la Wermarcht envahit la Pologue, l’étincelle qui déclenche la deuxième guerre mondiale, et son cortège sanglant.
Après-guerre, depuis la guerre, entre-deux guerres
Combien de fois j’ai entendu dans mon enfance, et longtemps après, l’expression Depuis la guerre [døpe la dʒɛʀ] : le signe d’un changement total du monde. Les historiens, les médias expriment la même idée en décrivant l’après-guerre, la reconstruction, les Trente glorieuses, le baby-boom, des mots qui masquent la réalité des guerres de décolonisation, les conflits sporadiques si lointains qu’ils ne semblaient pas nous atteindre.
Le monde d’avant, c’était l’entre-deux guerres. Les années folles, la grande dépression, les Croix de feu, les ligues, le Front populaire. Une histoire lointaine, qui semble se rejouer aujourd’hui. La guerre est aux portes de l’Europe, en Ukraine, au Proche-Orient, et un peu plus loin dans de multiples foyers qui pourraient conduire à l’embrasement général. Comme si nous étions dans une nouvelle période d’avant-guerre, dans les derniers moments d’une entre-deux guerres.
Une vision pessimiste ?
Sans doute, avec malgré tout l’espoir que la France,notre pays, et l’Europe, avec les valeurs de liberté et de démocratie soient assez fortes pour contenir les appétits sans limite des puissances impériales.
Le réel quelquefois désaltère l’espérance. C’est pourquoi, contre toute attente, l’espérance survit. (René Char, La Parole en archipel)
