Je suis très attaché à l’information du citoyen, qui doit pouvoir se faire une « opinion éclairée ». Ne négligeons pas cependant l’information et la formation des élus. En effet, l’élection donne aux élus la légitimité démocratique, mais ce n’est pas l’illumination de la Pentecôte : elle n’accorde pas les connaissances, les compétences nécessaires pour l’exercice des responsabilités. Si la formation est indispensable pour les nouveaux élus, et spécialement pour les nouvelles majorités, souvent portées par des novices sans expérience municipale, elle reste nécessaire pour tous.
Un droit établi par la loi Joxe de 1992
La loi Joxe Administration Territoriale de la République a plusieurs volets riches d’innovation : les prémisses de la démocratie participative, la création des communautés de communes, les droits de l’opposition dans les conseils, par exemple. Elle prévoit aussi le droit à la formation des élus... et le financement de cette formation sur le budget municipal.
Se former à quoi ?
Évidemment, on a vu un amuseur public se présenter sur une liste parisienne, et montrer une ignorance totale aussi bien de l’organisation générale de la capitale que des réalités pratiques de la vie des parisiens. Et il arrive ici et là que des zozos de ce genre arrivent aux commandes. Mais la plupart du temps, les élus désignés par le suffrage ont le sens de l’intérêt général et la volonté de bien faire.
Ils seront bien sûr soutenus par le personnel communal, et d’abord par les cadres (directeur/trice des services), accompagnés par les fonctionnaires de l’Etat (trésor public). Soutenus, accompagnés, pas pilotés, ils doivent maîtriser suffisamment les sujets sinon ce sont les technocrates qui garderont le pouvoir.
Leur autonomie leur impose des connaissances de base : savoir comment fonctionne un conseil municipal, ce que contient un budget communal, quels sont les partenaires de la commune (l’Etat, la Région, le Département, etc), comment se situer par rapport aux autres élus, aux citoyens.
Se former avec qui ?
Les élus plus expérimentés auront à cœur de partager leurs connaissances pour initier les nouveaux. Il sera pourtant nécessaire de faire appel à des spécialistes, à des professionnels. De nombreux organismes ont développé des programmes à destination des élus et sollicité l’agrément du ministère de l’Intérieur, condition nécessaire pour que la dépense puisse être prise en charge par la collectivité.
Chaque élu peut individuellement faire son marché dans les catalogues de ces organismes. Cependant, il peut être intéressant pour une collectivité de proposer des formations de base à l’ensemble du conseil municipal, pour un coût qui sera inférieur à la somme des stages individuels. D’ailleurs, si on se revendique de « démocratie participative », il est essentiel de permettre à tous les conseillers de partager les mêmes informations.
On y trouvera un autre avantage : élus de la majorité et de l’opposition seront à égalité dans ces connaissances de base et les débats y gagneront en qualité. Ajoutez à cela les moments de pause qui vont faciliter la fluidité des relations interpersonnelles.
La formation peut ou doit aussi s’organiser au niveau de la Communauté de Communes, là encore pour des économies d’échelle et comme moyen de mieux intégrer tous les élus et pas seulement les délégués dans le projet communautaire.
La loi ATR de février 1992 posait les principes de la démocratie participative en ces termes : « Le droit des habitants de la commune à être informés des affaires de celle-ci et à être consultés sur les décisions qui les concernent, indissociable de la libre administration des collectivités territoriales, est un principe essentiel de la démocratie locale. »
N’est-ce pas une bonne idée de commencer en faisant vraiment participer les conseillers municipaux eux-mêmes et donc en leur en donnant les moyens ?
Quels organismes de formation?
Le ministère de l’Intérieur donne une liste de 206 organismes agréés, dont les 93 conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE). La plupart des universités proposent des formations. Les associations d’élus (associations des maires, par exemple) également.
En Bretagne, un cas particulier : l’ARIC, Association Régionale pour l’Information des Collectivités. Une association résolument démocrate et pluraliste, fondée en 1971 dans les Côtes d’Armor, à l’initiative d’un groupe d’élu.e.s autour de Sébastien Couëpel et de Pierre-Yvon Trémel, l’un démocrate-chrétien, l’autre socialiste. Administrée par des élus pour les élus, l’association n’a pas vocation à dégager des profits, ce qui lui permet de proposer des formations de qualité à des prix tout à fait compétitifs.
Pendant la campagne, j’avais déjà insisté sur le devoir qui s’impose aux élus d’informer les citoyens dans l’article Informer, communiquer, une obligation pour les élus
Pourquoi deux poids deux mesures ? La formation pour les élus, les citoyens devant se contenter d’une information (dispensée par les élus). Je pense que les citoyens ont droit également à une formation sinon comment anticiper le renouvellement des conseillers. Par exemple, des formations (gratuites) en ligne ouvertes à tous. Les citoyens sont invités à participer aux comités consultatifs. Sans formation, ceux-ci seront dominés par les « spécialistes ».
Non, je ne vais pas dire « la question, elle est vite répondue »… Les élus sont d’abord des citoyens, et je souhaite qu’ils se soient tous préparés aux fonctions qu’ils ont sollicitées. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas, comme l’ont montré des expériences récentes. Voilà pourquoi j’ai voulu insister sur la nécessité de la formation des élus.
Oui les citoyens ont aussi le droit à la formation ! Et d’abord à l’information : des élus responsables doivent apporter aux citoyens l’information dont ils disposent, comme je l’ai écrit dans cet article Informer, communiquer, une obligation pour les élus (https://questembert-regard-citoyen.fr/?p=489#)
Les informations transmises par les élus doivent aussi permettre aux citoyens de compléter, d’enrichir leurs connaissances civiques grâce à d’autres sources. J’ai abordé ces thèmes dans cet article Majorité et opposition au conseil municipal (https://questembert-regard-citoyen.fr/?p=587) et dans celui-ci aussi Tu seras maire, mon fils/ma fille (https://questembert-regard-citoyen.fr/?p=417)
Il faudrait pouvoir faire mieux. Cela renvoie à ce qu’on appelait (qu’on appelle encore?) l’éducation populaire. Des savoirs, des connaissances, des compétences transmises par le monde associatif, les partis politiques (quand ils font bien leur travail), les syndicats, etc.
Les oppositions doivent elles aussi jouer ce rôle, sans céder à la facilité démagogique. Je crois que nous avons contribué à cette information et à la formation citoyenne par nos publications.