Sacrilège, sinon blasphème : des graffiti sur la vénérable charpente des Halles ! Si la vie politique, même au niveau communal, était une guerre, je dirais que c’est de bonne guerre, mais je crois qu’il nous suffit de nous en tenir au débat, à la confrontation des points de vue. La tentation a été trop forte pour l’opposition communale d’enfourcher la fringante cavale (cité équestre) de la polémique. Cependant, l’objet de ce papier n’est pas de m’inscrire dans cette chamaillerie sans grand intérêt mais de prendre un peu de distance.
Vous avez le droit de ne pas aimer, mais regardez quand même
En effet, vous pouvez même dire : ce n’est pas de l’art, et personne ne vous demandera de donner une définition positive du mot art. Je ne me risquerai pas non plus dans cette querelle sémantique. Regardons quand même sereinement l’objet de votre courroux : des mots (au blanc de Meudon, éphémères forcément) tracés sagement en écriture bâton, rien à voir avec le graffiti rageur qui érafle la peinture fraîche d’une façade ou le tag flamboyant qui écorche les yeux. Pas de mort aux juifs, aux arabes, pas d’ACAB, pas même de Dupont est un c***, ni de Mort aux vaches, juste des messages presque sages : revoir le printemps, que son âme veille sur la mienne, retrouver la complicité avec mon père. Des paroles simples, diverses, qui disent des rêves, des attentes, des espérances, des craintes aussi. Laurent Lacotte a fait un choix dans les quelque 250 messages qu’il a collectés.
Prosaïque, planplan même
Rien de dégradant, même pour les bois centenaires de nos Halles. Ce n’est pas sans doute du René Char, ni du Paul Valéry (le bon maître me le pardonne), c’est aussi simple qu’une chansonnette d’Édith Piaf. Laurent Lacotte, l’artiste plasticien retenu par un jury citoyen pour créer une œuvre d’art éphémère, a recueilli ces paroles auprès des enfants, des résidents de l’espace autonomie, des élèves de la MFRE. En une phrase, en quelques mots, dites ce que vous espérez pour vos lendemains, telle était la consigne donnée. Les textes recueillis étaient ensuite lus à haute voix, chacun pouvant alors revendiquer à haute voix le souhait exprimé ou en garder le secret, car certains messages disaient aussi des choses graves.
Un peu planplan tout ça ? Pourquoi pas ? À condition de respecter cette parole populaire. Comme le fait Aragon dans son poème J’entends, j’entends. (le texte complet est ici)
J’entends leurs pas, j’entends leurs voix
Qui disent des choses banales
Comme on en lit sur le journal
Comme on en dit le soir chez soi…
Graffiti, tags, les œuvres des graffeurs
Mercredi soir le cinéma Iris recevait le réalisateur Guillaume Kozakiewiez pour présenter son film Où va le blanc quand la neige fond ? une plongée immersive dans un dédale haut en couleurs, avec des artistes pour le moins singuliers, des peintres issus du graffiti qui viennent de l’illégalité et d’une école que l’on appelle la rue. Invités par l’association vannetaise l’art prend la rue ils ont investi la friche urbaine de l’ancienne DDE, rue du commerce. Le résultat est surprenant, dérangeant. Époustouflant aussi. À voir dans cette vidéo. https://vimeo.com/733946214
Qu’on le veuille ou non, les graffeurs d’aujourd’hui produisent des œuvres d’art. Sans doute y aura-t-il des scories, mais certaines de ces œuvres résisteront au temps. Gustave Courbet et Jean-Léon Gérôme sont des peintres de la même époque. De qui a-t-on gardé la mémoire ? Le peintre académique (on dit aussi pompier, mais c’est peu respectueux des soldats du feu) ou le peintre dont les toiles provoquent le scandale ?
Chez nous aussi
Les murs sans décor, dès qu’ils présentent une grande surface visible, sont fréquemment tagués et pas toujours de façon esthétique : expressions grossières d’opinions brutales, insultes ignobles, etc. Rien de surprenant, rien de neuf : on en trouve des traces sur les murs de la Rome antique. Les transformateurs électriques sont des supports assez communs, et ça peut donner ceci:
Et justement, en coopération avec EDF (ou ERDF ou Enedis) la commune a confié à une équipe de jeunes accompagnés par un graffeur la mission donner un autre visage à ces boites métalliques. Voir Les transfos, vous les aimez comment?
Il en a été de même pour le pignon de la salle de sports. J’entends dire qu’il y a un projet de faire un nouveau décor. Normal, les tags sont un art éphémère. Plus récemment, la station de relevage du Pont-Plat a été décorée par les jeunes et les habitants du quartier avec les conseils des graffeurs de A4 Création, Nicolas Sinic et Terence Caudal. Voir ce bel article d’Ouest-France: Ce graff participatif colore le bois Saint-Martin à Questembert