Nous n’étions pas nombreux dans le public pour assister au conseil municipal du 23 janvier. J’y étais pour une fois, mais je ne reprocherai à personne de préférer la soirée au coin du feu, avec un livre, ou devant une belle émission à la télé, je le fais souvent. Heureusement, il est désormais possible de regarder la vidéo en différé sur lesinfosdupaysgallo si on n’a pas pu la suivre en direct De plus quelques jours après la réunion, les délibérations et les documents annexes sont mis en ligne sur le site de la mairie.
Cependant un point de l’ordre du jour m’intéressait plus particulièrement : la question de l’Étang de Célac (restauration de la continuité écologique). Mais il y avait aussi la mise en œuvre du programme de déplacements doux le projet de pumptrack et l’étude pour un Schéma Directeur Immobilier et Énergétique (SDIE). à voir dans les documents mis en ligne sur le site de la mairie.
L’étang de Célac, un serpent de mer ?
La sécheresse de l’été dernier a mis en évidence un problème qui ne date pas d’hier : l’envasement progressif de l’étang de Célac. Dès le projet initial, fin des années 60, comme le rappelait récemment un de mes amis, à l’époque membre du bureau de l’association, les pêcheurs de la Truite Questembergeoise et la fédération départementale de pêche avaient alerté les élus : il fallait prévoir l’étang en dérivation par rapport au ruisseau, pour éviter l’envasement et conserver une ruisseau d’eau vive favorable à la biodiversité. Les élus n’avaient pas entendu ces observations : le ruisseau s’est noyé dans l’étang. Tanches et autres poissons blancs se sont multipliés aux dépens de la truite. Nous avons bénéficié d’un joli paysage, d’un agrément attractif pour le camping municipal, d’un beau site de promenade très prisé des Questembertois et des visiteurs. Mais l’étang s’est envasé… comme le prévoyaient les pêcheurs.
En 1996, nous avons conduit une opération de désenvasement : pompage des boues et refoulement en amont du Pont-à-Tan. La règlementation d’alors l’autorisait. Elle contribuait pourtant à remblayer une zone humide, même si la prairie n’était pas classée officiellement. Il est impossible aujourd’hui de renouveler cette opération.
Élargir le point de vue
Il faut en effet considérer l’étang comme un élément de la vallée du St-Éloi/Tohon, et plus généralement du bassin versant global, depuis les sources à La Vraie-Croix jusqu’à l’embouchure à Billiers. Depuis de nombreuses années, pour l’Arz, le bassin de l’Oust, et plus récemment pour le Trévelo, des syndicats de bassin versant ont mis en œuvre des programmes afin de restaurer les cours d’eau, dans une vision globale des problèmes. Malgré nos efforts, il n’avait pas été possible jusqu’à récemment de créer un syndicat de bassin versant pour le St-Éloi. Donc rien n’a été fait, ou presque, pour corriger la dégradation globale de ce ruisseau et de son environnement, qui se manifeste de façon la plus visible par l’envasement de l’étang. Et maintenant, il faut se mettre en conformité avec la loi qui impose de restaurer les milieux aquatiques. Une compétence (GEMAPI) des Communautés de communes depuis la loi NOTRe, compétence déléguée par Questembert Communauté à Eaux et Vilaine.
Une obligation règlementaire, oui, sans doute ; mais il s’agit de protéger un bien commun essentiel, l’eau !
La faute à l’Europe ?
La présentation administrative se réfère dès la première ligne à la Directive Cadre sur l’eau : En réponse à la directive cadre sur l’eau pour atteindre le bon état écologique des cours d’eau… Avec ça, on sait tout de suite que c’est la faute à l’Europe, aux technocrates de Bruxelles et, derrière ces fonctionnaires, les écolos bobos… Pas besoin de réfléchir, de s’informer, de comprendre : il suffit de dire non, de refuser les diktats venus de l’étranger ; du pain bénit pour les souverainistes et les démagogues.
Comme c’est plus facile de sonner l’alarme pour rameuter sa clientèle politique, ils se focalisent sur les travaux évoqués pour l’étang de Célac : « l’étang va être supprimé, les Questembertois vont être privés de ce superbe lieu de promenade pour prétendument sauver les grenouilles, les truites et les sauterelles ».
D’ailleurs, avant toute chose, il aurait fallu consulter la population ! Si possible avec une question simple, simpliste même : Voulez-vous conserver l’étang de Célac et sa promenade ? Pas besoin de demander à l’IFOP de faire un sondage, vous devinez la réponse. Mais ne faut-il pas d’abord prendre le temps de l’information, de l’explication, de la réflexion ?
Un constat partagé
L’envasement n’est qu’un aspect de la dégradation globale du milieu : en quelque sorte, la partie émergée (c’est le cas de le dire) d’un iceberg. On voit aussi dans les périodes de forte chaleur de l’été une pellicule jaunâtre due à la prolifération des cyanobactéries : elles se développent massivement en se nourrissant des nitrates et phosphates. Elles contribuent à l’asphyxie du milieu et génèrent des toxines dangereuses. Tous les étangs ou presque sont touchés par cette pollution : ainsi les cyanobactéries ont conduit à interdire la baignade au Moulin Neuf. Ce n’est pas une nouveauté comme en témoigne cette étude du conseil départemental du Morbihan en 2007.
Plus généralement encore, les études montrent qu’il faut penser la restauration du milieu de l’amont jusqu’en aval, en portant une attention particulière au franchissement du seuil entre l’étang et la vallée au-delà de la départementale pour permettre les migrations des poissons, truites, anguilles et lamproies marines (suce-pierre), pour assurer la continuité écologique.
Études de détail
Les documents qui ont été présentés pour l’enquête publique sont extrêmement détaillés, au point d’être illisibles. Le rapport général est diffusé en 2 tomes, le tome 1 fait 306 pages et le tome 2 en fait seulement 245 ! Heureusement qu’il y a un résumé en 34 pages. C’est pourquoi j’ai tenté de rendre l’information plus accessible dans mon article Tohon Saint Eloi, restauration des milieux aquatiques publié le 17 janvier.
C’est à partir de ces documents qu’il faudrait, pour faire vivre la participation démocratique, lancer la réflexion et le débat collectif. Car il y a encore du temps pour élaborer ensemble des réponses aux problèmes posés par la dégradation de la biodiversité et de la qualité des milieux aquatiques.
Les données de départ vont être approfondies par des études techniques mais aussi par des études sociologiques : quels sont les usages de ces espaces, autour de l’étang et dans toute la vallée ? Le tour de l’étang est un lieu de promenade, un parcours sportif, ; on y pêche aussi bien la truite que les poissons blancs. Tels sont les sujets qui seront abordés collectivement avec ceux qui souhaiteront s’y impliquer.
Des changements oui, mais pourquoi pas des changements positifs ?
Oui, la loi nous impose d’agir pour restaurer la continuité écologique. Faut-il considérer qu’il s’agit d’une loi agressive, comme je l’ai entendu au conseil ? Lois sur l’eau, directive européenne, tous ces textes sont le fruit du travail de parlementaires élus (oui, nous avons voté!). Faut-il seulement dire que les Questembertois vont subir la suppression de l’étang, notre petite ville va y perdre un agrément apprécié des touristes ? Ou bien, déjà, en faisant d’une contrainte une opportunité, rechercher ensemble comment nous allons compenser la perte d’agrément par d’autres agréments à construire ? Un travail collectif, serein, sans démagogie, voilà ce qu’on est en droit d’attendre d’élus responsables, attentifs au bien commun et à la participation citoyenne.
Surprenant aussi d’entendre une interrogation sur combien tout cela va coûter à la commune…. Oui, il faut bien parler d’argent ! Le budget global est donné à la page 24 du résumé mis dans l’enquête publique : 7,5 M € sur 10 ans, 80 % partagés entre Agence de l’eau, Région Bretagne, Département du Morbihan…. Les 20 % restants sont partagés ainsi : Redon Agglo 47 %, Arc Sud Bretagne 34 %; GMVA 2 %, Questembert Communauté 16 %. Et vous posez la question : combien pour la commune ?
En parlant de « débit collectif », je crois que tu te laisses emporter par ton sujet !
Plus sérieusement, pour se faire une idée, il est intéressant de suivre le sentier de randonnée du Saint-Eloi récemment créé -voire de pousser jusqu’à Tohon- et d’ouvrir les yeux et les oreilles pour sentir la différence entre un cours d’eau vivant et un étang boueux : la restauration du lit du ruisseau peut très bien se faire sans nuire à la qualité de la promenade, bien au contraire.
Par contre, je ne te suis pas sur l’argument des cyanobactéries : les phosphates et les nitrates ainsi libérés vont se retrouver dans la mer où ils vont alimenter les algues vertes : c’est cacher la poussière sous le tapis.
hum… d’accord Henri pour l’essentiel de ton propos mais pas pour ton dernier paragraphe… C’est plus compliqué que cela… les algues vertes viennent des masses d’eau dégradées… autrement dit du taux de nitrate dans l’eau au global qui est complètement dissous dans l’eau (contrairement à d’autres substances qui peuvent être filtrées… par le bocage notamment). Relarguer des substances stockées ponctuellement est un petit problème à côté de la capacité d’auto-épuration d’un milieu restauré qui va travailler en flux continu ensuite… ce qui est l’ambition du projet (d’Eaux et Vilaine en tout cas). Ce n’est donc pas cacher la poussière sous le tapis que d’admettre un inconvénient ponctuel pour un gain de biodiversité et de continuité écologique… et accessoirement, d’amélioration démontrée de la qualité de l’eau (retour sur expérience ailleurs)…
Merci pour le débat/débit! c’est corrigé.
En effet, la randonnée sur la boucle du St-Eloi et aussi en aval du moulin de Célac jusque vers Tohon est en effet une bonne façon d’appréhender le sujet.
D’accord aussi pour dire qu’empêcher le stockage de phosphates et de nitrates dans les boues de l’étang ne résout pas le problème de l’excès de nutriments/fertilisants dans les eaux. Il faut aussi réduire les apports et améliorer la rétention par les talus, les zones humides. C’est complexe, mais cela justifie encore plus une approche globale, au-delà du périmètre de notre promenade de Célac.