
Nous étions nombreux samedi 1er février à partager la peine des proches de Pierre Belleil. Beaucoup de Questembertois, mais aussi des gens d’un peu partout qui, à moment ou un autre, avaient croisé son chemin de vie. Un parcours exemplaire à plus d’un titre.
Les années JAC
Pour lui, comme pour beaucoup de jeunes ruraux, fils et filles de paysans, la JAC (Jeunesse Agricole Catholique) a été une étape essentielle dans la formation, dans la conquête de l’autonomie, de la liberté. Le mouvement s’adressait aux jeunes de 15 ans (quittes d’école) à 25 ans (arrivés à l’âge adulte) et proposait une méthode originale d’éducation populaire, résumée en 3 mots Voir-Juger-Agir. D’abord, observer les faits de la façon la plus objective possible, en variant les points de vue et les aspects, ensuite confronter les faits constatés aux valeurs qu’on défend (valeurs chrétiennes, valeurs humaines) avant de définir un programme d’actions. Une méthode qui paraît simple mais qui a guidé toute la vie de Pierre Belleil.
La JAC a aussi été un lieu d’ouverture, de rencontres, où se sont construites de solides amitiés, comme on l’a vu dans l’assistance de samedi. Et s’il y avait d’un côté les gars de la JAC et les filles de la JACF, il leur arrivait de se retrouver dans des sessions communes, où de nombreux couples se sont formés, comme par exemple Pierre et Marie-Thérèse.
C’est là qu’il a développé le sens de l’engagement collectif, pour organiser aussi bien des fêtes comme les coupes de la joie que le travail en commun ou la lutte pour la défense des valeurs et des intérêts du monde paysan.

L’Algérie
Comme la grande majorité des hommes de sa génération, Pierre Belleil a participé à la guerre d’Algérie ; des cicatrices qui ne s’effacent pas, mais lui osait en parler avec ses proches pour en faire une base de réflexion. Et nous avons entendu avec émotion le témoignage d’un appelé qui combattait auprès de lui : c’est lui qui s’était porté volontaire et avait entraîné un petit groupe pour aller sauver les blessés sous le feu des FLN. Du courage personnel au service du collectif.
Syndicalisme agricole
Au retour de l’Algérie, profondément ébranlé par ce qu’il a vécu, il met du temps à retrouver de la sérénité, mais son installation sur la ferme familiale y contribue sans doute. Bien vite, il s’engage dans le syndicat agricole, dont il devient d’abord responsable local, avant de présider de 1976 à 1980 la FDSEA (fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles). Sans adhérer aux Paysans Travailleurs de Bernard Lambert., il se situait dans cette mouvance et faisait partie, comme une bonne part des responsables de l’Ouest, des dissidents par rapport à la tendance majoritaire de Michel Debatisse. Malgré cette orientation progressiste, il devient président de la Chambre d’Agriculture du Morbihan jusqu’en 1995.
Le travail en commun
C’est aussi dans sa pratique quotidienne qu’il montre son engagement dans le collectif : dès son installation, en 1964, il est parmi les fondateurs de la CUMA (Coopérative d’Utilisation du Matériel Agricole) la Printanière. Puis en 1987 avec ses deux jeunes voisins, Alain et Roger Louis, il fonde le GAEC Skoazell Ar Vro. Ils seront rejoints par un quatrième puis par un cinquième associé (Daniel Audiger et Alain Launay] pour une ferme laitière d’une centaine de vaches.
Un homme qui a compté
On a entendu les hommages de ses enfants qui nous ont montré le bel héritage moral qu’il leur a laissé. Puis Monique Danion, elle-même agricultrice, un temps vice-présidente de la Chambre d’Agriculture, a retracé les étapes de son engagement pour le monde agricole. Enfin, Alain Louis a parlé de leur travail en commun au sein du GAEC. Dans l’assistance, on reconnaissait ses amis qui avaient participé avec lui à son engagement de JACiste, de militant agricole. Et aussi, ses voisins, ses copains de la Boule Questembertoise (qu’il a présidée une dizaine d’années), enfin plein de gens pour qui Pierre a compté.
Pour moi aussi, Pierre a compté. Et je l’ai consulté bien souvent : ses conseils étaient avisés. Je me rappelle comment il m’avait interpellé sur l’usage du je dans un édito du bulletin municipal : « tu devrais plutôt dire nous, c’est un projet collectif. » Il avait en partie raison, mais il savait bien aussi qu’un chef de file doit assumer ses responsabilités. Il l’avait fait en son temps, gardant la balance équilibrée entre le travail en commun et l’obligation de répondre de la décision.
Je termine sur cette remarque personnelle, mais j’invite ceux qui le souhaitent à compléter cet hommage dans des commentaires.