La notion de « sociotope » a été élaborée par l’urbaniste suédois Alexander Ståhle : comment les gens vivent ces espaces ouverts, c’est-à-dire libres de construction, qu’ils soient publics ou privés. Près de chez nous, c’est Jean-Pierre Ferrand qui propose une réflexion sur les sociotopes qui sont en quelque sorte pour les humains ce que le biotope est pour les animaux et les plantes.
Spécialiste de l’environnement, il intervient souvent dans des équipes d’urbanisme. Il était de l’atelier TerrATerre qui a élaboré le diagnostic territorial avant l’élaboration du PLUi de Questembert Communauté; auparavant, il avait été associé à nos réflexions sur le projet de Coulée verte, dans la vallée du Tohon autour de la ville. A voir dans cet article La coulée verte, une ambition pour tous ou dans celui-ci La « Coulée Verte, » c’est bien pour les humains et la biodiversité. Nous avons là un bon exemple de réflexion sur les sociotopes : comment les « espaces ouverts » (= non construits) sont perçus et pratiqués par les gens, dans un environnement culturel déterminé.
Il expose ses recherches dans son blog Sociotopes en France qui contient des centaines d’articles sur l’usage des espaces ouverts. Les derniers articles qu’il a publiés m’ont particulièrement intéressé, ce qui me conduit à les partager ici.
Dès le 5 janvier, JP Ferrand nous invite à réfléchir sur les Sociotopes en espace agricole. Ce qui me ramène à l’époque maintenant lointaine où, à la communauté de communes, nous avions travaillé à une charte du partage du milieu rural avec les agriculteurs, les habitants non agriculteurs, les randonneurs, les pêcheurs, les chasseurs. Nous n’avions pas pu aller au bout de la démarche en raison de certains blocages, mais les agriculteurs du GVA avaient quand même publié un guide du territoire partagé, qui reprenait l’essentiel des propositions.
Aujourd’hui, la commune a créé une commission agricole qui, pour le moment, n’a pas pu fonctionner en raison de la crise. Mais je vois bien que les idées évoquées dans l’article de JP Ferrand pourraient nourrir la réflexion collective. Il note par exemple que, dans le respect des pratiques agricoles, l’espace rural est bien plus perméable qu’on ne le croit aux usages sociaux. Se référant à un ouvrage universitaire Les loisirs en espace agricole : l’expérience d’un espace partagé, il souligne les limites floues et la porosité entre l’espace public et la propriété privée.
Dans son article du 6 janvier A la campagne, des loisirs fédérateurs, il évoque comment il relève des exemples tirés de cet ouvrage : dans l’espace agricole, il y a des pratiques de loisirs communes à presque tout le monde, sans distinction d’âge ou de caractéristique socio-professionnelle, la promenade, la randonnée pédestre, le cyclotourisme, la cueillette, le pique-nique et la pêche. Là encore, la commission agricole pourrait trouver des pistes de débat.
Et je vous invite pour prendre avec lui un peu de hauteur quand il se réfère au livre de Fernand Braudel L’identité de la France. Que chacun se rassure, c’est un travail d’historien, pas d’un polémiste qui tenterait de nous piéger avec son délire identitaire. Dans son livre, Fernand Braudel donne une description du saltus, l’espace flou entre les espaces cultivés, agricoles et la forêt sauvage. A lire dans son article du 10 janvier Braudel, le saltus et les sociotopes.