Fièvre immobilière, des questions, des solutions

La question du logement est une de mes préoccupations centrales. Et j’ai partagé mes réflexions dans plusieurs articles, que ce soit dans le bulletin municipal jusqu’en 2014, sur le site Questembert notre cité, puis Questembert créative et solidaire, et, depuis mon retrait de la politique active, ici sur ce site où je propose un « regard citoyen ». J’y ai parlé d’urbanisme, de ZAC, de logements sociaux, ou… de cimetière, d’aide à la pierre, de rénovation de l’habitat.

Première pierre au Clos Kisten, opération de rénovation urbaine

La campagne des élections régionales et départementales a mis le sujet sur le devant de la scène. Plusieurs listes régionales ont souligné la gravité du problème et tenté de proposer des solutions. D’autres, par aveuglement ou par excessive confiance dans la régulation par le marché, n’en ont pas parlé ou se sont contenté de réponses banales, en gros « on fera comme avant ». Il en va de même pour les élections départementales : ainsi la plate-forme de la majorité départementale sortante (page 2 de la profession de foi) évoquait seulement les résidences de personnes âgées et l’appui à la rénovation énergétique des logements existants.

Le logement pour la majorité départementale

Rien sur le problème global du logement, c’est-à-dire le foncier, l’urbanisme, les déplacements induits. Sauf la proposition de la liste UDB/EELV de créer un « statut de résident breton ». L’idée a provoqué des polémiques… Je trouve qu’elle ressemble trop à d’autres slogans d’exclusion comme la France aux Français, et pas aux migrants, aux étrangers. En Corse, ça se traduit I Francesi Fora, un graffiti qui voisine souvent avec I Arabi Fora. On me dit que non, que mon interprétation est biaisée, que j’ai mal compris. Reste un malaise, quand même.

Un excellent dossier du quotidien Ouest France

Heureusement, sans s’immiscer dans la campagne électorale, Ouest-France a choisi de mener une enquête approfondie sur l’impact que peut avoir la pression immobilière sur la vie quotidienne des morbihannais. L’article initial du 30 mai intitulé Immobilier hors de prix : quel impact sur la vie quotidienne des Morbihannais ? annonçait du lundi 31 mai au dimanche 6 juin 2021, un tour d’horizon des effets, ressentis ou méconnus, de cette tension, mais aussi des solutions possibles.

A Questembert, nous percevons très directement les effets de notre position en 2ème couronne de l’agglomération vannetaise et en « rétrolittoral » par rapport à la presqu’île de Rhuys. Tout ce qui est à vendre se vend au prix fort, les offres de location sont rares, même pour des biens de médiocre qualité.

Mais, comme le montre l’analyse d’Ouest-France, la pression immobilière se fait sentir jusque dans des territoires moins bien équipés que notre petite ville ou plus éloignés des zones d’emploi et des axes de circulation. Des territoires qui déjà se disent « abandonnés par la République » https://www.questembert-creative-solidaire.org/Territoires-abandonnes,1482.html

La pression immobilière tient en premier lieu à l’accroissement de la population (400 000 habitants, actifs et retraités, d’ici 2040), un phénomène amplifié par le desserrement des ménages (moins d’habitants par logement) et par la demande toujours forte de résidences secondaires. Mais sur ce dernier point, on pourrait dire que le mal est fait : 80 % des habitations sont des résidences secondaires à Arzon ! On y a créé des ghettos pour vieux riches !

Déplacements, mobilités, problèmes complexes, solutions multiples

La densité de circulation automobile induit une demande d’aménagements routiers, responsabilité départementale (voir mon article sur la D 775 Eléments de débat) sans pouvoir assurer une amélioration sensible de la situation. Demande accrue de desserte ferroviaire, de transports collectifs routiers, compétence régionale… mais l’offre, même améliorée, ne peut satisfaire tous les besoins : pas de voies ferrées partout, limitation des cadences pour des raisons de sécurité. (Loin de moi l’idée de défendre la remise en service de la voie Questembert-Ploermel, ou la reconstruction du chemin de fer local Locminé-Vannes-La Roche Bernard). Face à ces problèmes complexes, il faudra faire flèche de tout bois et rechercher des solutions multiples : covoiturage systématique, auto-partage, retrouver de la proximité pour les services essentiels, sécurisation des parcours piétons et vélos, etc.

Plus de logements ? Oui, mais comment ?

Nous avons donc besoin de plus de logements. Et sans doute, en utilisant mieux l’existant, dont il ne faut pas négliger la ressource… ni les difficultés. La construction neuve par an représente environ 1 % du parc total : en 2020, 381 000 logements autorisés (PC) pour un parc total de 37 millions (source INSEE)… Quand on construit, on devrait penser qu’on construit pour 70 ou 100 ans, ça n’exclut pas bien sûr les travaux de réhabilitation, de rénovation, les changements de destination. Mais justement, la réhabilitation de l’ancien ne va pas sans poser quelques problèmes : accessibilité, confort thermique, etc. La « longère » typique de la Bretagne rassemblait dans le même corps de bâtiments bêtes et gens, puis elle a été affectée au bétail… avant d’être rénovée… en résidence. Je vous laisse apprécier le volume des travaux nécessaires.

La construction neuve est plus visible, elle se heurte aujourd’hui, comme le montrent les articles d’Ouest-France, à la rareté du foncier. La réponse par les lotissements communaux trouve vite ses limites : doit-on se réjouir du succès du lotissement communal de Damgan? Doit-on aller jusqu’à la quasi-gratuité du foncier comme cette offre de terrains à bâtir à 1€ le m² à Pluméliau-Bieuzy. Pas sûr que ce modèle soit le plus soutenable comme on dit aujourd’hui.

Là, comme dans la version originelle de notre ZAC du Centre à Questembert, on aide l’accession à la propriété, avec une vision sociale… mais la maison réalisée peut se trouver ensuite sur le marché normal et offrir de belles plus-values. Et je ne parle pas bien sûr de la façon dont notre projet initial de ZAC a été dévoyé. Voir le paragraphe Assouplir les contraintes, mais pas au point de… de mon article d’avril 2018 sur la ZAC du Centre au conseil municipal.

Aide à la pierre, l’analyse implacable de la fondation Abbé Pierre

A la fois pour produire plus de logements et pour soutenir l’activité du secteur BTP (Quand le bâtiment va…) en orientant les capacités d’épargne, les gouvernements successifs ont développé des politiques d’aide à la pierre. On pourrait remonter à la loi Loucheur (1928) qui a permis aux particuliers d’emprunter à taux réduit pour acheter un terrain et y faire construire une maison (je crois qu’on a quelques exemples à Questembert). Plus près de nous, il y a eu les lois Méhaignerie en 1986 et 1994. Et puis, pratiquement chaque ministre en charge du logement a voulu apporter sa pierre à ces dispositifs : Périssol, Besson, Robien, Scellier, Duflot, Pinel, jusqu’au petit dernier, le Denormandie, qui en février 2020 « cherchait encore son public, » selon Le Monde.

Maisons Loucheur (doc univ Paris 1)

Des constantes pour ces programmes

Chaque année, la fondation Abbé Pierre publie un rapport sur le mal-logement. A plusieurs reprises, la fondation a montré les effets pervers de l’aide à la pierre, qui provoque la hausse des prix du foncier et qui souvent aide ceux qui ont des ressources à accroître leur patrimoine, aux dépens des aides plus directes au logement social. Je me suis inspiré de ces constats dans cet article de 2010 où je parlais du Plan Départemental de l’Habitat. Au passage, on peut se demander si le département du Morbihan a progressé depuis. En 2011, je revenais sur le sujet dans cet article, Encore le logement. Une autre source de 2011, le blog de l’OFCE, confirme malheureusement ce point de vue sur le Scellier.

NB Le rapport sur le mal-logement de 2021 (à télécharger ici) insiste sur les failles des programmes de rénovation énergétique.

Une France de propriétaires ?

Ceux dont parle la Fondation Abbé Pierre ne seront jamais des citoyens à part entière de cette France de propriétaires que M. Sarkozy appelait de ses vœux. Mais être propriétaire de son logement reste un désir profondément ancré dans notre société, et sans doute encore plus en ces temps d’incertitude. Il faut sûrement répondre autant que faire se peut à cette attente, en évitant, si possible, les dérives évoquées plus haut, et celles qui deviennent plus criantes aujourd’hui avec les tensions sur le marché immobilier, générant des plus-values étonnantes et des comportements spéculatifs à la fois sur les terrains, les constructions et bien sûr les loyers.

Pour les gens, la situation change radicalement selon que vous êtes du bon côté (bonnes ressources, patrimoine, etc.) ou du mauvais (faibles ressources, sans patrimoine). Et le contexte impose aux élus, ou à ceux qui aspirent à le devenir, de réfléchir sur des pistes d’action possibles.

L’action de la puissance publique

Savez-vous quelle est la première phrase du Code de l’Urbanisme ? La voici : « Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. » Patrimoine commun ? Il semble que certains maîtrisent une part plus importante de ce patrimoine commun ! Le détail du Code de l’urbanisme apporte quelques corrections, car de ce patrimoine « les collectivités publiques sont les gestionnaires et les garantes dans le cadre de leurs compétences ». Par exemple dans le cadre du PLU (Plan Local d’Urbanisme) qui va définir où on peut construire ou pas.

Cependant, les PLU, même s’ils sont parfaitement construits, peuvent avoir des effets très inégalitaires : vous gagnez le gros lot si votre terrain est déclaré constructible ! Un terrain classé agricole vaut ce que vaut la terre agricole, c’est-à-dire de 1 500 € à 10 000 € l’hectare en Morbihan soit de 0,15€ à 1€ le m²! (source Terre.net). Classé constructible, non aménagé, le terrain voit sa valeur multipliée par 50, par 100. Du simple fait de la décision – justifiée, juridiquement validée – de la collectivité. Aucun propriétaire ne s’en est plaint et les acquéreurs potentiels doivent faire avec, ou s’en passer.

Je viens là d’enfoncer une porte ouverte. Mais cela explique aussi les protestations des « PLU-més », dont le terrain auparavant déclaré constructible s’est trouvé déclassé du fait des restrictions de la loi Littoral ou de la loi ALUR…

Des outils opérationnels : les ZAC

Les ZAC (Zones d’Aménagement Concerté) permettent aux communes d’agir efficacement sur des périmètres définis pour y prévoir des logements, des équipements publics, etc. La procédure est un peu lourde et longue, mais elle reste efficace, surtout lorsque les collectivités souhaitent intervenir sur des surfaces importantes. Déclarée d’utilité publique, elle permet, lorsque les négociations foncières n’aboutissent pas, de lancer l’expropriation. Agitée comme un épouvantail par les tenants du libéralisme pur sucre (ah, le respect de la propriété!), elle impose la vente, mais la vente se fait au prix du marché immobilier local, vérifié par un juge, et … la plupart du temps majoré de façon assez substantielle. Pour avoir mené une opération de ce genre, on m’a accusé d’installer les soviets à Questembert... et après d’avoir causé – très indirectement quand même — la mort d’une pauvre dame.

Après la ZAC du Centre (achevée en 2019 ! c’est souvent long), nous avions lancé des études préalables pour une ZAC multisites. Les avant-projets étaient prêts, mais ils sont restés lettre morte après les élections municipales de 2014.

ZAC multisites, scénario centre-ville (2013)

Les EPF, l’EPF de Bretagne

La loi a permis de créer, souvent au niveau des régions, des EPF (Etablissements Publics Fonciers) qui ont la faculté, sur la demande des communes et communautés de communes, de se porter acquéreurs de biens immobiliers, après négociation, et sinon, par expropriation. Cela permet des opérations de plus ou moins grande envergure. Une fois les biens acquis, l’EPF assure le portage financier sur une période de 5 ans, qui peut être raccourcie, ou prolongée par avenant, le temps pour la collectivité d’affiner son projet et aussi de trouver si besoin des partenaires (constructeurs privés ou publics) pour réaliser l’opération.

L’EPF de Bretagne a été créé en 2009, malgré l’opposition farouche de M. Goulard, maire de Vannes et président de l’agglo. Vous n’en êtes pas surpris, j’imagine. Sous ma responsabilité, l’EPF a pu acheter les propriétés James rue du Pont-à-Tan pour préparer le projet de maison médicale. L’EPF s’est chargé de la démolition des deux habitations très délabrées qui se trouvaient sur les terrains. Puis, en 2013, l’EPF, a acquis l’ensemble immobilier de la rue du Chanoine Niol où s’achève le projet du Clos Kisten. Là encore l’EPF a finalisé les négociations que j’avais bien entamées puis procédé à la démolition de ce qui était le collège Ste-Thérèse et l’ancien Cours ménager devenu l’ISSAT. Ces deux bâtiments n’étaient pas réhabilitables. Il n’y avait pas d’autre solution que de les détruire.

L’ISSAT avant la rénovation urbaine (exercice de pompiers)

Une solution innovante : les organismes fonciers solidaires

En fait on voit bien que la première difficulté pour produire de nouveaux logements est d’avoir accès au foncier. En effet, le coût de la construction varie assez peu d’un territoire à l’autre, sauf dans les îles ou dans les zones peu accessibles : le prix du parpaing est à peu près identique partout, de même que le mètre de cuivre. Cependant, pour construire, il faut un terrain, qu’on rentabilise mieux si on peut densifier et construire en hauteur, Trouver le terrain, c’est compliqué chez nous, moins en Bretagne intérieure que sur la côte cependant, mais dans les grandes agglomérations, et surtout en région parisienne, c’est presque mission impossible.

Prévus par la loi ALUR (2014), inspirés d’un modèle anglo-saxon, les Community Land Trusts, les Organismes de Foncier Solidaire permettent de dissocier le foncier et le bâti : l’OFS acquiert le foncier, en bénéficiant d’un prêt à très long terme de la Banque des Territoires – 60 ans et même parfois 80 ans – puis le confie par un Bail Réel Solidaire à un constructeur qui sera le propriétaire du bâti. Le propriétaire du bâti peut en jouir pour lui-même, le mettre en location, ou le revendre. Il paie une redevance pour l’occupation du foncier, cette redevance reste très modique. Pour Foncier Solidaire Rennes Métropole, cette redevance mensuelle est de 0,15 € TTC/m².  Voir cet article d’Ouest France Rennes : Devenir propriétaire en achetant les murs, mais pas le sol.

GMVA (Golfe du Morbihan Vannes Agglomération) va se lancer dans un OFS et j’ai l’occasion d’interviewer H. Le Pape, adjointe à Vannes, pour la Revue de l’Aric. C’est à lire ici Créer un organisme de foncier solidaire pour répondre à un besoin de logement.

Et si c’était une piste de réflexion à l’échelle de notre territoire? Même si je sais bien que l’action devrait se faire au niveau départemental ou régional.

Schéma de principe de l’OFS (doc GMVA)

Logement, une vraie crise et peu de vraies solutions

Il y a quelques semaines, on a posé la première pierre des logements du Clos Kisten. Cérémonie symbolique, décalée par rapport au début du chantier pour cause de COVID, mais le symbole est là : on construit à Questembert des logements en cœur de ville, et c’est bien. Voir le compte-rendu des infos du pays gallo. Ouest-France et le Télégramme avaient aussi rendu compte de l’événement dans cet article et dans cet article.

Première pierre symbolique

En plein centre-ville, 29 logements neufs !

La cérémonie visait à donner un coup de projecteur sur les 18 logements locatifs construits par Bretagne Sud Habitat, l’office public HLM du Morbihan : 7 T2 et 11 T3 qui seront achevés au deuxième semestre 2021. De son côté , le Logis Breton, une coopérative d’HLM, propose en accession sociale à la propriété 11 logements du T2 au T4, à partir de 127 500 Euros.

Vue du projet de Logis Breton



L’ensemble est l’aboutissement d’une réflexion lancée voilà presque 10 ans dans le cadre d’un projet de ZAC multisites. En 2012, la commune avait passé une convention avec l’EPF de Bretagne (Etablissement Public Foncier). La convention a permis à l’EPF d’acquérir – en avançant les fonds – les parcelles qui ont permis l’installation de la Maison Médicale (Espace Victor Ségalen) et l’ensemble des bâtiments du collège Ste-Thérèse et de l’ISSAT. L’EPF s’est ensuite chargé de la démolition et du désamiantage. La convention prévoit le rachat par la commune au bout de 5 ans. Le coût total (acquisition+démolition) s’élève 613 K€… et le prix de vente des terrains aux constructeurs et accessoirement à la commune pour les voiries n’est que 185 000 euros. L’EPF prend à sa charge, sur ses propres ressources fiscales, une moitié de ce déficit (213 K€), l’autre moitié est financée par une subvention de la commune. Une illustration très claire d’un des problèmes majeurs de la production de logements : la disponibilité du foncier et, du coup, le prix exorbitant.

Lors de la petite cérémonie, Maxime Picard, conseiller régional, le rappelait: « Le foncier, c’est un enjeu majeur pour la Bretagne. Il faut savoir que la Bretagne c’est la région après l’Île de France qui compte le plus de nouveaux habitants par an (20 000). Les petites communes ont besoin d’un outil comme l’Établissement Public Foncier de Bretagne qui permet d’anticiper les acquisitions foncières et de passer le relais entre un projet et un autre. »

La crise du logement? Quelle crise?

Il faut bien parler de crise du logement. Sans doute à bas bruit dans nos secteurs ruraux. Mais la presse s’est fait l’écho de la difficulté pour les étudiants de trouver des logements dans les villes universitaires. Les statistiques officielles nous montrent que la part du logement dans les dépenses des ménages s’est accrue considérablement, avec un effet multiplicateur des inégalités : « Les ménages les plus modestes consacrent en moyenne 22% de leur budget au logement, contre 12% pour les plus aisés. Soit un écart de 10 points, contre 1,5 point il y a quarante ans. » (Voir cet article de BFM Business Dépenses consacrées au logement: le fossé entre ménages modestes et aisés s’est creusé en 40 ans) Et le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre sur le Mal-Logement confirme s’il en était besoin la réalité de cette crise.

On pourrait parler des logements vacants. Parce que les propriétaires refusent de les mettre sur le marché, ou parce que ces logements sont proprement inhabitables pour être loués. Dans certains cas, ces logements vacants peuvent être soumis à la Taxe Logement Vacant ou, sur délibération communale, à la Taxe d’Habitation Logement Vacant,une « taxe d’inhabitation » en quelque sorte (plus de détail ici Taxes sur les logements vacants TLV et THLV).

Mais le besoin de logements – la pénurie même – devient plus criant du fait de l’accroissement de la population, encore plus marqué en Bretagne (+ 400 000 habitants d’ici 2040). Chez nous aussi, la population augmente : le PADD (Plan d’Aménagement et de Développement Durable) élaboré par Questembert Communauté pour le PLU intercommunal prévoit d’ici 2027 une population de 29 000 habitants (+26% par rapport à 2017). De plus les modifications sociales (familles moins nombreuses, monoparentales, »décohabitation ») impliquent une nouvelle demande de logements. Et quand les logements existent, ils sont parfois mal adaptés aux exigences de l’époque (éloignement des voies de communication, passoires énergétiques, etc.) Le PADD préconise d’ailleurs la production de 250 à 300 logements par an.

Quelles réponses à la crise du logement?

Les pouvoirs publics, les gouvernements successifs, ont tenté d’apporter des réponses aux besoins. Principalement par l’aide à la pierre ou par le financement du logement locatif social. Sans remonter aux premières Habitations à Bon Marché, ni à la loi Loucheur de 1928 (aide à l’accession à la propriété), ni même aux chalandonnettes des années 68-72 dont la médiocrité est bien connue, les aides à la pierre ont été un des instruments favoris des politiques publiques pour le logement : de la loi Méhaignerie en 1986 au PTZ et aux incitations fiscales d’aujourd’hui.

Le PTZ (Prêt à Taux Zéro) permet de solvabiliser l’accession à la propriété pour les plus bas revenus. Avec les risques que peut faire courir la crise économique et sociale aux acheteurs. Les incitations fiscales ont deux effets positifs : favoriser l’activité du secteur de la construction et accroître l’offre locative. Mais il faut bien pointer ici les défauts de cette politique. Le premier est globalement le coût pour les finances publiques. Un rapport de l’Inspection Générale des Finances de 2019 a procédé à l’Évaluation du dispositif d’aide fiscale à l’investissement (Loi Pinel). On a envie de suggérer à nos députés et sénateurs (et peut-être aux élus locaux et à tous les citoyens) de lire ce rapport et d’en tirer des conclusions pratiques. Quelques citations éclairantes. Ainsi, on y lit ceci : « Le coût pour l’État des dispositifs fiscaux d’appui à l’investissement locatif a été multiplié par quatre entre 2005 et 2018, et pourrait atteindre plus de 2 Md€ en régime de croisière. » (page 11, ch. 2.2) Ça fait quelque argent. De plus, « la construction d’un logement financé par un particulier dans le cadre du Pinel coûte 35% plus cher à l’État qu’un financement par un investisseur institutionnel. » (page 17, ch. 2.5) Affecté à d’autres acteurs, on en aurait plus pour notre argent. Quels sont les bénéficiaires? Pas les locataires, dont les loyers sont à peine plus bas que les prix moyens du marché (page 13, ch. 2.4.1). Non, les principaux bénéficiaires sont les investisseurs… qui « se situent pour la moitié d’entre eux dans le dernier décile de revenus ».(page 9, ch. 1.6.1) Traduisons ce langage des inspecteurs des finances : les investisseurs sont dans les plus hauts revenus, ou, encore, le dispositif est plus avantageux pour les plus riches, c’est du ruissellement… à l’envers. C’est un sujet que j’avais déjà évoqué en 2010 dans un article intitulé La question du logement, vrais problèmes, fausses solutions où j’écrivais, en partant du rapport du Mal-Logement de la fondation Abbé Pierre : « La seule génération des 51 000 logements Scellier et Scellier intermédiaire, créés en 2009, coûtera à l’Etat 2,8 milliards d’euros, en valeur actualisée, sur la période 2010-2025, soit environ 60 000 euros par logement. »

Quant à l’implantation de ces logements fiscalement aidés, elle ne correspond pas bien aux problématiques locales. Et le dispositif fait monter les prix du foncier, au détriment des programmes publics d’habitat.

Investir dans les logements sociaux

Le rapport de l’IGF esquisse quelques pistes de réponse (ch. 6, pages 28 et suivantes), dont la plus importante, selon moi, serait de flécher cet effort de financement public vers le logement social. En langage de l’inspection des finances, cela se dit : « Une plus grande implication des investisseurs institutionnels devrait être recherchée. » (page 34, ch. 6.3).

Des logements sociaux pour qui?

Corrigeons d’abord cette idée reçue : seuls les très bas revenus auraient accès aux HLM. En fait, pour un couple, le revenu maximal (revenu fiscal de référence) pour y avoir droit est de 36 000 €! Le détail des conditions se trouve ici sur le site service-public.fr. En réalité, plus de 75% des Morbihannais pourraient solliciter un logement social !

Heureusement qu’ils ne le font pas, car le département ne compte que 37 000 logements sociaux, sur un total de 345 000. Un nombre auquel il faut ajouter les 83 000 résidences secondaires ou occasionnelles.

En Morbihan, dossier complet 56 Insee

Et à Questembert, quelle est la situation?

Le chapitre logement du dossier complet de l’INSEE recense 143 logements HLM, soit 4,2% du total de résidences principales (3381 logements). Si l’on passe au niveau de Questembert Communauté, sur les 10121 logements, 373 sont des HLM (3,7%) (voir ici le dossier complet de l’INSEE pour Questembert Communauté). A Questembert, près de 70 % des résidences principales sont occupés par leurs propriétaires et, au niveau de la communauté, le pourcentage s’élève à 75 %. Dans tous les cas, on comprend qu’on est loin d’atteindre les seuils que visent les lois récentes pour les unités urbaines, mais nous ne sommes pas concernés par ces contraintes. Ce qui ne nous dispense pas de proposer un plus grand nombre de logements sociaux.

Mais il faut aussi tordre le cou à quelques idées fausses sur les logements HLM. Non, ils ne sont pas de qualité médiocre. Au contraire, ils sont souvent mieux conçus, mieux isolés que d’autres logements proposés par des constructeurs dans le cadre des « investissements locatifs ». Sur ce point aussi, le rapport de l’IGF pointe les défauts du dispositif Pinel. (page 21, ch 3.3)

Non, on n’est pas logé gratuitement dans les logements sociaux : les loyers y sont encadrés, cela oblige les bailleurs sociaux à viser la construction au meilleur prix, ce qui conduit parfois à déclarer infructueux des appels d’offres qui ne passent pas dans l’enveloppe et retarde la réalisation des projets.

Le foncier, au cœur de la crise du logement

Encore faut-il que les bailleurs sociaux puissent trouver des terrains constructibles à des prix raisonnables pour que les coûts de sortie permettent des loyers acceptables. Dans les grandes villes, c’est très compliqué. Malgré un effort de l’Etat de mettre à disposition des collectivités des friches militaires, comme à Rennes, dans le quartier Arsenal-Redon.

Dans le cas du Clos de Kisten, à Questembert, l’effort a été partagé, comme on l’a vu plus haut, entre la Commune et l’EPF.

Redonner de l’efficacité à la compétence logement à Questembert Communauté

Dès la création de la Communauté, nous avions pris la compétence Logement. Concrètement, nous avions décidé d’apporter une aide communautaire au financement des logements locatifs sociaux, 1500 € par logement à Questembert et 2500€ sur les autres communes de la Communauté. Questembert Communauté a aussi lancé plusieurs OPAH (Opérations Programmées d’Améliorations de l’Habitat) successives: elles ont permis de remettre à niveau plusieurs centaines de logements.

La dernière OPAH en date, lancée en 2010 (on en parle ici) avait comme principal objectif d’améliorer la performance énergétique de l’habitat. Les bénéficiaires étaient en priorité soit des propriétaires occupants à ressources limitées, soit des propriétaires bailleurs qui s’engageaient à louer leur bien à des tarifs conventionnés. Malheureusement, les opérations étaient complexes et coûteuses et l’opération n’a pas eu l’effet escompté.

Aujourd’hui, la réduction des dépenses énergétiques visée dans le PCAET pourrait servir de base à une nouvelle OPAH, qui pourrait être plus spécifiquement une OPAH Revitalisation rurale. Le guide diffusé par l’ANAH est téléchargeable ici.