Demain ne sera pas comme hier…
Demain ne sera pas comme hier…
Pour la nouvelle année, j’ai eu envie de partager avec vous cette réflexion de Gaston Berger : Demain ne sera pas comme hier. Il sera nouveau et il dépendra de nous. Il est moins à découvrir qu’à inventer. Cette citation nous invite à construire notre avenir, mais elle peut aussi éclairer la situation d’aujourd’hui à partir de notre passé.
Gaston Berger et la prospective
Moins connu sans doute que Schopenhauer (Du bon usage de la philosophie), Gaston Berger, philosophe du XXème siècle, a été un des pionniers de la prospective, une démarche qui propose d’imaginer, calculer, construire l’avenir qui s’offre à nous. Une invitation à nous projeter dans le futur, mais sans oublier que ce futur ne s’inscrira pas dans une fatalité implacable : notre destin est – au moins en partie – entre nos mains.
Pour ceux qui voudraient approfondir, voir cet excellent article de la revue de l’institut polytechnique de Paris Comment les démarches de prospective permettent-elles de penser le futur ?
De l’espoir dans un monde lourd de menaces
Inutile d’énumérer les menaces qui plombent notre horizon : dérèglement climatique, perte de la biodiversité, guerre au Proche-Orient, en Ukraine, recul des démocraties face aux régimes populistes autoritaires ; chez nous, la montée des tensions sociales, religieuses, ethniques, avec les démagogues soufflant sur toutes les braises. Théorisant la conflictualité à tout prix, ils se font les Ingénieurs du chaos, comme les a décrits Giuliano da Empoli, ceux qui ont compris avant les autres que la rage était une source d’énergie colossale, et qu’il était possible de l’exploiter pour réaliser n’importe quel objectif.
On peut lire ici la préface de cet ouvrage
Pas question pourtant de se laisser aller à la posture ridicule du Philippulus de l’Étoile mystérieuse qui annonce l’heure du châtiment divin. Ni de revêtir la tunique de Cassandre, qui, dans ses visions, décrivait la fin tragique de Troie. Car notre avenir n’est pas inscrit dans un destin figé, il n’est pas non plus dans la main d’un dieu vengeur, il n’est pas même soumis aux forces souterraines d’un état profond manipulé par des lobbies. Sans nier pourtant les contraintes qui l’enserrent, car il ne s’écrit pas non plus sur une page vierge : quoi qu’en dise un hymne très populaire, du passé, nous ne pouvons jamais faire table rase. A nous de bien analyser les multiples aspects du réel où nous nous inscrivons pour choisir entre les futurs possibles, plausibles, probables et désirables (ou souhaitables).
Relire le passé et le présent à la lumière de cette citation
Si notre avenir n’est pas tracé par un destin inéluctable, le monde dont nous héritons n’est pas non plus le fruit de la fatalité, il est aussi le produit des choix que nos prédécesseurs, nous-mêmes, pour les plus anciens d’entre nous, les boomers. Un exemple : le niveau des écoliers français serait catastrophique ; peut-être, sans doute même, mais au lieu d’incriminer l’école et les maîtres d’aujourd’hui, ne faut-il pas jeter un regard critique sur les choix collectifs que nous avons faits ou au moins approuvés par nos votes successifs ? Pourquoi beaucoup plus d’argent public pour les écoles, lycées et collèges des beaux quartiers que pour les banlieues ? Pourquoi la rémunération des enseignants s’est-elle dégradée à ce point ?
Voir cet article déjà ancien, mais toujours pertinent : Les moyens attribués renforcent les inégalités.
Plus proche de notre réalité questembertoise, la question du devenir de l’étang de Célac est au cœur de débats difficiles. Faut-il rappeler que lors du creusement de cet étang dans les années 70, les pêcheurs de truite avaient suggéré qu’il soit déconnecté du ruisseau ? Cela aurait évité l’envasement du plan d’eau – qui est visible – et la dégradation globale de la continuité écologique – qui est moins perceptible à première vue. Il ne s’agit pas d’incriminer les élus de l’époque : ils ont fait un choix, selon le mandat que collectivement les habitants leur avait confié.
Vous avez peut-être lu le livre de Marie-Paule Gicquel En finir avec la honte de nos racines paysannes, sinon, il est encore temps de vous y plonger. A travers son histoire personnelle, elle nous montre à la fois la fierté qu’elle pouvait avoir d’être ce qu’elle était, fille de petits paysans, et la fierté d’avoir effacé la stigmatisation que son origine lui a fait subir. Nous étions nombreux à vivre cette même expérience. Et son livre donne à voir les multiples trajectoires de vie des hommes et des femmes de cette génération. Ils ont quitté « un à un le pays pour s’en aller gagner leur vie…. il n’y a rien de plus normal que de vouloir vivre sa vie », comme chantait Jean Ferrat.
D’autres sont restés, et là encore les témoignages des 5 femmes de La Vraie-Croix rassemblés dans l’ouvrage Paroles d’agricultrices montrent comment elles ont changé le monde. Ils/elles s’en sont sortis !
Non, demain ne sera pas comme hier. À nous de choisir ensemble entre les futurs possibles, plausibles, probables et désirables (ou souhaitables).
Merci Paul de tes réflexions toujours pertinentes, on a effectivement bien besoin de se rappeler que l’avenir est à inventer et non à subir !
Nous avons la chance de vivre sur un territoire où il y a cette dynamique qu’il faut apprécier et soutenir.
Un vœux particulier pour 2024 : que l’espoir et l’envie d’action l’emportent sur la résignation, le « à quoi bonisme » et les critiques systématiques .
Pour moi, il reste autant à découvrir qu’à inventer… rechercher le juste équilibre. C’est bien parce que nous avons un peu trop « inventé » (ou mal inventé parfois) sans suffisamment découvrir, observer que nous avons conduit notre Terre dans une impasse climatique. Paul, puisque tu cites l’étang de Célac, c’est bien le parfait exemple de ce que l’on fait souvent sans suffisamment en appréhender les conséquences. Oui, il faut construire notre avenir mais en étant moins prétentieux, plus sages et résilients… et ça, c’est pas gagné ! Vaste débat et beaucoup de réflexions, d’échanges constructifs en 2024. Je nous souhaite une bonne année !