Sécheresse, restrictions d’eau, qualité des eaux, continuité écologique, restauration des milieux aquatiques, GEMAPI, taxe GEMAPI… Et voici maintenant le Plan eau du gouvernement qui veut nous inciter à la sobriété.
L’eau ne coule plus de source, mais du robinet
Boire un verre d’eau, un café, se laver, faire la vaisselle, tirer la chasse d’eau, des gestes quotidiens qu’on fait sans y penser : l’eau est là, à disposition. En tout cas pour le moment, car dès l’été dernier, nous avons dû restreindre nos usages et la situation va probablement s’aggraver dans les prochaines années. Déjà les pouvoirs publics nous invitent à la sobriété. La ville de Questembert vient de relayer le message à l’occasion de la journée mondiale de l’eau. La situation m’a conduit à faire un retour en arrière, vers un passé pas si lointain, mais qui peut paraître préhistorique aux plus jeunes : avant le service d’eau !
Au temps où l’eau était rare (et chère)
En réalité, l’eau n’était pas si rare, moins qu’aujourd’hui sans doute, mais il fallait pour en disposer mettre du temps et du travail : du temps pour aller jusqu’au puits ou jusqu’à la fontaine, avec un seau, ou plutôt deux, qu’on équilibre avec un cercle de barrique, du travail laissé aux femmes ou aux enfants. Il faut de la force, chaque seau, qui pèse déjà plus de 2 kg, peut contenir 20 litres, mais il n’est évidemment pas à ras bord ; et de la fontaine à la maison, il peut y avoir 200 ou 300 mètres. Ci dessous, une image du XVIIème siècle (wikipedia). La technique est la même, mais j’aurais aimé trouver une photo représentant une femme portant ses deux seaux calés sur le cercle de barrique. (Si vous avez ça…)
De la bonne eau ? Inodore, incolore, sans saveur ? Sans doute, la plupart du temps. Mais parfois le puits était dans la cour de la ferme à quelques mètres de l’écurie (l’étable). Inutile de détailler… En ville, on trouvait sur les places des pompes publiques, des pompes à bras fixées à des sortes de pyramides de pierre. On les voit sur les cartes postales anciennes, elles n’ont disparu qu’avec la construction du réseau d’eau potable en ville au milieu des années 50. ci-dessous la pompe devant l’église (découpe d’une image du site de JP Guillement Images de Questembert)
L’eau du lavoir, du deuoué [døwe]
La lessive est l’autre usage commun de l’eau. Nous avons gardé deux lavoirs du centre-ville, à St-Martin et aux Vieux Presbytère qui regroupaient les mères de famille, les bonnes des maisons plus bourgeoises et les laveuses (on ne disait pas lavandières) payées à la journée. Mais chaque village, chaque ferme isolée avait un lavoir.
Ce pouvait être un barrage sur un ruisseau (un abordas, on aborde le ruisseau) ou un trou un peu élargi dans une prairie près d’une source, comme celui-ci proche du village de Kerpage. Une ou deux pierres à laver, rarement plus, devant lesquelles chaque laveuse posait son rangeot, une caisse de bois qui la protégeait un peu des éclaboussures.
Ces lavoirs étaient peut-être aussi, selon les saisons ?, des bassins à rouir, des routoirs, pour le rouissage du chanvre ou du lin. La plupart de ces lavoirs ont disparu, comme celui de Kervault qui était des plus fréquentés parmi les lavoirs de village : il desservait les familles du village de Kervault, mais aussi celles du Calvaire.
Les prés mouillés
Le lavoir de Kervault était installé à peu près au niveau du boviduc sous la rocade. Le ruisseau – on disait la rivière – s’écoulait lentement au milieu de prés humides qui s’appelaient le marais, la noe. Dans ces prés humides, il fallait de temps en temps refaire les rusiaux sans quand même hacher la pâture , pour évacuer les excès d’eau : sinon, ça devenait des bourbières où les bêtes s’enfonçaient jusqu’aux genoux. Au contraire, pour garder l’humidité et favoriser la pousse de l’herbe dans les noes, les haies et talus retenaient les eaux de pluie qui s’écoulaient par des avaloirs faits de pierres.
Années 50-60 : une décennie de bouleversements
Le premier bouleversement vient de la généralisation de l’eau courante, de l’eau à la maison. Bien sûr la ville sera la première à bénéficier du service d’eau, mais ici et là dans les campagnes apparaissent des solutions individuelles ou collectives. Le deuxième changement radical viendra du remembrement, avec la destruction du bocage et le recalibrage des ruisseaux, qui consiste à en faire des fossés rectilignes : il s’agit d’assainir les parcelles trop humides pour en permettre l’exploitation intensive.
Et aujourd’hui, nous vivons les conséquences de ces bouleversements. Devenus dépendants de l’eau facile, nous sommes désarmés devant la pénurie qui s’annonce. Et les transformations brutales du paysage et en particulier des fonds de vallées nous obligent maintenant à reconstituer les haies bocagères et à tenter de restaurer les milieux aquatiques fortement dégradés.
Je reviendrai plus en détail sur les transformations de cette époque dans un prochain article. Mais, sur l’utilité des zones humides, voyons déjà ce tableau diffusé par le syndicat mixte du Grand Bassin de l’Oust.
Bientôt un deuxième épisode
l’eau à la maison, l’eau à la ferme
https://twitter.com/PaulPaboeuf/status/1648751400308858880