Les feuilles d’impôts se ramassent à la pelle ! À Questembert, comme (presque) partout, la note finale est plus élevée que l’année dernière. J’ai vérifié, c’est vrai. Un sujet qui revient toujours à cette période (dans la presse, on appelle ça un marronnier) avec souvent des titres sensationnels, comme celui-ci : « C’est énorme » : les habitants de cette commune paient la taxe foncière la plus élevée de France sur TF1, ou plus souvent encore, la reprise, à peine retouchée, des points de vue du lobby des (multi)- propriétaires immobiliers, l’Union Nationale de la Propriété Immobilière (UNPI). Chez nous, c’est une marotte d’une des oppositions. Je propose de regarder les faits de la façon la plus objective possible. Avec deux avis d’imposition 2020 et 2025.

Taxes foncières 2020/2025

Quelques constats
Notez que pour cette maison, rien n’a changé : pas d’extension, pas de modification qui viendraient modifier la base fiscale.
- De 2020 à 2025, la somme totale passe de 1425 à 1697. Soit une augmentation de 19,08%.
- Dans le même temps, la base taxable a augmenté de 3257 à 3820. Soit 17, 28%.
Un peu d’analyse
Pourquoi la base a-t-elle augmenté? Pas en raison de travaux (déclarés, bien sûr, car sinon, le propriétaire en faisant des travaux sans déclaration aurait échappé au fisc!). Non, il s’agit de l’augmentation annuelle décidée au Parlement en fonction de l’inflation : en euros constants, la valeur n’aurait pas changé, ce qui veut dire qu’en euros constants, la taxation n’a pas augmenté. En ce cas, l’augmentation de l’impôt aurait été de 17,28%. Et non pas 19,08%.
Mais alors que s’est-il passé? Regardons le détail par colonne. La première concerne la commune : le taux passe de 27,37% à 42,63%. Effrayant, n’est-ce pas? En fait, entre 2020 et 2025, il y a eu la suppression de la Taxe d’habitation, dont le produit pour la commune a été compensé par le transfert à la commune de la Taxe foncière du département : un taux de 15,26% en 2020 et rien en 2025; sauf que si vous additionnez les taux de la commune et du département, cela donne 42,63%, le taux actuel de la commune. Rien de changé.
Regardons la colonne intercommunalité ; le taux passe de 1,00% à 1,45%, et la cotisation passe de 33€ à 55€.
Ensuite, on arrive à la colonne Taxe spéciale. Qu’est-ce? La taxe spéciale finance l’EPF (Établissement Public Foncier régional) qui apporte aux communes du portage foncier ; chez nous, par exemple, l’EPF a acheté et aménagé les terrains occupés par le pôle santé Victor Ségalen, puis l’ensemble foncier de la rue Chanoine Niol (collège Ste-Thérèse et ISSAT) où sont construits des logements. Là le taux a baissé de 0,132% à 0,085% et la cotisation de 4€ à 3€.
Enfin, dernière colonne, la taxe GEMAPI, qui finance la Gestion de l’Eau et des Milieux Aquatiques et la Prévention des Inondations, une compétence de Questembert Communauté depuis 2018. Elle n’était pas appliquée en 2025, elle est aujourd’hui à 0,281% (11€).
Conclusion : votre contribution a augmenté de 19,08%. Sans la moindre augmentation décidée par la commune.
Les bases, qu’est-ce que c’est?
Voici la définition officielle! Vraiment claire? Non.
Vérifiez ci-dessous:

Base fiscale, une sorte de fiction
Mais d’où vient cette base? Elle nous vient d’un passé assez lointain : les bases locatives ont été établies en 1971! Elles étaient fondées sur une estimation du loyer que le propriétaire pourrait demander s’il louait son bien, d’où le nom de valeur locative, ce qui peut être une bonne approximation. A l’époque, sans doute, l’immobilier questembertois était coté nettement au-dessous de la moyenne du département. Depuis, 1971, à l’exception d’une tentative avortée, en 1992, de mettre à jour ces valeurs, tout le monde s’est contenté d’une réévaluation forfaitaire en fonction de l’inflation. Et la situation d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle d’il y a plus de 50 ans! Les immeubles modernes des banlieues se sont fortement dégradés tandis qu’ailleurs les valeurs réelles s’envolaient.
Pour revenir à la réalité questembertoise, voici la comparaison des bases en 2024.

Pour les maniaques des pourcentages, disons que la base fiscale par habitant au niveau national est 25% plus élevée qu’à Questembert. Malgré un taux plus élevé chez nous, le produit par habitant est inférieur de 17%. Avec un taux plus élevé, la commune prélève moins, comme le montre le tableau ci-dessous.


Et si on regardait l’évolution réelle de la valeur des biens?
Les bases ont augmenté, on l’a vu, mais cette augmentation est bien inférieure à l’augmentation de la valeur des biens telle qu’elle apparaît dans les transactions immobilières. Sur les 5 années 2020-2025, les prix de l’immobilier ont augmenté de 34,7%. Imaginez que la base fiscale soit ajustée sur l’évolution des prix de l’immobilier! Dès lors, on peut dire, sans mentir, que votre impôt fondé sur la base locative « officielle » a baissé puisqu’il n’a augmenté que de 17%, deux fois moins que la valeur de votre bien. L’alignement sur l’évolution du marché immobilier est une des pistes de modernisation des bases locatives. Ce serait un bouleversement!
La révision générale des valeurs, prévue par la loi de finances 2020 pour 2026, a été repoussée de 2 ans, donc pour les taxes de 2028. Peut-être.

En avez-vous pour votre argent?
Vous trouvez que vous payez trop? On vous le répète souvent, – c’est même le refrain de quelques opposants – mais de quoi devrions-nous nous passer? sur quelles dépenses faudrait-il faire des économies? Excellentes questions qui sont une autre manière de rappeler l’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. Vous avez des suggestions? Voici les miennes : je n’ai plus d’enfants dans les écoles, donc, je n’ai pas de raisons de payer pour ça. J’habite à la campagne, et je n’ai pas d’éclairage public, pourquoi devrais-je payer? Je n’éprouve pas le besoin non plus de financer la police municipale, un garde champêtre suffirait bien pour attraper les chiens errants et pour réprimander le voisin qui n’a pas taillé sa haie. Ah, si quand même, la route qui mène chez moi est dans un état déplorable et les gens – les autres, bien sûr – roulent trop vite, donc il faudrait des ralentisseurs et pouquoi pas un radar automatique (promis, personne n’y mettra le feu).
J’ai l’air de plaisanter, mais pas tant que ça, car le chantre de la baisse d’impôts est bien incapable de dire où il faudrait faire des économies. Enfin, ce n’est pas si grave, tant qu’il n’a pas à tenter de répondre pratiquement à cette question.
Un puissant lobby, des journalistes trop pressés
L’Union Nationale de la Propriété Immobilière est un lobby puissant, très bien organisé, qui revendique la défense de 35 millions de propriétaires (Quelques précisions plus bas). Chaque année, son Observatoire national des taxes foncières qui a pour but de mesurer précisément l’augmentation de la taxe foncière sur les propriétés bâties dans toutes les communes de France publie un rapport (84 pages! du sérieux), mais il y a des synthèses pour les paresseux, comme ce communiqué de presse (3 pages seulement!) ou cette présentation powerpoint (37 vues) : du prémâché facile pour des titres accrocheurs et des articles qui évitent de préciser à quoi sert l’argent demandé aux propriétaires. Presque tous les organes de presse écrite et audiovisuelle ont repris ces informations.
Dans tous ces documents, il n’est guère question des disparités de bases qui se perpétuent depuis l’origine.
Mais qui sont donc ces propriétaires qu’il faut défendre?
Vous et moi pour notre résidence : près de 70% des habitants de Questembert sont propriétaires de leur logement. C’est plus qu’au niveau national qui est à 57,7%. Mais je vous invite à regarder cette étude de l’INSEE Détention de la résidence principale. Un petit résumé : 28 millions de propriétaires (et non pas 35 millions que revendique l’UNPI), Mais 1/3 des propriétaires en possèdent 2 logements ou plus, un peu plus de 4 % d’entre eux, soit 1,2 million, possèdent au moins 5 logements. Et 1 % plus de 10 logements. Ces 4 % de Français détiennent à eux seuls la moitié du parc locatif privé de l’hexagone, la moitié ! Ils possèdent 58 % des appartements en location à Paris, 56 % à Marseille, 57 à Lyon, 62 à Lille, 51 % à Toulouse. La fortune immobilière se concentre dans les mains de grands propriétaires.
Le message : contre l’impôt
Au bout du compte, le message qui passe c’est que l’impôt est injuste! Il ne l’est sans doute pas assez, mais appliquons l’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. La fanfare de la presse, de tous les médias, reprend en choeur la même musique. Rares sont ceux qui disent que les impôts financent des biens collectifs : la justice, la police, l’éducation, la santé, la santé, et au niveau local, nos écoles, nos rues et nos routes. Ah oui, à propos de route, la mienne d’abord, n’est-ce pas?
Pour compléter 3 billets publiés sur ce blog
- avril 2021 Baisser les impôts, dit-il https://questembert-regard-citoyen.fr/baisser-les-impots-dit-il/
- déc 2021 Avec nos impôts… https://questembert-regard-citoyen.fr/avec-nos-impots/
- mars 2025 Impôts, pipeau, démago… https://questembert-regard-citoyen.fr/impots-pipeau-demago/
