Les petites Victoires, un GRAND film

Samedi 5, à l’Iris cinéma, nous avons pu visionner en avant-première le film de Mélanie Auffret Les petites Victoires. Et après la séance, la réalisatrice a répondu avec simplicité aux questions du public. Je n’hésite pas à le dire : Les petites Victoires, c’est un GRAND film.

Une vidéo d’ouest-france sur la fin du tournage au Juch

Une histoire à la fois simple et improbable

Le pitch, c’est la rencontre entre Alice (Julia Piaton) , trentenaire, célibataire, institutrice de la classe unique et maire d’une petite commune, et Émile (Michel Blanc), vieux garçon qui après la mort de son frère est perdu à cause de son illettrisme et décide de s’imposer sur les bancs de l’école. L’illettré adulte obligé de retourner à l’école, ça a un petit air de déjà vu : Le Trou Normand, un nanar des années 50 avec Bourvil et …. Brigitte Bardot dont c’est la première apparition au cinéma (moins dévêtue que dans Le Mépris de Jean-Luc Godard). Heureusement, ça n’a rien à voir ! La situation improbable va s’éclairer par petites touches et nous découvrons un film à la fois dense et léger.

Au cœur de l’Argoat

Le film a été tourné au Juch, près de Douarnenez, mais le cadre est celui du centre Bretagne, une petite région qui peu à peu s’est dépeuplée et qui semble abandonnée : plus de commerces, plus de médecin, plus rien. L’école reste un des derniers services, mais la fermeture menace. Dans ces communes, quelques individus tentent de retenir un peu d’animation, un peu de vie, et les maires sont en première ligne dans ce combat de survie. Mélanie Auffret explique qu’elle doit le titre de son film Les petites Victoires à un de ces maires, qui, dressant le bilan de son mandat, revendique simplement des réussites minimales, des petites avancées : accueillir une ou deux familles qui vont amener 3 ou 4 enfants de plus à l’école, faciliter l’ouverture d’un bar-épicerie-dépôt de pain par un groupe associatif. Des petits riens qui font bouger les choses. Nulle trace de poujadisme misérabiliste cependant.

L’illettrisme, souvent invisible

Émile n’a jamais réussi à apprendre à lire, et il a oublié ce qu’il avait appris. Pourtant, il a vécu de son métier, trouvant des expédients pour masquer son handicap, soutenu et guidé par un frère dont la mort récente le laisse désemparé. Sur ce point aussi, Mélanie Auffret est allée voir la réalité de l’illettrisme, comment elle s’installe, comment on en sort. Et Michel Blanc dans ce rôle est formidable d’humanité.

Le périmètre, cocon protecteur, ou prison ?

C’est à travers le personnage d’Émile qu’apparaît la notion de périmètre. Ne pouvant pas lire les panneaux, il s’est fabriqué de multiples repères dans son territoire de vie : il y est bien, c’est confortable, tant qu’il ne tente pas d’en sortir. Il n’y parviendra que lorsqu’il aura réappris à lire. En fait, tous les personnages sont enfermés dans leur périmètre, dans leur zone de confort. Quitte à se voiler la face devant la réalité : l’institutrice-maire apprend bien tard que son père, maire et médecin, n’était pas tout à fait « ce héros au sourire si doux », mais le premier poivrot du canton ! Elle aussi à la fin du film va oser sortir de son périmètre : elle part à vélo pour un périple sans destination connue.

Des avant-premières loin des métropoles

Dans les échanges avec le public, Mélanie Auffret a expliqué que bien d’autres pays ruraux auraient pu servir de cadre à son film. Mais pour la fille de Plescop, (comme il y a la Fille de Brest), il était évident que ce ne pouvait être qu’en Bretagne. Comme il était évident que les avant-premières ne se feraient pas à Paris ni dans les grandes métropoles, mais dans des cinémas comme le nôtre, à l’échelle des cantons, des petites villes, au plus près des gens représentés dans son film. Dans les jours prochains, ce sera à Gourin, à Plestin-les-Grèves, à Châteaulin, à Douarnenez, etc. En attendant la sortie nationale prévue en mars 2023.

Et puis ça encore…

L’article d’Ouest-France annonçant les séances en avant-première à Questembert, Auray, Quiberon. Et celui qui annonce l’avant-première au cinéma la Balise, à Douarnenez.

Avant Les petites Victoires, Mélanie Auffret avait réalisé en 2018 Roxane. Au moins aussi improbable : Toujours accompagné de sa fidèle poule Roxane, Raymond, petit producteur d’œufs bio en centre Bretagne a un secret bien gardé pour rendre ses poules heureuses : leur déclamer les tirades de Cyrano de Bergerac. Mais face à la pression et aux prix imbattables des grands concurrents industriels, sa petite exploitation est menacée. Il va avoir une idée aussi folle qu’incroyable pour tenter de sauver sa ferme, sa famille et son couple : faire le buzz sur Internet !