C’est un peu court, jeune homme

« Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire… Oh ! Dieu ! … bien des choses en somme… »

J’ai pensé à la célèbre tirade du nez de Cyrano, lorsqu’un élu a voulu justifier son vote contre le budget : « Entre 2020 et maintenant, le chapitre charges courantes a augmenté de 56 % et le chapitre 12 de 37%, soit une augmentation de 2 millions d’euros de dépenses de fonctionnement ». Eh oui, c’est un peu court !

Dérives budgétaires ?
L’expression a servi au conseil précédent. Elle est faite pour provoquer l’indignation contre la gabegie du maire et de sa majorité. Mais s’en contenter, sans montrer qu’on est capable de comprendre en détail, c’est en effet un peu court. Il aurait fallu, pour donner un peu de fondement à cette affirmation, la jouer plus fine : commencer par reconnaître le contexte économique global, l’effet de l’inflation, qui a touché les collectivités plus fortement encore que l’ensemble du pays, faire semblant de regretter les difficultés du service RH de la commune et, du coup, montrer qu’on les connaît. Enfin donner l’impression qu’on sait de quoi on parle.

Où porter la tronçonneuse ?
Ensuite, il aurait été intéressant de pointer les domaines où se montrer économe des deniers publics. Par exemple, demander de réduire la subvention d’équilibre au CCAS qui permet d’assurer l’accompagnement des enfants aux restaurants scolaires et dans la pause méridienne, d’atténuer les effets de l’inflation sur les coûts facturés aux résidents de la résidence autonomie et aux bénéficiaires du Service d’aide à domicile. Évidemment, la proposition pourrait ne pas trop plaire aux Questembertois, mais c’est une piste. Ou encore, faire supprimer le poste inutile qui a été créé pour la coordination des associations. Bon, c’est vrai qu’on a constaté que cela impulse une nouvelle dynamique associative. Enfin, globalement, dire à quoi doit s’attaquer la tronçonneuse à dépenses publiques.

Mais je m’égare, en effet est-il besoin de mettre de la nuance quand il suffit de dénoncer pêle-mêle l’autoritarisme supposé du maire, l’écologie punitive, l’idéologie hors-sol, etc.

Pour le plaisir des mots, la tirade du nez dans Cyrano de Bergerac

Les finances au conseil communautaire

Les délibérations sur la boucle équestre de randonnée étaient anecdotiques, l’avis sur le SRADDET aurait mérité plus d’attention et d’approfondissement. Mais pour cette dernière réunion de la mandature, le 24 février, les finances (Comptes administratifs et Débat d’orientation budgétaire) étaient le plat de résistance. En résumé, les finances de la Communauté sont saines. Une gestion serrée, qu’il faut reconnaître, mais ne faudrait-il pas reprendre un peu de hauteur et penser au projet de territoire ?

Des excédents importants

La dernière colonne du tableau nous montre l’excédent de clôture à la fin 2019 : près de 7,5 M€, pas loin d’un million d’euros en plus par rapport à 2018, où l’excédent s’élevait à 6,5 M€. Il est vrai que l’accroissement vient d’abord de la vente de la pépinière d’entreprises de Kervault et des gîtes de Kerioche au Moulin Neuf.

La vente de la pépinière (400 000 €) à l’entreprise Magma Composites qui s’y est installée en 2017 et qui s’est fortement développée était évidemment un moyen de la fixer sur notre territoire. C’est d’ailleurs le but des « pépinières d’entreprises » comme le rappelle cet article de février 2018 dans Ouest-France Pépinière : 15 ans, 26 entreprises accueillies.

Déjà, en 2006, on pouvait déjà dresser un bilan positif de notre pépinière d’entreprises.

Quant à l’acquisition des gîtes de Kerioche (336 000 €), elle était dans les projets de la Société Terres de France qui gère le village vacances du Moulin Neuf.

Clairement, le produit de ces ventes a vocation à financer des investissements : il faudra sans doute que la Communauté se dote d’une nouvelle pépinière. On pourrait d’ailleurs se demander pourquoi le projet est encore dans les limbes ! Et il faudra aussi renforcer l’attractivité globale du site du Moulin neuf.

Mais ces recettes exceptionnelles ne doivent pas masquer l’importance des excédents cumulés… depuis longtemps : l’excédent cumulé était déjà de 5 M€ au compte administratif de 2013. Il s’agit de couvrir comptablement les « déficits » des budgets annexes et singulièrement ceux des zones d’activités. En effet, l’acquisition et l’aménagement des zones d’activités ont été financés sans emprunt, sur les ressources du budget principal… auquel les budgets annexes des zones d’activités se trouvent en dette, une dette qu’il faut provisionner. Il s’agit pourtant d’une excessive prudence : les terrains ont aujourd’hui une valeur patrimoniale (près de 3,7 M€, comme on le voit dans le tableau ci-dessous).

Cependant, quand les terrains sont revendus pour l’activité économique, le prix de vente est inférieur au coût de production : la communauté vend à perte pour favoriser le développement économique ! Il est donc nécessaire de provisionner ce déficit final, mais pas au-delà.

Incidemment, il serait intéressant que le conseil soit informé régulièrement de l’action économique, et pas seulement au moment du rapport annuel d’activités ou au moment du compte administratif.

Des ressources qui permettent un projet plus ambitieux

Le débat d’orientation budgétaire s’est malheureusement limité à une présentation technique, impeccable, il faut le dire. Mais il n’y a pas eu vraiment débat : pour une bonne partie des élus, c’était la dernière séance ! Ils ne seront pas dans le prochain conseil communautaire ! Quant aux candidats aux élections municipales, la plupart font l’impasse sur la communauté ; au mieux, ils parlent de la communauté… pour annoncer qu’ils y défendront les intérêts de leur commune ! C’est voir l’avenir par le petit bout de la lorgnette. Comme disait de Gaulle, ils préfèrent leur petite cuisine sur leur petit réchaud. Et pourtant, les élections municipales seront aussi intercommunales.

Sans faire danser l’anse du panier, il est donc possible pour notre communauté d’envisager l’avenir avec sérénité. Cela suppose une réflexion collective qui engage les élus et tous les habitants. Par exemple sur un projet alimentaire de territoire, sur la mise en œuvre concrète des actions inscrites au PCAET, ou encore sur un atlas de la biodiversité (au-delà de la zone natura 2000 de la vallée de l’Arz)