Asphodèles, nunus et popinettes

Au bord des talus, dans les sous-bois clairs et secs, fleurissent les asphodèles. D’abord de simples touffes vertes, comme des jonquilles, avec des feuilles un peu plus larges, moins souples, puis jaillissent des tiges dressées sur lesquelles apparaissent comme des flèches noires avant de s’épanouir en petites fleurs multiples. Ça commence maintenant !

Des fleurs aux fruits

Les fleurs fécondées donnent des capsules rondes, comme des billes ; elles sont d’abord vert foncé, puis elles virent au brun. La tige se dessèche et les billes aussi, ce sont nos popinettes. Toutes sèches sur le sol grillé de la lande ou du talus : on dit de quelque chose de complètement desséché sec comme des popinettes.
Mais avant de donner ces popinettes, l’asphodèle n’a pas d’autre nom chez nous que le nunu. Car pourquoi nommer des choses inutiles ou sans intérêt ? Nunu, peut-être parce que les gamins faisaient d’une feuille tirée de la racine une sorte de guimbarde qui produisait un son un peu nasal nununu….

Abondante chez nous, mais protégée

Pourtant, cette plante banale au point de n’être pas vraiment nommée est une plante plutôt rare ; sauf un peu partout en Bretagne et plus particulièrement chez nous, comme on voit sur cette carte (zoomer pour voir notre secteur). Plante rare, elle est protégée : il n’est pas permis de la cueillir et encore moins de la détruire.

Un nom savant, un air exotique

Transposition du grec, le mot, plus rare encore que la plante, apparaît dans un célèbre poème de Victor Hugo Booz endormi, un poème qui s’apprenait au lycée et figurait en bonne place dans le Lagarde et Michard.

Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèle ;
Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala.
L'ombre était nuptiale, auguste et solennelle…

Les manuels de rhétorique donnent les deux premiers vers ci-dessus comme un exemple d’allitération des f, l , r. pour évoquer les effluves suaves des nuits de Chaldée quand tout reposait dans Ur et dans Jerimadeth. Mais si Victor Hugo est un grand poète, c’est un piètre botaniste : je vous mets au défi de trouver le parfum de l’asphodèle (profitez-en, c’est la saison). Le parfum de l’asphodèle est encore plus discret que celui de la violette, sans en avoir le charme délicat…
N’empêche! les vers sont suggestifs, c’est un beau poème. Et c’est pourquoi j’avais suggéré pour notre salle culturelle le nom de l’asphodèle, hommage indirect au poète, ancrage local d’une plante emblématique de notre région.

Un sentier à travers notre campagne

L’Asphodèle nous emmène ailleurs à travers les spectacles qui nous sont offerts, et les popinettes jalonnent le sentier qui parcourt notre campagne.