L’eau à la maison (Histoires d’eaux 2)

Non, l’eau ne coule plus de source, elle coule du robinet… Jusqu’à quand ? La question reviendra. Mais depuis quand pour nous dans notre commune rurale ? Dans les années 50, tout le monde veut avoir accès à l’eau courante. Tout le monde ? Non, certains se disent : « Ce n’est pas pour nous ! » Pour la ville, c’est simple : dans les années 53-57, construction de la station de pompage sur la source du Logo, du château d’eau rue du Calvaire, du réseau dans la ville. J’y reviendrai. A la campagne, c’est plus complexe, plus lent : il faudra attendre le milieu des années 70 pour que tous nos villages soient raccordés à l’eau de la ville. Ici et là, on a trouvé des solutions individuelles ou collectives à l’échelle du village.

Pompes et citernes

Quelques fermes se sont dotées de pompes sur leur puits. Plus de seau qu’on accroche à la chaîne ou à la corde que s’enroule autour du travouillet (treuil) mais une pompe à levier semblable à celles des places de la ville. Mais dans la plupart des cas, c’est le chemin de la fontaine avec les deux seaux équilibrés par le cercle de barrique.
Les citernes qui recueillent les eaux de pluie sont peu nombreuses et servent plutôt pour les animaux, cochons et chevaux surtout, car les vaches sont conduites au ruisseau pour l’abreuvement : on les mène boire.

Un progrès énorme : le bélier hydraulique

Dans les années 50 (je n’ai pas de témoignage plus ancien), quelques paysans de Questembert (à la Saudraie, à Kerjégo, à Kerabraham, au Rhé, etc.) vont installer un bélier hydraulique : une machine décrite par Montgolfier à la fin du XVIIIème siècle et mise en œuvre dans la papeterie de Vidalon (près d’Annonay en Ardèche). Les sociétés d’agriculture et les journaux de vulgarisation agricole en font la promotion comme on le voit dans Le Petit Journal agricole de 1912.

L’image ci-dessus montre le bélier en place à la Saudraie; on entend encore le bruit de l’échappement, mais il faudrait sans doute refaire quelques réglages pour qu’il fonctionne bien. Celui-ci a remplacé en 1972 le premier modèle installé en 1963 qui est conservé dans une grange (photo ici à droite). Un élément patrimonial intéressant, n’est-ce pas?

Le Petit Journal agricole 1912

La machine, sans autre énergie que la gravité, permet d’alimenter la maison et la ferme en eau courante. Un formidable progrès : plus besoin d’aller jusqu’à la fontaine et de remonter la pente avec une charge de 30 à 35 kg, et de l’eau à disposition immédiate. Pour la maison et pour les animaux domestiques.

Pour les amateurs de l’histoire des arts et métiers, je conseille la lecture du Mémoire sur la possibilité de substituer le bélier hydraulique à l’ancienne machine de Marly, par M. Joseph Montgolfier. A télécharger gratuitement pour une lecture approfondie.

Une vidéo qui décrit bien le fonctionnement

Et celle-ci qui montre que la machine peut être utile dans les coins les plus reculés. (en anglais sous-titré)

Des réseaux de villages

A côté de cette solution individuelle, se développent dans des villages des projets collectifs : une seule prise d’eau, un château d’eau réserve qui permet de réguler le débit et un réseau de distribution. C’était le cas au village du Rhé, mais le petit château d’eau, fait d’un empilement de buses de béton surmonté d’une cuve, a été démoli dans les années 90. À Limerzel, celui du Temple de Bas est encore visible : la cuve est posée sur une maçonnerie de pierres qui forme une guérite pour abriter la tuyauterie.

Des groupes électropompes

Avec l’arrivée de l’électricité dans les campagnes, dans les années 50 (le transformateur de Pilaire a été installé en 1953), les groupes électro-pompes se sont généralisés et ont permis l’accès à l’eau courante pour de nombreux villages. Les autres ont dû attendre l’arrivée du réseau public. Jusqu’à la fin des années 60. Le développement du service d’eau sera le sujet d’un prochain article.

A la Saudraie, l’abri de la pompe et le puits de prélèvement

Un formidable progrès

L’arrivée de l’électricité et l’eau courante à la maison a permis une transformation radicale de la vie à la campagne, et plus particulièrement pour les femmes : du temps libéré, un travail moins pénible. Dans son livre La longue Marche des paysans français, Louis Malassis dresse le tableau de la situation en milieu rural au début des années 50. Un ouvrage qu’on trouve facilement d’occasion.

L. Malassis, page 327