Faire flèche de tout bois


L’expression est commune. Il est tentant, et facile, pour des opposants, de la mettre en pratique pour attaquer les équipes en place. Pourtant, à les entendre jouer du pipeau, j’ai l’impression qu’il s’agit plutôt du bois dont on fait les flûtes. Quelques exemples récents.

La chasse au PUMA dans nos campagnes
Pour mener la chasse au PUMA dans nos campagnes, il est parfois utile de prendre une tenue de camouflage vert-écolo. Car le puma qui sévit chez nous n’est pas un animal féroce, il est seulement encombrant, comme un Projet Utile Mais Ailleurs. Sa présence dans l’environnement proche provoque un syndrome bien connu des Anglais, le syndrome NIMBY (Not In My BackYard, pas dans ma cour) qui consiste à approuver un projet pourvu qu’il se fasse ailleurs, ou à refuser un projet à proximité de son lieu de résidence.
L’idée, validée par une consultation publique, d’implanter un cimetière à la Grée au Roc avait, personne n’en doute, des conséquences environnementales qui méritaient d’être pesées très précisément. Que les riverains s’y intéressent n’avait rien de surprenant. Que le questionnement dépasse le proche voisinage aussi. Mais évidemment, d’autres y ont vu une occasion d’attaquer le maire et la municipalité, qui, selon eux, manifestaient ainsi leur fausse écologie, leur mépris pour les citoyens, etc.
Alors, quand le PLUi a été annulé par une décision de justice fondée sur un tout autre point et que l’hypothèse du cimetière à la Grée au Roc a été balayée, ils ont prétendu y voir une victoire de l’écologie, mais surtout un camouflet ou encore une cinglante défaite pour le maire.
Notez que cette annulation n’était pas totalement imprévisible, même si elle a de lourdes conséquences pour Questembert Communauté : développement de projets, coûts financiers, etc. Pour ma part, j’avais alerté les élus en responsabilité à l’époque des faiblesses du PADD. Je n’avais pas été entendu.

Le Puma de Delacroix

Baisser les impôts? facile
Le pouvoir d’achat est un vrai sujet et les élus ne doivent jamais oublier que leurs décisions fiscales ont des conséquences sur le porte-monnaie des administrés. Là encore on peut sortir le pipeau et reprendre le refrain bien connu du trop d’impôts, sans prendre la précaution d’expliquer concrètement quelles dépenses il faut réduire ou supprimer pour pouvoir baisser les impôts.
Mieux encore, mais là c’est pure démagogie, on peut critiquer l’augmentation de la taxe sur le foncier bâti sans dire que cette augmentation est la simple conséquence d’un vote au Parlement, qui a décidé d’augmenter la valeur des bases locatives en fonction de l’inflation (rien de neuf sur ce point : la révision des valeurs locatives est appliquée chaque année sur le même critère.) Bien sûr, il est facile de proposer d’effacer cette augmentation en baissant les taux communaux… mais alors il faut dire quelles dépenses on va sabrer et ne pas se contenter de condamner, sans preuve, les dérives budgétaires municipales.
Parlons des taux communaux de Foncier bâti et des autres, ils n’ont pas changé depuis 2009. Cependant, dans une tribune récente, j’ai lu que, aux temps de Mme Martin, ils n’avaient pas augmenté les impôts. Petit ou gros mensonge? Il faudra s’en confesser. Car supprimer l’abattement général à la base sur la taxe d’habitation, mécaniquement, revenait à augmenter la contribution de 15 %. Heureusement, ça ne s’était pas vu parce que le gouvernement, cette même année, avait supprimé la TH.

En appeler au peuple
Oui, le peuple est souverain, une idée qui fonde notre démocratie. Donc, il faut et il suffit de s’en remettre à la voix du peuple, et de se prétendre le porte-parole du sentiment populaire. Facile de vérifier ce sentiment populaire. Posez donc des questions simples. Du genre : faut-il baisser les impôts ? Faut-il faire le cimetière à la Grée au Roc ? Ou bien encore, faut-il renaturer la vallée du Tohon/St-Éloi ? Non, ça ce n’est pas la bonne question, elle est trop compliquée. Disons simplement faut-il sauver l’étang de Célac ?

Manipuler les émotions
Voici la recette. Simplifiez le problème : restaurer la continuité écologique (trop compliqué), c’est supprimer l’étang de Célac, et le reste, on s’en fiche. Puis suscitez l’indignation, si possible provoquez la colère, désignez ensuite le responsable, le coupable qui ne peut être qu’un autocrate sectaire, ignorant du réel, méprisant des aspirations des gens ordinaires, adepte de l’écologie punitive. Pas la peine d’expliquer le contexte global. Il est ainsi plus facile de jouer sur les peurs, les frustrations, etc.

Informer les citoyens, la base de la démocratie participative
Il faut expliquer, c’est essentiel : comment parler de démocratie participative si les citoyens ne reçoivent pas une information complète? Voilà pourquoi, par respect pour les citoyens, il est nécessaire d’éclairer le contexte global. Ce contexte est défini par une directive cadre européenne (bon, l’Europe, c’est presque la cause de tous nos malheurs, n’est-ce pas?), par plusieurs lois, votées par les députés et sénateurs, dont la loi de 2016, loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Cette loi renforce le poids des agences de l’eau qui décident – mais ce sont des élus qui votent – de l’usage des fonds disponibles. Il faut aussi parler de la compétence GEMAPI (gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations) attribuée aux Communautés de Communes, des bassins versants. Bien des sujets complexes que parfois les élus eux-mêmes n’ont pas cherché à approfondir, les considérant paresseusement comme des contraintes administratives (oh la la, les normes).
A plusieurs reprises, quand j’étais élu, j’ai expliqué l’importance de cette compétence GEMAPI. Dans un compte-rendu de conseil communautaire (à lire ici), j’écrivais : il ne s’agit pas d’une lubie de technocrates ou de parlementaires déracinés ; non, l’objectif est de permettre aux élus de proximité de prendre en main les questions relatives à l’eau, aussi bien la qualité que les risques d’inondation.
Les financements font aussi partie du contexte : l’agence de l’eau Loire Bretagne a décidé de ne financer que des projets ambitieux pour la renaturation des cours d’eau, ce qui implique, dans notre cas, l’effacement de l’étang de Célac. Eaux et Vilaine, qui regroupe des élus de notre secteur, s’inscrit sans réserve dans cette démarche et, dans le cas particulier de la vallée du Tohon/Saint-Éloi, prendra en charge tout ce qui concerne la restauration de la continuité écologique… Cela étant donné, que faire pour que le lieu reste un lieu de loisirs, de plaisirs pour les Questembertois et les visiteurs ? C’est l’objet de la consultation organisée par la municipalité. A chacun de se faire son opinion, sans oublier que, dans le contexte, des cofinancements seront possibles. Voyez cet exemple du côté de Pontivy, où la Région Bretagne a contribué au financement. A charge pour la municipalité d’aller chercher le maximum de subventions. De l’État, de la Région, du Département, de l’Europe… Pour la Région, c’est peut-être ici.

Évoquer d’autres solutions
Est-il possible de faire autrement ? Auditeur au dernier conseil municipal, j’ai entendu ceci :
Si, si, il y a d’autres solutions.
Lesquelles donc ?
– …. (blanc) !
Il ne suffit pas d’affirmer, il serait bien de donner des exemples concrets, de dire où et quand. Car que veut dire le mot conseiller, s’il ne s’agit pas de proposer des solutions ? Ni non plus d’inviter le maire à faire ses propres recherches.

Et alors quoi ?
Pour arrêter le pipeau, deux conditions
– mettre en pratique la participation citoyenne, en informant les citoyens sur la complexité des sujets
– mais d’abord, s’imprégner de cette complexité, faire son boulot de conseiller !

Par Creator:Augustin von Moersperg — This image scanned from 『ハーメルンの笛吹き男』 ISBN 4-480-02272-4, that was published by Abe Kinya in 1988., Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=68665

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