Je devrais mettre ce petit texte de fantaisie sur ma page FB Questembert au gallo, puisqu’il sera consacré presque essentiellement aux traditions locales liées à la fin d’une année et au début de la suivante. Mais j’ai envie de le partager plus largement et de lui donner un peu plus d’étoffe.
Ne dites pas jour de l’an!
Nouvel an, jour de l’an sont désormais les expressions communes qui remplacent la seule que nous avions naguère : le premier de l’an ! Comme on dit maintenant village au lieu de bourg, commune, alors que le village, chez nous, c’est le petit groupe de maisons et de fermes : le village de Saint-Jean ou le village de Lesnoyal qui sont maintenant aussi gros sans doute que le bourg de St-Gorgon ou le bourg d’Evriguet.
Le premier de l’an donc ne venait pas après un réveillon, pratique inconnue chez nous jusque récemment. Seul se pratiquait le réveillon de Noël, au retour de la messe de minuit, et encore ce n’était qu’un bol de chocolat. Cependant, le 31 décembre, c’était la première veillée de la bonne année. Une maison invitait les voisins, en famille, pour la soirée. Tout le monde arrivait après le repas du soir, pour permettre de débarrasser la pièce, souvent unique, qui serait bien remplie. Les hommes (les bonhommes) commençaient par des parties de cartes, belote ou manille, pendant que les femmes (les bonnes femmes) s’agglutinaient autour de la cheminée pour bavarder (beurdasser) ; les enfants (les gosses) s’éparpillaient où ils pouvaient. Après les parties de cartes, commençaient les chansons, parfois les danses au son de la goule ou de l’harmonica, si la pièce le permettait.
On sortait le vin et, surtout pour les gosses et les bonnes femmes, les gaufrettes amusantes, avant le café, additionné de chicorée, qu’on faisait quand même fort parce que c’était un compliment attendu.
Après le café dans le verre, qui pouvait casser (peuter) sous l’effet du café trop chaud, mais pas bouillu, on reprenait la rincette, la goutte que certains avaient déjà prise sous prétexte de refroidir leur café. Les femmes et les enfants pouvaient y avoir droit, mais sur un morceau de sucre.
Enfin venait le bocal, la liqueur maison faite de goutte, adoucie d’eau et bien sucrée, parfumée avec des pruneaux, des prunelles (gueudons), des griottes (guignes aigres) ou avec des extraits Noirot
C’était le moment des commérages, et des contes de dans le temps. Souvent des histoires de magie, de magie noire, de sorcellerie. On parlait du grand Albert, ce livre interdit qui recensait les tours de physique (fuzik), un manuel de sorcellerie toujours caché, transmis en secret à la mort du détenteur, si le curé n’arrivait pas à temps pour le confisquer : le curé n’arrivait jamais à temps, le livre était parti.
Bonne année, bonne santé
Quand la grande horloge sonnait les douze coups de minuit, à l’ancienne heure, ou à la nouvelle heure, à l’heure officielle, selon la maison, on se levait pour se souhaiter la bonne année.
Bonne année, bonne santé. On ajoutait parfois le paradis à la fin de vos jours. Ou, en parodie, et avec la rime, le paradis avant la fin de l’année. Il y avait une version scatologique … ‘foire au c** pour toute l’année’
Cette première soirée était la première des veillées de la bonne année ; les jours suivants, on allait chez les voisins qui, tour à tour, rendaient l’invitation. Pour les enfants, cette soirée donnait le signal de la tournée des grands-parents, parrains, marraines, etc pour solliciter des étrennes : « bonne année, bonne santé, fouille tes poches pour me donner ».
La foire de jeunesse
Le premier lundi du mois était jour de foire : au-delà du train-train des marchés du lundi, ce jour-là, on vendait les bœufs et les vaches sur la place du Marchix, et les cochons sur la place du 8 mai, place Janvier ou place de la foire aux cochons. Mais le premier lundi de l’année, jour de foire mensuelle, était la foire du premier de l’an, la foire à la jeunesse. Ce jour-là, se faisait le recrutement des valets et des bonnes pour l’année. Et la journée se prolongeait pas un bal dans les cafés restaurants, comme chez Launay, Pelaud (place du 8 mai) ou chez Déjours à Cadoudal.
Entre Noël et l’Épiphanie, la météo à long terme
Enfoncés, les météorologues, les climatologues ! Il suffit d’observer le temps qu’il fait pendant les douze jours entre Noël et la Nuit des Rois, l’Epiphanie, le 6 janvier : le temps qu’il fait pendant ces 12 jours préfigure la météo des 12 mois de l’année à venir.
Merci Paul pour cet historique Questembertois du jour de l an
Ceci réveillé beaucoup de souvenirs de notre enfance. J étais alors dans mon village vosgien. Ces veillées se ressemblaient, que ce soit celle de Noël ou de la veille du 1er..nous les grosses, nous intéressait, c était faire le tour de la famille pour ramasser les étrennes..
Nous étions heureux.