Au milieu des années 50, enfin, la ville de Questembert s’est dotée d’un réseau d’adduction d’eau et du tout-à-l’égout. Juin 1956, inauguration en grande pompe (c’est le cas de le dire) de grands travaux à Questembert : le service d’eau, le tout-à-l’égout, et ce qu’on appelle la Cité administrative (la Perception, boulevard St-Pierre).
Après deux articles Histoires d’eaux 1 et 2, j’ai continué à creuser le sujet, mais parfois il me faudrait une baguette de sourcier pour trouver les informations. Quelques pépites pourtant, tirées des délibérations du conseil municipal ou des archives en ligne d’Ouest-France, m’ont permis d’ajouter ce troisième chapitre à mes Histoires d’eaux. Histoires d'eaux 1 parlait de l'eau, des puits ou des fontaines de village, des puits publics en ville, de l'eau des lavoirs,de l'eau des marais et des prés mouillés. L'eau à la maison, histoires d'eaux 2 ce deuxième article était consacré aux premières réponses pour amener l'eau à la maison : pompes à béliers, électropompes, réseaux de village. Avec les transformations radicales que ces innovations apportaient.
Un aboutissement, ou plutôt une étape
Ce jour-là, ils pouvaient être fiers les élus de Questembert : la commune était dotée d’un réseau de service d’eau, d’un réseau de tout-à l’égout, et d’une cité administrative, destinée à accueillir les services fiscaux (la perception, la trésorerie). Service d’eau et tout-à l’égout sont intimement liés : dans les délibérations qui traitent ces deux sujets, on voit que le maire, Louis Herrou, et les élus sont attachés à ce que les deux projets sont menés en même temps. Et ce n’est pas sans difficulté ! La première étant de dépasser la querelle entre la ville et la campagne : il faut rassurer les ruraux qui craignent que ces projets retardent encore l’électrification des la campagne et la construction des chemins ruraux ; car de nombreux villages ne sont pas encore desservis en courant électrique, et restent peu accessibles !
Mai 1950 : premier coup de pioche au Logo
Le point de départ, on le trouve dans un article d’Ouest-France de 1950 ! Il s’agit là de créer le captage de la source du Logo et la station de pompage. Le compte-rendu note, à côté du maire et de M. Vincent de la société qui a mené les études, la présence de l’Ingénieur du Génie Rural, M. Hiebst, de M. Boeuf, chef de l’entreprise chargée des travaux. Le premier va accompagner l’équipement des campagnes jusqu’au bout de sa carrière professionnelle (il a aussi été maire de Sarzeau de 1971 à sa mort en 1987). Quant à M. Boeuf, son entreprise va marquer durablement Questembert et devenir un des plus gros employeurs… jusqu’à sa liquidation par le groupe Vinci en 2013.
L'entreprise Boeuf. D’abord installée rue du Calvaire, au pied du château d’eau, l’entreprise Boeuf se déplace boulevard Pasteur où elle établit ses ateliers et bureaux, ainsi que des maisons pour ses cadres ; pour se développer, il lui faut encore plus d’espace et elle s’installe sur la zone de Lenruit. Dans le même temps, l’entreprise, devenue Boeuf-&-Legrand, entre dans la nébuleuse Lyonnaise des Eaux Dumez, puis elle est absorbée par le groupe Vinci. De cette épopée, il ne reste qu’une friche industrielle à Lenruit... et plein de souvenirs. Qui prendra le temps d’en retisser les liens avec ceux qui en ont été les acteurs ?
Janvier 1950 : le maire fait le point de la situation
A cette époque – jusqu’en 1955 – le maire présentait au conseil municipal de janvier (ou décembre) un bilan de l’année écoulée. Ce compte-rendu de mandat est transcrit intégralement dans le registre des délibérations du conseil municipal. Et le quotidien Ouest-France le publie dans ses colonnes.
Pour consulter les archives en ligne d’Ouest-France, il faut utiliser ce lien. On inscrit le mot clé dans la barre de recherche (par exemple Questembert), puis dans la colonne de gauche, on choisit la source (Ouest-France), puis la date, l’année, le mois, etc.
Au conseil du 15 janvier 1950, le maire Louis Herrou dresse le bilan de 1949. L’été avait été brûlant : tous les puits de la ville étaient à sec. D’où l’urgence de lancer les travaux du service d’eau.
Qui décide ? Qui paie ? Les emprunts locaux
L’extrait ci-dessus est éclairant ; il est facile de le compléter en consultant l’archive Ouest-France du 20 janvier, où on voit les tensions ville-campagne, les difficiles arbitrages entre 3 urgences : les chemins ruraux, l’électrification, l’adduction d’eau. A cette époque, il n’est pas question de décentralisation : le maire se dit satisfait de voir le projet agréé ! Rien ne se fait ou presque dans les communes sans autorisation du représentant de l’État, le préfet ou ses agents, l’ingénieur du génie rural, le percepteur pour les finances. Validé par le préfet, le projet peut recevoir des financements dans le cadre du Plan National d’Équipement. Encore faut-il que la commune lève un emprunt local, à la hauteur de l’engagement de l’Etat : « pour bénéficier de la subvention de l’Etat, la commune doit s’engager à emprunter auprès du public, à l’exclusion de tout organisme privé ou public de crédit 50 % de cette somme correspondant à la participation de l’Etat. » Ce texte est repris de la délibération ci-dessous qui date de l’automne 1948.
En fait, cette disposition règlementaire s’applique aussi pour l’électrification et les chemins ruraux. Une délibération explique que, dans un premier temps, en tout cas, il n’a pas été possible de trouver les prêteurs pour la construction d’un chemin rural.
Ces emprunts étaient des obligations, qui portaient un intérêt défini dans la délibération, et qui étaient remboursées par tirage au sort. Comme le montre cette archive d’Ouest-France de décembre 1952.
Un chantier de longue haleine !
Si le premier coup de pioche est donné en juin 1950, les discussions et les études ont commencé bien avant. Après des hésitations : une délibération d’octobre 1941 dit explicitement que le projet de service d’eau est ajourné. Au conseil du mois d’août, il n’était qu’en 4ème position dans le classement proposé pour le programme national d’équipement.
Il a fallu ensuite valider le choix du Logo (le Pont-à-Tan avait été envisagé), négocier avec le propriétaire du marais du Logo, lui proposer un échange, après avoir acheté une autre parcelle…
Premier coup de pioche au Logo en 1950, mais les tranchées des canalisations d’amenée vers le château d’eau et le château lui-même ne commencent qu’en 1953. Dans un article de novembre 1952, Ouest-France se fait l’écho de l’impatience des usagers, tout en annonçant la bonne nouvelle : la subvention ministérielle attendue est décidée, les adjudications vont être lancées.
Sous les ordres de Jean Le Goueff, le délégué local de l’entreprise Boeuf, les terrassiers doivent creuser 10 mètres de tranchée avec pelle et pioche. Pas de pelleteuse, seulement quelquefois le marteau piqueur ou la mine. Ci-dessous, cette photo d’archives Ouest-France montre assez bien la réalité du travail. Des travaux à haute intensité de main d’œuvre ! Des débouchés pour les jeunes gars qui ne trouvaient plus de place dans les travaux agricoles. Pas étonnant que l’entreprise Boeuf ait compté pour notre commune.
Du Logo au château d’eau… jusqu’au robinet
Les canalisations ont été posées dans la ville – et presque en même temps celle du tout-à-l’égout – jusqu’aux branchements individuels. Ces gros travaux étaient réalisés par les équipes de l’entreprise Boeuf. Après le compteur, l’usager se voyait offrir un robinet et 6 mètres de tuyau de cuivre (maximum). C’est là qu’interviennent des entreprises de taille plus réduite, ou des succursales comme Central Sanit (dont le responsable local, Jules Boulay, a choisi ensuite de s’installer à Questembert) et d’autres. Le début pour les plombiers qui ensuite ajouteront à leur palette le chauffage central et souvent les équipements électroménagers.
Et dès le début la SAUR s’installe comme gestionnaire du réseau. D’autres communes – surtout les plus grandes ou les très petites – ont fait le choix de traiter le service d’eau en régie avec des employés communaux. Sans doute conseillée par l’ingénieur du génie rural, Questembert a délégué la gestion à la SAUR qui est devenue, elle aussi, un employeur important dans le secteur. Pendant des années, la SAUR a conservé le marché, jusqu’à très récemment où Veolia (née de la Générale des Eaux) est venu contester ce monopole.
Assez récemment, le SIAEP (syndicat intercommunal d’adduction d’eau potable) a étudié sérieusement la reprise de la gestion en régie : l’étude n’a pas montré un avantage net pour cette solution. Mais la loi prévoit que ces compétences (Eau et assainissement) reviennent aux communautés de communes. La question pourrait alors être remise sur le tapis.