Seniors, nous mourrons nombreux…

Nous étions les baby boomers, nous voici maintenant papy-boomers. Michèle Delaunay – boomeuse, elle aussi, née en 1947, médecin oncologue, ancienne députée, ancienne ministre – nous a consacré un livre Le fabuleux destin des baby-boomers. Fabuleux destin sans doute, mais qui se termine mal ! Car, comme elle l’a expliqué dans une chronique du Monde, Le vieillissement et la mort en série des baby-boomeurs vont poser des questions vertigineuses. Je ne veux pas vous jouer les oiseaux de mauvais augure, ni vous inviter à la méditation funèbre. Pas de lamento ici, juste quelques questions concrètes pour nous ici et maintenant. J’aurai l’occasion dans un prochain article de montrer que les seniors que nous sommes, dont je suis, peuvent être une ressource pour le territoire et je vous parlerai de l’association Or gris, de la silver économie ou économie des seniors.

Le Caravage, St Jérôme écrivant
avec le crâne qui lui rappelle la mort inéluctable

Babyboomers, papyboomers, qui sommes-nous ? Combien sommes nous ?
Dans son ouvrage, Michèle Delaunay retient 1946 et 1973 comme bornes de cette génération. On peut en discuter, mais nous savons tous que la natalité a connu un rebond extraordinaire à partir de 1946 : cette année-là, 200 000 naissances de plus qu’en 1945. Et comme le montre le tableau ci-dessous, le nombre annuel de naissances est resté entre 800 000 et 900 000 jusqu’en 1973, descendant à 720 000 en 1976 et 711 000 en 1994. Voir le tableau dynamique sur la page de l’INSEE.

Grosse nouvelle, les babyboomers vont mourir !

Rassurons-nous, pas tous tout de suite ! Mais, comme il y avait eu un surcroît de naissances après guerre, nous subirons une surmortalité d’ici 2050, en tenant compte de l’effet retard de l’augmentation de l’espérance de vie : en 2019, l’âge médian de décès était juste au-dessus de 84 ans (87,5 pour les femmes,79,9 pour les hommes). Et l’on sait déjà que l’épidémie de COVID-19 va augmenter le nombre de décès pour cette année, sans doute 650 000 au lieu de 620 000 en 2019. La courbe des décès pour les prochaines années va ressembler à celle des naissances d’après guerre !

Et chez nous, ce sera comment ?

Ce qui se passe au niveau du pays tout entier va aussi se produire chez nous, mais de façon plus marquée encore. Car notre population est passée de 4198 habitants en 1946 à plus de 7500 aujourd’hui. Avec de nouveaux habitants, dont beaucoup sont des retraités venus d’autres communes, des alentours, de Région Parisienne ou d’ailleurs.

Aux élections de mars 2020, nous avions 6107 électeurs inscrits, parmi lesquels presque 2300 avaient 60 ans et plus. Les plus de 70 ans étaient 1300 environ. Et si l’on se place dans les bornes données par Michèle Delaunay pour cette génération des babyboomers (ils ont aujourd’hui entre 47 et 75 ans), on dénombre plus de 1900 personnes, presque un tiers du corps électoral.

Quelles conséquences pratiques ?

La première question reste comment traiter les conséquences du grand âge ? Mais ce point est au moins envisagé : on évoque les places en EHPAD, les aides pour le maintien à domicile, le financement du 5ème risque de sécurité sociale. Et les réponses ne sont pas directement du ressort des collectivités de base.

Mais une autre question concerne le niveau local, la commune : que ferons-nous de nos morts ? C’est-à-dire où allons-nous déposer leurs restes ? Dans quel cimetière ? Quelle devra en être la surface ? La loi, dans l’article L2223-2 du CGCT (code général des collectivités territoriales) nous dit que « Le terrain consacré à l’inhumation des morts est cinq fois plus étendu que l’espace nécessaire pour y déposer le nombre présumé des morts qui peuvent y être enterrés chaque année. » Sur les dernières années, la commune a enregistré près de 80 décès par an, qui n’ont pas tous donné lieu à de nouvelles concessions funéraires (environ 15 par an). Notez qu’une part significative des nouveaux Questembertois n’a pas d’attaches locales et ne dispose pas de concessions familiales. Avec les effets du baby-boom/papy-boom, il y aura des pics de mortalité qu’il faut anticiper ! Et cela sans tenir compte – on le devrait pourtant – des effets de pandémie ou de canicule.

Il faudra donc se poser sans tarder la question du cimetière. Et sérieusement, sans démagogie.

Il est vrai que le choix de la crémation, de plus en plus fréquent, va réduire les besoins en surface : les urnes sont déposées dans des cavelets de taille réduite ou dans les columbariums. Mais la crémation, pour être désormais assez populaire, vient en contradiction avec les exigences écologiques : on économise de l’espace, mais on consomme des énergies fossiles !

Cependant l’humusation de nos dépouilles mortelles reste, pour l’instant, très marginale. Ce serait pourtant une démarche écoresponsable : un linceul biodégradable, un corps sans apprêt, de la paille et des copeaux. Écoresponsable… et biblique : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu redeviendras poussière, » dit la Genèse (319).

Un lieu pour des cérémonies civiles ? Un accompagnement républicain

Penser, ou repenser, le futur cimetière est d’évidence une responsabilité communale. Mais nous devons tous en tant que citoyens nous interroger sur les cérémonies funéraires. Sans nous voiler la face, reconnaissons que l’église se montre accueillante pour tous ceux qui le souhaitent. Et c’est à son honneur. Mais de plus en plus de familles choisissent un hommage strictement civil. Il serait donc important de prévoir un lieu adapté où l’on puisse organiser une cérémonie républicaine en l’honneur de nos défunts.

J’espère que cette lecture ne vous a pas mis dans la désolation. Le sujet est sérieux, mais je veux conclure en vous proposant le sourire de Georges Brassens avec Les Funérailles d’antan.

Plutôt qu’d’avoir des obsèqu’s manquant de fioritur’s
J’aim’rais mieux, tout compte fait, m’passer de sépultur’
J’aim’rais mieux mourir dans l’eau, dans le feu, n’importe où
Et même, à la grand’ rigueur, ne pas mourir du tout
O, que renaisse le temps des morts bouffis d’orgueil
L’époque des m’as-tu-vu-dans-mon-joli-cercueil
Où, quitte à tout dépenser jusqu’au dernier écu
Les gens avaient à coeur d’mourir plus haut qu’leur cul
Les gens avaient à coeur de mourir plus haut que leur cul.