Attentif aux épreuves de la vie comme les analyse Pierre Rosanvallon dans son livre récemment publié, je n’avais pourtant aucune indulgence pour les gilets jaunes, qui se proclamaient révoltés au nom du peuple contre les élites. Ces temps-ci, les défenseurs du peuple se bousculent sur les tribunes pour promettre la lune : ils font assaut de démagogie, caressant les foules de promesses intenables, qui ne seront donc pas tenues. Ils le savent eux-mêmes, leur cynisme est sans borne. Voilà où est le mépris de classe !
(R)-écrire l’Histoire
Prétendant nous emmener vers un autre monde possible, écrire une nouvelle page d’histoire pour notre pays, ils commencent par récrire l’histoire au mépris du travail des historiens ou des témoignages. Ainsi, dans un petit livre intitulé Zemmour contre l’histoire, des historiens et historiennes ont montré comment le polémiste a travesti des faits vérifiés pour inventer des légendes sans fondement. Quatre autres historiens ont démonté les falsifications fabriquées par son compère vendéen dans leur ouvrage Le Puy du Faux.
Mais la réécriture de l’Histoire est assez largement partagée. On le voit aujourd’hui quand certains tentent d’effacer leur soutien passé, mais récent et bien documenté, à M. Poutine et à quelques autres dictateurs.
Diffuser de tels bobards, n’est-ce pas une marque concrète du mépris pour les gogos à qui ont fait prendre des vessies pour des lanternes ?
Donner à croire que les choses compliquées sont simples
Supprimer 150 000 postes de fonctionnaires ou bien en créer 200 000 pour l’école, la justice, les hôpitaux, la police ; bloquer les prix des carburants ou baisser la TVA sur …ce que vous voulez ; augmenter les salaires, les pensions ; construire des logements à tire-larigot ; renvoyer les immigrés chez eux, et même, les Français qui ne seraient pas de la bonne couleur ou de la bonne religion. Tout récemment, la collection s’est enrichie de l’engagement à ne plus faire travailler les cabinets de conseil. Jacques Prévert jouait vraiment petit bras avec son Inventaire. Reconnaissons que dans ce fatras, il n’y a pas le… raton laveur.
Presque toutes ces propositions – à part bien sûr, les délires racistes – peuvent être entendues, séparément en tout cas. Mais chacune mériterait une analyse sérieuse, au-delà de la promesse qui peut séduire. Parlons du nombre de fonctionnaires : faut-il en supprimer ? Pourquoi pas, mais dans quel domaine, comment assurer le service attendu par les citoyens ? Faut-il en recruter ? Sans doute, mais à quel prix ? En creusant la dette ? En augmentant les impôts ? Etc.
Reste, à supposer que l’électorat valide ces propositions, à mettre en œuvre les actions qui en découleraient, des actions qui pourraient être violemment rejetées par une partie de ceux-là même qui les approuvent aujourd’hui ! Rappelons quelques souvenirs : la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandise, l’écotaxe adoptée dans le cadre de la loi Grenelle au temps de Sarkozy, à peine mise en œuvre par le président Hollande et bloquée par la révolte d’une coalition hétéroclite les Bonnets rouges.
Qu’on se rappelle aussi comment a été contestée la réduction de la vitesse de 90 km/h à 80 km/h, pourtant fondée sur des raisons de sécurité (moins de morts) et d’environnement (moins de consommation), comment a été bloquée la semaine scolaire de 4 jours et demi pourtant préconisée par à peu près tout le monde… avant sa mise en œuvre. J’en avais parlé ici pour tenter de remettre à l’heure quelques pendules.
Les lobbies sont partout
Pas un jour sans qu’on lise ou qu’on entende les critiques sur l’influence des lobbies : les pétroliers, les banques, l’agroalimentaire, la grande distribution, la liste est longue. Ces temps-ci, c’est l’industrie pharmaceutique, Big Pharma, qui focalise les critiques : les grands labos auraient – au fond – piloté la politique sanitaire : nos gouvernants seraient de simples marionnettes de ce pouvoir occulte.
Mais cette mise en accusation des lobbies qui seraient tout puissants renvoie à une conception simpliste du fonctionnement de la société : très commodément, on croit découvrir les racines du mal dans un acteur unique, aux multiples visages. Il y a eu les Francs-Maçons, la Trilatérale, le groupe Bilderberg, les réseaux juifs, etc. Aujourd’hui, c’est Big Pharma, l’Etat-profond, mais le complot judéo-maçonnique n’est jamais bien loin.
Cette explication toute simple permet d’éviter de voir les forces qui s’affrontent et qui, parfois, font alliance pour bloquer les évolutions nécessaires ou souhaitables.
Sans aller chercher des exemples nationaux, je me contenterai d’une expérience locale assez lointaine pour ne désobliger personne. La première fois – au début des années 90 – que la municipalité de B. Thomyre a évoqué l’hypothèse d’urbaniser le stade municipal, les footeux ont signifié leur opposition… Trente ans après, l’hypothèse n’est plus taboue.
L’État le grand responsif ?
Autre explication simpliste : si les choses sont ainsi, c’est-à-dire, mal foutues, injustes, c’est la faute à l’État. Vieille rengaine, que Georgius chantait dans les années 30 avec sa chanson On l’appelle Fleur des fortifs (1930, bien sûr!) : L’État est responsable de toute la misère du monde. L’État qui nous accable de règlements absurdes, qui nous prive de nos libertés, qui veut nous imposer le vaccin, contre qui il faudrait brandir le drapeau de la Résistance. L’État aussi qui nous pique notre blé, qui se gave de taxes et d’impôts qui ne sont justes que lorsqu’ils sont payés par les autres.
Évidemment, si l’État fonctionne si mal, c’est qu’il est aux mains de lobbies malfaisants (voir plus haut). Et, fastoche, y a ka réformer l’Etat, remettre le pouvoir dans les mains du peuple, revenir à la Vraie Démocratie. Après la vraie foi, ou la vraie religion, ou la vraie gauche, voici donc la vraie démocratie. Pour un peu, on nous la chanterait : c’est la lutte finaaaaale… etc. Et pourtant, dans ce bel hymne d’espoir, vous lirez ce vers qui vous invite à ne pas croire aux solutions trop simples : Il n’est pas de sauveurs suprêmes : Ni dieu, ni césar, ni tribun !
Donner à rêver ? Les lendemains qui déchantent
Ah ! Me direz-vous, dans une campagne électorale, il faut bien donner à rêver. Eh bien, non, car après le rêve d’un avenir radieux vient le réveil avec les terrifiants pépins de la réalité. Ils veulent nous donner à rêver ? Si eux-mêmes croient à ces paradis imaginaires, leur naïveté est confondante, malheureusement, ils n’y croient pas eux-mêmes, ou si peu : le mépris de classe, le mépris pour le peuple, il est chez eux, car ils savent au fond que ça va pas être possible.
Sans faire rêver, donner l’espérance
Oui, donner l’espérance, en rappelant que notre avenir n’a rien de fatal, il sera ce que nous en ferons, à partir du réel de maintenant. Selon la belle formule de René Char, le réel quelquefois désaltère l’espérance, c’est pourquoi, contre toute attente, l’espérance survit.
Eh oui,les marchands de rêves ,éphémères bien sûr , s’en donnent à coeur joie ces temps-ci critiquant à tour de bras s’illusionnant eux-mêmes de leurs promesses qui,pour beaucoup, resteront bien sûr lettre morte car ils promettent l’envers et son contraire .
Les lobbies sont partout? Je vous donne un exemple qui m’a frappée.
Quand il a été question d’un Leclerc, d’un Super-U, le lobby de commerçants en place appuyé par la chambre de commerce a fait capoter le projet qui répondait aux attentes des consommateurs locaux.
Jean-Luc Mélenchon: « Si nous dirigeons ce pays, tous les Gilets jaunes, comme les syndicalistes, comme les écologistes condamnés seront tous amnistiés »
C’est bien ce que je disais, « caresser le peuple, c’est du mépris de classe »