Charmes et plaisirs de l’eau (Histoires d’eaux 5)

Après quatre articles sur la question de l’eau, en voici un autre, sur les charmes et les plaisirs de l’eau.
Histoires d’eaux 1 parlait de l’eau, des puits ou des fontaines de village, des puits publics en ville, de l’eau des lavoirs, de l’eau des marais et des prés mouillés. Puis L’eau à la maison, histoires d’eaux 2 ce deuxième article était consacré aux premières réponses pour amener l’eau à la maison : pompes à béliers, électropompes, réseaux de village. Le 3ème article, Le service d’eau (Histoires d’eaux 3) était centré sur la construction des réseaux d’eau potable et de tout-à-l’égout dans la ville. Le 4ème L’eau désirée, l’eau rejetée (Histoire d’eaux 4) portait sur l’effet d’attraction répulsion qu’elle peut provoquer. En voici un 5ème sur les plaisirs et loisirs que nous offre l’eau.

En 1988, Jacques Chirac, maire de Paris, promettait de se baigner dans la Seine d’ici 3 ans. Il n’a pas pu tenir cette promesse, sans doute inconsidérée, mais il a lancé le projet qui aboutira, peut-être, pour les Jeux Olympiques de cet été. Un grand retour aux plaisirs du bord de l’eau : baignades, guinguettes, baignades, vin blanc. Comme les évoque la chanson de Gabin dans le film La belle Équipe :

Quand on s'promène au bord de l'eau
Comme tout est beau...

Les coins de baignade sur nos ruisseaux
Il n’y a pas eu chez nous de chanson pour immortaliser les pratiques pourtant communes de baignades. Les étangs des moulins étaient des endroits privilégiés, mais à peu près n’importe quelle portion de ruisseau un peu plus large, un peu plus profonde pouvait permettre de barboter et batifoler dans l’eau. On le voit bien sur cette carte postale qui montre des laveuses (on ne disait pas lavandières!) au Pont Plat. Au premier plan, il s’agit sans doute du rinçage du linge lavé, mais juste à côté, deux enfants et une jeune fille profitent du lieu et du moment.

Carte postale de la collection de JP Guillement. Voir son site Images de Questembert.

Ces pratiques de baignade libre se prolongent encore aujourd’hui : sur l’Arz, du côté du Pont du Favre en Molac, du moulin de l’Étier en St-Gravé. Et dans les travaux de restauration du Tohon/St-Éloi, ne pourrait-on imaginer de favoriser des accès aux plaisirs du bord de l’eau?

Jean-Pierre Ferrand, spécialiste des sociotopes (comment les gens vivent dans les lieux), a publié récemment un article sur la façon dont une ancienne carrière est devenue un lieu de loisirs aquatiques (c’est ici). Il conclut en invitant à réfléchir à ces pratiques « informelles », dans des lieux « pas faits pour » et, surtout, peu fréquentés, qui peuvent vite déraper vers la délinquance. D’où l’intérêt de travailler sur l’accès à l’eau et à la fraîcheur, dans des conditions juridiquement et socialement acceptables. Et pourquoi ne pas reprendre sa suggestion : On pourrait peut-être, ici ou là, entreprendre de recenser les anciens lieux d’accès à l’eau, histoire de les restaurer là où c’est possible ? Après tout, la liberté de baignade est un principe général du droit, y compris dans les eaux privées, partout où il n’y a pas d’interdiction. Et même sans parler de baignade organisée, avec tout l’arsenal juridique qui s’y rattache, la simple possibilité de barboter avec de l’eau jusqu’aux genoux suffirait à faire le bonheur de pas mal de monde lorsque blés et maïs rôtissent sous le cagnard.

Photo de Jean-Pierre Ferrand dans son article Sociotopes nantais : le contact avec l’eau

Bains de mer et piscines
Est-il imaginable de créer aujourd’hui des points d’accès à l’eau ? Là encore, il faut trouver un compromis entre la sécurité et la liberté de chacun ? Nous avons pris l’habitude des bains de mer, à Damgan, ou bien beaucoup plus loin, aux Baléares, à Djerba ou même aux Maldives. Pourquoi pas au plus près de chez nous?
Mais dès les années 40, le gouvernement de Vichy invite les municipalités à prévoir des lieux de baignades. Dans une délibération du 30 août 1942, le conseil municipal décide de surseoir en attendant de voir ce que ça coûte.

Il faut attendre les années 1970, et le programme national Mille piscines pour que se développe une offre de loisirs aquatiques au niveau national. Au conseil du 11 juin 1971, le député-maire Jean Grimaud annonçait que la commune pourrait bénéficier de la subvention (50%!) pour la future piscine. Quelques mois plus tard, la commune confie le projet à Yves Guillou, l’architecte qui a réalisé l’hôtel de ville à peu près à la même époque. Les travaux annexes sont pilotés par un service de l’Etat, la DDE. Et en avril 1974, le conseil délibère pour créer un poste de maître-nageur en vue de l’ouverture prévue au 1er juillet. Malheureusement, je n’ai pas trouvé trace de la cérémonie d’inauguration….

Pour en savoir plus sur le programme 1000 piscines, voir cette vidéo de l'INA. Questembert a bénéficié des aides de l'État, sans s'inscrire vraiment dans les modèles industriels (Tournesol, Iris, Caneton...) même si la piscine dessinée par l'architecte Guillou ressemble bien au modèle Caneton.


La piscine municipale de Beausoleil est passée sous l’autorité du SIVOM, et les communes aux alentours ont imposé la règle des 80/20 : la commune de Questembert finançait 80 % des dépenses ! Très concrètement, quand un écolier d’une commune voisine venait avec son école pour un cours de natation, Questembert payait 80 % de la dépense. Pour la nouvelle piscine qui a ouvert en 2011, après d’âpres négociations, j’ai réussi à changer cette règle absurde. Et malgré ces concessions, la part de Questembert dans le financement de cet équipement communautaire reste importante ! à voir à la fin de cet article Nouvelle piscine, questions et réponses sous l’intertitre Plus cher pour nos impôts ? Quant à l’ancienne piscine, elle a été réhabilitée dans un accueil de loisirs périscolaire Pomme d’api. A l’occasion de l’inauguration en décembre 2014, Gérard Launay, qui avait été la cheville ouvrière du projet, en donnait les grandes lignes dans cet entretien ALSH : Gérard Launay répond à nos questions.

Des piscines privées
Plus récemment est venue la mode des piscines privées. On ne veut plus aller jusqu’à la mer, la piscine publique n’est pas toujours ouverte, et puisqu’elle est publique, on n’a pas l’intimité du lieu privé, comme dans Loft Story. Pas toujours déclarées, comme le voudraient les règles d’urbanisme, elles échappaient à la taxe foncière, jusqu’à ce que les services fiscaux en viennent à utiliser les photos satellites. Voir cet article de Monaco Matin Comment le fisc a détecté 1.229 piscines non déclarées dans les Alpes-Maritimes dont est tirée cette photo:

Avec les périodes de sécheresse qu’on a connues, ces piscines privées sont très controversées. Et les propriétaires frappés au portefeuille : les fournisseurs d’eau potable, comme chez nous le SIAEP, commencent à pratiquer la tarification différenciée en fonction de la consommation ; jusqu’à 30 m3, c’est l’eau vitale au prix le plus bas, entre 31 et 120 m3, l’eau essentielle ou utile est un peu plus chère, au-delà de 200 m3, l’eau de confort  est encore plus chère.

Une anecdote à ce sujet : il y a quelques années, des nouveaux arrivants ont acheté une maison dotée d’une piscine dont ils ont immédiatement demandé la démolition (autorisation d’urbanisme!) pour bénéficier d’un bout de jardin. Des précurseurs?

2 réflexions au sujet de « Charmes et plaisirs de l’eau (Histoires d’eaux 5) »

Les commentaires sont fermés.