Pêche et poissons (Histoires d’eaux 9)

Histoires d’eaux 9ème. Avec Histoires d’eaux 1, c’était l’eau des puits et des fontaines de village, des puits publics en ville, de l’eau des lavoirs, de l’eau des marais et des prés mouillés. Puis, partant du changement radical des années 50, j’ai évoqué, avec L’eau à la maison, histoires d’eaux 2, les premières réponses pour amener l’eau à la maison : pompes à béliers, électropompes, réseaux de village. Le 3ème épisode retraçait la construction des réseaux d’eau potable et de tout-à-l’égout dans la ville (Le service d’eau Histoires d’eaux 3). Le 4ème article L’eau désirée, l’eau rejetée (Histoires d’eaux 4) soulignait à la fois la peur de l’eau dont on se débarrasse au plus vite et le désir de l’eau. Les charmes et plaisirs de l’eau (5ème volet) se sont matérialisés dans la mode, aujourd’hui passée, des étangs, lacs et plans d’eau (Histoires d’eaux 6) avec un focus sur l’Étang de Célac, car, paraît-il, il faut sauver l’étang de Célac.Un étang qui existe depuis très longtemps, mais il était bien plus petit, juste à la taille pour alimenter un des moulins qui jalonnent notre territoire et que j’ai évoqués dans la 8ème Histoire d’eaux, de l’eau à nos moulins. Voici le dernier (?) volet de la série : Pêche et poissons.

La Truite Questembergeoise
La Truite Questembergeoise est une association plus que centenaire : elle a été fondée en mars 1914. La pêche est un loisir populaire, même si à parcourir les listes des présidents et administrateurs on se rend compte que les praticiens étaient plutôt de la ville. A la campagne, ils étaient probablement plus souvent braconniers que pêcheurs encartés. Comme le nom l’indique, les sociétaires étaient d’abord des amateurs de truite, évidemment de truites sauvages, de truites fario. Face au risque de pénurie, ils pratiquaient l’alevinage en se fournissant auprès de la fédération départementale.

Dans l’Ouest Républicain 1934

Sur cette coupure de l’Ouest Républicain 1934 (merci à JP Guillement), on voit que les administrateurs sont des notables de la ville.
L’article signale un achat supplémentaire d’alevins auprès de la Fédération. Cette année-là, Georges Dano, coiffeur, et Constant Pol Guillement, bourrelier, (grand -père de JP Guillement) avaient été délégués pour participer à l’Assemblée générale de la fédération des sociétés de pêche.

Si la truite était le poisson noble, les pêcheurs, moins regardants que le héron du bon La Fontaine, ne dédaignaient pas les anguilles, les gardons et goujons. Ils tâchaient d’entretenir de bonnes relations avec les propriétaires des parcelles au bord des ruisseaux, en signant des « baux de pêche. » Non contents d’acheter aux professionnels des alevins, la société s’est même dotée dans les années 70 d’une écloserie équipée de boîtes Vibert. Ces mêmes boîtes Vibert étaient aussi installées dans des gravières, des sites naturels de ponte pour les truites.

Les boîtes Vibert, du nom de l’inventeur, Richard Vibert, sont des petites cages en plastique biodégradable, qui renferment chacune un millier d’œufs de truites farios (à l’origine, elles étaient en bois). Ces boîtes doivent être positionnées sur des portions favorables à l’éclosion des alevins, début janvier.


L’entretien des ruisseaux
La Truite Questembergeoise est une AAPPMA (une association agréée pour la pêche et l’entretien des milieux aquatiques) : c’est pourquoi les pêcheurs assurent eux-mêmes l’entretien des cours d’eau de leur domaine piscicole .
L’association organise régulièrement des chantiers collectifs. Mais il est vrai que le territoire est vaste et que tout ne peut se faire en même temps.

Le périmètre de l’APPMA la Truite Questembergeoise

La gestion patrimoniale
Alevinage, boites Vibert, entretien des cours d’eaux, tout cela ne suffisait pas pour satisfaire tous les pêcheurs : la société achetait aussi des poissons d’élevage (des truites arc-en-ciel) comme les chasseurs repeuplaient leurs territoires en faisans et perdrix élevés en volières. Bon, quelquefois, une partie des poissons finissait dans les étangs privés de quelques pontes de l’association, mais c’était rare, me dit-on, surtout après l’intervention de jeunes adhérents plus soucieux du bien collectif. Peu à peu, cependant, la société de pêche s’est orientée vers une gestion patrimoniale : il s’agissait de renoncer aux déversements de poissons adultes et de favoriser le repeuplement naturel des cours d’eaux. Ainsi des ruisseaux pépinières ont été mis en réserve, la taille minimale fixée à 23 cm permet d’éviter de pêcher des juvéniles qui ne se sont pas encore reproduites, le nombre de prises a été limité à 6 par jour. La pratique du no kill (on relâche les poissons pêchés) s’est même développée localement. Mais les habitudes ont parfois la vie dure. Les contraintes liées à cette gestion patrimoniale ne sont pas sans provoquer des tensions au sein de l’association.

Et les étangs?
Comme on le voit sur la carte, le domaine piscicole de la Truite Questembergeoise comporte trois étangs. Mon petit doigt m’a dit que jusqu’à récemment une bonne partie du conseil de l’association était plutôt favorable à la renaturation du Tohon autour de Célac. Mais plusieurs membres du CA ont plié leurs gaules devant l’animosité des partisans du statu-quo.

La Truite sur la toile
On trouve des informations sur l’association avec 2 sites internet. Le plus récent remonte à 2019 et un plus ancien. Ils ne sont pas mis à jour, mais le périmètre, les parcours de pêche n’ont pas changé. On y voit que les techniques ont aussi évolué : de la pêche la plus simple (une canne, un fil, un hameçon avec un ver ou une sauterelle) au lancer (avec un vif ou un leurre artificiel) et même à la mouche puisque quelques parcours sont bien adaptés.

Des passionnés
Pêcheurs de truite pour la plupart, les sociétaires de l’AAPPMA de Questembert le sont évidemment, même si certains se laissent tenter par des activités plus sédentaires : un siège, une canne, un bouchon qui flotte, des appâts, et on attend. Ce n’est pas taquiner le goujon qui n’aime que les eaux très pures, mais espérer qu’une tanche, une brême ou une perche soleil se laissera attraper. Rien à voir avec l’approche délicate de la truite sauvage, au coin d’un herbier, près d’une souche. Le pêcheur connaît les coins, il sait qu’il a manqué une belle prise et qu’il faut qu’il y revienne. Il sait aussi l’influence du temps qu’il fait, de l’orage qui vient et qui va affoler la truite cachée dans sa roumière (cachette!). Un fin pêcheur des années 50 avait même rédigé un petit cahier décrivant l’influence de la lune sur le poisson !

L’auteur était plus connu comme pâtissier que comme directeur de Laboratoire de Pisciculture. Le document est une véritable pépite. A lire ci-dessous.

Une réflexion sur « Pêche et poissons (Histoires d’eaux 9) »

  1. Sur l’alevinage
    Selon deux documents repérés par Jean-Pol Guillement, l’alevinage, ou plus précisément, la production d’alevins, a commencé bien plus tôt : dans une coupure de presse de 1936, il est question d’une subvention du Conseil Général pour le laboratoire d’alevinage de la Société de pêche de Questembert, un laboratoire dont L. Méal pouvait se prétendre Directeur. Une photo montre aussi trois pêcheurs avec un baquet d’alevinage
    À voir sur le site de JP Guillement Images de Questembert

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