Histoires d’eaux 8ème. Avec Histoires d’eaux 1, c’était l’eau des puits et des fontaines de village, des puits publics en ville, de l’eau des lavoirs, de l’eau des marais et des prés mouillés. Puis, partant du changement radical des années 50, j’ai évoqué, avec L’eau à la maison, histoires d’eaux 2, les premières réponses pour amener l’eau à la maison : pompes à béliers, électropompes, réseaux de village. Le 3ème épisode retraçait la construction des réseaux d’eau potable et de tout-à-l’égout dans la ville (Le service d’eau Histoires d’eaux 3). Le 4ème article L’eau désirée, l’eau rejetée (Histoires d’eaux 4) soulignait à la fois la peur de l’eau dont on se débarrasse au plus vite et le désir de l’eau. Les charmes et plaisirs de l’eau (5ème volet) se sont matérialisés dans la mode, aujourd’hui passée, des étangs, lacs et plans d’eau (Histoires d’eaux 6) avec un focus sur l’Étang de Célac, car, paraît-il, il faut sauver l’étang de Célac. Avant un prochain article sur la pêche et les poissons, posons un regard sur l’usage de l’eau pour les moulins. Car le projet de restauration de la continuité écologique du Tohon/St-Éloi nous invite à nous y pencher.
Un moulin par kilomètre
Oui, un moulin par kilomètre, c’est à peu près le ratio pour nos rivières et ruisseaux. Sur le bassin du Tohon-Saint Eloi, le moulin de Célac est le premier de notre commune, mais en amont, il y a eu celui de Trégu (La Vraie-Croix). Puis en aval, le moulin Glaud (ou Glô, ou Guillo), le moulin de Tohon, et, à la limite de Noyal-Muzillac, le moulin de Carné. Sur le ruisseau de Kervily, le moulin de Keredren (près de la Grée Tréhulo) et un peu en aval, le moulin à foulons. Puis, à la limite de Berric et Questembert, le moulin de Cohignac. A l’Est, sur un ruisseau qui rejoint le bassin du Trévelo, le moulin du Fovan puis le moulin de Coetbihan. Au Nord, sur un petit affluent de l’Arz, le moulin de Lançay.
Des moulins à eau, couplés avec des moulins à vent
Aujourd’hui, il reste quelques moulins à vent : deux au Calvaire (impasse des deux moulins), un à Coëtbihan, un dernier au Petit Molac (la Beurne)
Le cadastre napoléonien (1825), accessible ici sur internet, en signalent plusieurs autres, dont il ne reste, dans certains cas, pas de traces. Les deux moulins du Calvaire sont liés à Tohon et Célac; la section I, 1ère feuille, montre deux moulins Glaud, l’un sur la rivière, et l’autre sur la butte entre le Grand Morin et Toulan; le moulin Glaud que nous connaissons est nommé moulin du Herbon, sur la planche d’assemblage. Mais il y a aussi un moulin à Quily, lié au Fovan, un moulin de Kerjuhel, rattaché au moulin de Lançay. Et à Coëtbihan, seul le moulin à vent est indiqué sur la carte de 1825.
Des moulins à farine, mais pas seulement
Pour la plupart, ces moulins servaient à la production de farine à partir du froment, du seigle et du blé noir produits localement. Mais quelques uns étaient liés à la tannerie (moulin à tan) ou au traitement des tissus (moulin à foulon de Keredren). Ceux-là ne sont que de lointains souvenirs. Les moulins à farine se sont maintenus jusqu’au milieu du siècle dernier. Celui de Lançay a cependant fonctionné jusqu’en 1991, mais ne broyait plus que du gaboret (ou gaboreau) [gabɔʁjɔw], mouture d’avoine, d’orge, de seigle ou de sarrasin pour l’alimentation des animaux.
Le moulin de Lançay a été rénové par Henri Guilbaud et Marie Simonnot qui l’avaient racheté en 1997. Ils l’ont restauré de façon remarquable et en ont fait un site patrimonial de premier plan. Voir cet article du Parisien pour les journées du patrimoine 2023. Henri Guilbaud a retracé cette belle aventure dans son ouvrage Le moulin de Lançay publié en 2022.
Dans le livre Questembert, au coeur du Haut-Vannetais, Bleiguen (Edmond Marquer) consacre quelques pages aux meuniers et aux moulins (p. 256 et suiv). Le livre a été réédité par la commune en 1990 et il en reste quelques exemplaires.
Étangs, biefs, et droit d’eau
En période d’étiage, les moulins à vent prenaient le relais… quand le vent soufflait ! Pour assurer au mieux le fonctionnement du moulin à eau, le meunier, titulaire d’un droit d’eau, disposait d’une retenue en amont, une retenue de si petite taille qu’elle n’apparaît pas sur les cartes anciennes, et les photos en noir et blanc de l’étang de Célac montre une surface plutôt réduite, rien à voir avec celui qui a été creusé dans les années 70. A l’exception du moulin de Lançay, tous les autres moulins du territoire ont perdu leur fonction première. Certains sont devenus des résidences principales ou secondaires. Avec parfois des retenues recreusées et agrandies en plans d’eau de loisirs. Avec les conséquences qu’on connaît : envasement, développement d’algues bleues pendant les étés. On le constate aussi bien à Célac que sur l’étang du Moulin Neuf.
Pour le moulin Glaud, les propriétaires et la collectivité Eaux et Vilaine ont fait le choix de renaturer le site, conformément aux prescriptions de l’agence de l’eau. Rien de punitif là-dedans, mais un travail méthodique qui redonne à la rivière sa vitalité. Le 11 avril 2023, afin de sensibiliser les acteurs locaux aux enjeux de la qualité de l’eau, Eaux & Vilaine avait organisé une visite du site du Moulin Glaud, pour présenter les travaux réalisés sur cette portion du Saint-Eloi. Voir ici l’article d’Ouest-France.
Ci-dessous le dossier de consultation du public pour les travaux du Moulin Glaud
Tout cela n’a évidemment pas d’autre but que d’amener du grain à moudre pour la réflexion commune.
Un grand merci Paul pour ce descriptif des moulins fort intéressant.