Chiffres du chômage, les bons ou les moins bons

Je viens de lire sur la toile un article sur la situation économique de notre petite ville. Avec des propositions qui méritent sans doute d’être regardées de près, même si certaines relèvent du vœu pieux, même si d’autres sont plutôt irréalisables. N’étant pas en responsabilité, je me garderai d’intervenir dans ce débat : nos nouveaux élus prennent les manettes la semaine prochaine, ils auront à cœur de prendre les bonnes décisions. Mais prendre les bonnes décisions suppose de s’appuyer sur les réalités vérifiées. Alors quand je lis que le taux de chômage à Questembert est de 11,9 %, je sursaute, car le chiffre que j’ai en tête est plutôt entre 7 et 8 %. Et je cherche à comprendre.

Les chiffres du chômage communément utilisés

Voilà ce qui est écrit sur le site : « En 15 ans, le taux de chômage à Questembert est passé de 7,7% à 11,9% (source Insee), ce qui nous situe au-dessus de la moyenne nationale. »

Au-dessus de la moyenne nationale ? Vous pensez comme moi sans doute que la moyenne nationale est aux alentours de 8 %; c’est d’ailleurs le chiffre que donne l’INSEE dans ses Informations rapides n°36 du 13 février 2020

Effrayant, n’est-ce pas ? Nous serions très largement au-dessus de la moyenne nationale : presque 12 % contre 8 % !

En 15 ans? de 2005 à 2020 ? J’ai encore fait quelques recherches sur la toile, d’abord en allant sur le site de l’INSEE où j’ai trouvé cet article qui décrit le chômage au niveau national dans un tableau par sexe et par âge de 1980 à 2015. Un article qui donne un taux de 10% en 2015.

Taux de chômage en 2015
Taux : 10% en 2015

Puis j’ai trouvé ceci sur le site ville-data.com : Le chômage à Questembert.

Copie d'écran ville-data.com, chômage à Questembert
sur le site ville-data.com

Mais à chaque fois, les chiffres ont peu de choses à voir avec les 11,9 % évoqués plus haut. Qui sont donnés comme provenant de l’INSEE.

J’ai fini par trouver ceci sur le journal du net : le taux de chômage à Questembert.

Graphique Tx de chômage à Qt,"au sens du recensement"
Sur le journal du net

Voilà donc la « source INSEE ». En 2006, taux de chômage à Questembert, 7,7 %, contre 8,9 % au niveau national ; et en 2016, 11,9 % à Questembert contre 11 % en France.

Mais pourquoi donner ces chiffres si différents de ceux qu’on trouve habituellement comme dans cet article d’Ouest-France du 16 janvier 2020 Bretagne, les bons chiffres de l’économie et de l’emploi ?

Ou encore les chiffres officiels de la DIRECCTE (Ministère du Travail) sur le taux de chômage en Bretagne?

J’ai fini par trouver : sur le site de l’INSEE, dans l’outil Comparateur de territoire, où l’on voit ce tableau :

Taux de chômage à Questembert, comparateur de territoires insee
Chômage au sens du recensement

Il s’agit des chiffres du chômage au sens du recensement. Ah bon ? C’est quoi ?

Les chômeurs au sens du recensement de la population sont les personnes (de 15 ans ou plus) qui se sont déclarées chômeurs (inscrits ou non à Pôle Emploi) sauf si elles ont, en outre, déclaré explicitement ne pas rechercher de travail ; et d’autre part les personnes (âgées de 15 ans ou plus) qui ne se sont déclarées spontanément ni en emploi, ni en chômage, mais qui ont néanmoins déclaré rechercher un emploi. Remarque Un chômeur au sens du recensement n’est pas forcément un chômeur au sens du BIT (et inversement).

Définition sur le site de l’INSEE

Ce ne sont pas ceux du BIT (Bureau International du Travail) qui servent de base aux comparaisons dans le temps et dans l’espace. Et d’ailleurs si on prend ce que l’INSEE appelle le Dossier complet de la commune de Questembert, on trouve un autre tableau:

Le tableau "population active, emploi et chômage" Dossier complet Questembert
Tableau Dossier Complet Questembert INSEE

Pourquoi avoir choisi ces chiffres ?

Bien sûr, ces chiffres ne sont pas faux, heureusement ! Mais comme ce ne sont pas les chiffres qu’on utilise habituellement pour parler chômage et emploi, on est en droit de se demander pourquoi ils ont été retenus. Tout ne va pas pour le mieux à Questembert, mais il n’y a pas non plus de raison pour jouer avec les peurs et le déclinisme.

Majorité et opposition au conseil municipal

Le nouveau conseil municipal sera installé lundi 25 : Boris Lemaire et son équipe vont se retrouver à la tête de notre commune. C’est le moment de se rappeler le slogan de leur campagne : Construisons ensemble notre territoire. La volonté de travailler collectivement se traduira aussi dans le fonctionnement du conseil municipal, j’en suis persuadé, et cela se verra aussi dans la relation avec les 4 représentants de la liste de Mme Danilo et les 2 élus de la liste de M Poeydemenge. Car, s’il y a des divergences de vues, en démocratie, nos adversaires ne sont pas nos ennemis.

Donner toute sa place aux élus de l’opposition

Le système électoral accorde une majorité solide à la liste qui a remporté l’élection, ce qui lui permet de mettre en œuvre son projet, son programme, mais cette majorité – même approuvée par 57 % des électeurs – ne peut pas, ne doit pas considérer comme quantité négligeable les autres élus qui représentent 43 % des votants (26 % et 17%). La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité, écrivait Albert Camus en 1951.

Le nouveau conseil va sûrement constituer des groupes de travail, commissions, comités consultatifs, etc. Il importe que ces groupes couvrent la plupart des aspects de la vie municipale et que les minoritaires y soient représentés. Évidemment, si les comités sont ouverts aux citoyens non élus, il faudra qu’ils soient divers et représentatifs le plus largement possible. Et même on peut tout à fait imaginer que des élus de l’opposition soient invités à prendre en charge le pilotage de certains sujets, comme dans le mandat 2008-2014, G. de Kerangat avait conduit la réflexion sur la restauration de l’Hostellerie Le Guennego.

Ce sont là des évidences, mais je peux rappeler que, dans le mandat qui s’achève, nos élus ont été éjectés sans ménagement de l’OMS et de l’Office de la Culture et des Loisirs ! Gérard Launay en parlait le jour de sa démission du conseil (Gérard Launay quitte le conseil municipal à lire ici).

Si commissions et groupes de travail sont nécessaires, il ne faut pas oublier que les séances du conseil municipal – malgré leur aspect rituel – sont des moments clés de la vie démocratique de la commune. Raison de plus pour revenir à des réunions mensuelles, avec des questions plus ouvertes, sans se contenter des délibérations formellement nécessaires. Sinon, ça donne des réunions pour pas grand chose, comme ici. Là encore, la parole des élus minoritaires doit être entendue et respectée ! C’est la responsabilité du maire qui assure la police des débats de permettre l’expression des opposants sans qu’ils soient interrompus par des quolibets. Il est vrai que Mme Martin elle-même n’a pas toujours donné le bon exemple. Lire ici la chronique de Maxime Picard Dur d’être une opposition constructive.

Etre un bon opposant, l’honneur de la vie démocratique

Je n’ai pas de doute que Boris Lemaire saura respecter les élus minoritaires. Mais la fonction d’élu d’opposition comporte aussi des exigences. Et d’abord de se dire que l’échec, s’il advient, du projet municipal sera aussi un échec pour la commune, et, tout adversaire qu’on soit de ce projet, on ne peut pas souhaiter l’échec de sa commune.

Ayant vécu cette expérience d’élu d’opposition (entre 92 et 95 – c’est loin ! – et de 2014 à 2019), je m’étais donné une ligne de conduite et je m’y suis tenu. Oui, être opposant, c’est défendre pied à pied ses positions – par exemple sur les Festives Halles, sur la fermeture du https://www.questembert-creative-solidaire.org/Finances-fin-du-camping-nouvelle,1404.htmlcamping – mais c’est aussi se tenir éloigné du dénigrement systématique et de la démagogie. Je m’en suis expliqué dans cet article de Questembert Créative et Solidaire : Après la défaite, être élu d’opposition.

Un bon moyen de résister à ces facilités est de s’informer et de se former. Je me permets de rapporter une anecdote : au début du mandat de 2008, j’avais proposé à tous les élus de participer à une formation sur la Communauté de communes, formation proposée par l’ARIC, association pluraliste d’élus, et un seul des élus d’opposition avait cru bon d’y participer. A la fin de la journée, il s’approche de moi et me dit : « Mes collègues auraient bien fait de venir, ils auraient appris des choses et cela éviterait de dire des c… ries. »

La formation et l’information permettent de construire un socle de connaissances communes : après, chacun défend son point de vue, ses options, mais sur des réalités partagées.

Le maire et la municipalité sont tenus de communiquer les informations à tous les élus, et d’ailleurs, la plupart des données sont aussi accessibles à tous les citoyens. Un bon citoyen aussi doit être informé ! (Cela évite les affirmations péremptoires et infondées qu’on entend au comptoir des bistrots ou qu’on trouve sur les réseaux sociaux!)

Une lecture pour aller plus loin

L’article du Courrier des maires date un peu (2012), mais il reste toujours utile à consulter pour bien comprendre le rôle de l’élu minoritaire.

Questembert, désert médical? Non!

Le titre de l’article publié par Ouest-France est au moins malheureux, sinon malhonnête. En tout cas, il a énervé plus d’un Questembert, et plus particulièrement les professionnels de santé… et leurs patients.

Copie de l’article publié page 8 le 12 mai

Un nouveau service, oui

C’est une excellente nouvelle pour Questembert et les communes alentour de voir s’installer cette orthoptiste, qui va pouvoir réaliser les examens « classiques » : bilan de vision, fond d’oeil, tension oculaire, etc. Les résultats transmis permettent au médecin spécialiste soit de préparer une ordonnance soit d’inviter le patient à un rendez-vous.

Qui arrive dans un désert médical? Pas si vite

D’abord, si on consulte les pages jaunes, on constate qu’un ophtalmologue, le Dr Delhay, a ouvert un cabinet annexe au 1, rue Alain le Grand. Le désert commencerait-il à se peupler? Non, Questembert est loin d’être un désert médical et notre commune est plutôt bien dotée : sous l’impulsion de notre municipalité, les professionnels de santé se sont regroupés, dès 2012, dans l’association ASTEQ, une organisation pluridisciplinaire de professionnels volontaires pour coordonner les soins sur un bassin de vie.

Le pôle de santé de l’Espace Victor Ségalen

L’association, présidée par le Dr JF Vinatier, a réalisé, sur les terrains rue du Pont-à-Tan rétrocédés par la mairie, le pôle de santé Espace Victor Ségalen qui regroupe dans un premier bâtiment, des médecins généralistes, des cabinets infirmiers, orthophonistes, kinésithérapeutes, psychologues, etc. Un deuxième bâtiment est dédié au laboratoire d’analyses biologiques du Dr Le Run. Cet ensemble a ouvert ses portes en mai 2017…

Un nouveau bâtiment est prévu

L’opération a été un vrai succès, et la société Lexham, qui l’a réalisée, vient d’acquérir sur le même site un terrain de 600 m² pour construire un autre bâtiment sur 2 étages. La vente a été approuvée par le conseil municipal lors de la séance du 2 décembre 2019. Ce troisième bâtiment est nécessaire pour accueillir de nouveaux professionnels de santé.

Une offre médicale satisfaisante

Six médecins généralistes sont installés dans l’Espace Ségalen, deux autres sont restés à l’écart du projet immobilier mais participent pleinement à la coordination grâce au système informatique.

La situation avait cependant été délicate en 2012 au départ en retraite de deux généralistes qui peinaient à trouver des remplaçants : les jeunes médecins veulent désormais travailler en groupe! Cette tension a été le point de départ de l’association.

Des médecins formateurs

Plusieurs généralistes étaient déjà engagés dans la formation des étudiants en médecine. Ils ont intensifiés leurs efforts et aujourd’hui tous accueillent des internes en stage : un bon moyen pour assurer leur formation de terrain, mais aussi pour les rassurer sur l’exercice de leur métier. Ils savent qu’ils ne seront pas seuls… perdus dans le désert.

Les professionnels de santé en réseau

Les plus actifs dans le lancement du projet ont été rejoints par la plupart des autres. A côté de ceux qui sont installés rue du Pont-à-Tan, il existe d’autres cabinets infirmiers, des kinésithérapeutes et d’autres professionnels de santé, sans oublier bien sûr les trois pharmacies de la commune.


Manque de spécialistes?

C’est vrai, il ne faut pas se voiler la face. Les cabinets dentaires peinent à répondre aux besoins des patients et les départs en retraite sont difficiles à remplacer. Mais nous avons depuis longtemps une orthodontiste installée, rue Alain le Grand. Outre les services d’ophtalmologie qui viennent de se créer, le Dr Buchler, rhumatologue, a ouvert son cabinet rue St-Michel.

Mais ce n’est pas facile d’attirer des spécialistes dans une commune rurale. Les ophtalmo souhaitent en plus des consultations pouvoir disposer d’un plateau technique pour des opérations, les gynéco veulent accompagner les femmes jusqu’à l’accouchement en maternité.

J’avais dès le début de mon premier mandat tenté d’attirer des spécialistes et il y avait un espoir dans une coopération avec la clinique des Augustines à Malestroit : le directeur aurait bien voulu recruter des spécialistes de gynécologie et d’ophtalmologie qui auraient partagé leur activité entre les consultations de ville à Questembert et les interventions programmées à la clinique. Mais le regroupement de la maternité et de la chirurgie à l’hôpital de Ploërmel a fait avorter le projet.

Des yeux bien ouverts pour voir la réalité

On comprend bien que la « chargée de développement de Téléophtalmo » ait survendu la nouveauté de l’offre du cabinet secondaire d’orthoptie. Mais que tout le monde se rassure : elle n’arrive pas dans le désert. Il est temps pour elle de se dessiller/déciller les yeux pour découvrir la réalité de Questembert.

Commémorer la victoire de 1945

Au lieu de grandes cérémonies rassemblant les autorités civiles et militaires, les anciens combattants, la commémoration de la capitulation de l’Allemagne nazie a été célébrée dans une sorte d’intimité en raison de la pandémie de COVID-19. C’était sûrement une sage décision, mais nous pouvons par contre prendre quelques instants pour célébrer le souvenir des vainqueurs et réfléchir à ce que cette date peut encore signifier 75 ans après.

La Une de Ouest-France le 8 mai 45

La victoire sur l’Allemagne nazie

Oui, il faut encore célébrer cet anniversaire car le temps qui passe menace de l’oubli aussi bien l’allégresse de la victoire que les atrocités de la barbarie nazie et le courage, l’abnégation des combattants pour la liberté, pour l’égalité, pour la fraternité. Pour les plus anciens, le 8 mai 1945 n’est au mieux qu’un souvenir d’enfance et, pour presque tous, ce n’est qu’une date de l’histoire, un peu plus proche, mais à peine que le 11 novembre 1918, ou le 14 juillet 1789. Mais nous savons bien que les souvenirs que nous gardons réarrangent les faits du passé, et, somme toute, la mémoire reconstruite par le travail des historiens est moins biaisée, moins faussée que les traces du passé dans nos cerveaux brouillés. Cependant, ces commémorations, celle du 8 mai, la journée de la déportation le dernier dimanche d’avril, la journée de l’Europe le 9 mai, celle qui rappelle l’abolition de l’esclavage le 10 mai ont un rôle majeur dans la construction de notre mémoire collective, dans le creuset de notre conscience citoyenne.

Il ne s’agit pas de banaliser le souvenir de la victoire de 1945, victoire de la liberté sur l’idéologie haineuse des nazis. Non, il faut seulement souligner l’unité profonde de ces commémorations. Qui ne perçoit le lien qui s’établit entre le souvenir de la déportation et celui de l’abolition de l’esclavage ? Qui ne voit qu’on ne peut célébrer la fondation de l’Europe sans penser à la réconciliation Franco-Allemande, rendue possible par la victoire de la démocratie sur la dictature fasciste ? Oui ces dates, chacune sous un angle particulier, nous rappellent les valeurs fondamentales de la République : la liberté, l’égalité, la fraternité.

Car ce régime qui cédait enfin sous la force des Alliés était l’exacte antithèse de nos valeurs. Que restait-il de la liberté dans un régime où l’individu était écrasé par l’idéologie totalitaire ? Que restait-il de l’aspiration à l’égalité dans une société fondée sur la théorie raciale ? Et la fraternité avait cédé le pas à la haine et au déchaînement de la violence.

Malheureusement, ces valeurs auxquelles nous nous référons, et qui font référence pour les peuples du monde, nous n’avons pas toujours su les mettre en pratique.

Image du CNDCH

Sétif, 8 mai 1945

Nos soldats, les Résistants, les Alliés, combattaient au nom de la démocratie, avec au coeur la devise de la République, Liberté, Egalité, Fraternité. Il est vrai que le monde, en tout cas l’Europe et particulièrement notre pays, n’avaient pas compris alors que ce mouvement d’émancipation né de la lutte contre les régimes totalitaires portait en germe la volonté de libération des peuples colonisés.

Ce même 8 mai 1945, à Sétif, en Algérie, des hommes et des femmes se levaient eux aussi au nom de ces valeurs pour réclamer leur dignité et la réponse a été une répression sanglante – on parle de 5 à 15 000 morts. L’Algérie se soulève, au nom des mêmes principes qui ont motivé la Résistance face à l’occupant nazi. Elle demande son indépendance, elle veut sa liberté, elle exige sa souveraineté. Elle veut célébrer la même victoire parce qu’elle y a largement contribué. En retour, elle signifie à la France qu’il ne peut y avoir une vérité en deçà et une autre au-delà de la Méditerranée.



Le 8 mai 1945, victoire sur le nazisme, fin de la guerre mondiale, début de la guerre d’Algérie. Faut-il aujourd’hui se repentir ? Ce n’est pas le sujet, mais cette face de l’histoire doit être connue et la mémoire entretenue. En espérant que viendra un jour le temps de la réconciliation où nous pourrons voir un Président de la République Française et un Président de la République Algérienne se donner la main devant un monument du souvenir comme Mitterrand et Kohl à Douaumont.

L’Europe à terre, l’Europe se relève

Des décombres des vieilles nations est née l’idée d’une Europe de la paix, fondée d’abord sur la réconciliation des deux nations qui se voyaient jusque là comme des ennemis héréditaires : l’image du chancelier allemand et du président français en a été un symbole puissant. Cette idée d’une Europe unie a connu des avancées et des reculades. Elle est aujourd’hui tiraillée par des forces centrifuges nationalistes et populistes. Et les tensions sont encore aggravées par la crise de la pandémie Covid-19.

Lors de la cérémonie de commémoration, à Berlin, le président FW Steinmeier a dit ; « Ce jour-là, nous avons été libérés. Aujourd’hui, nous devons nous libérer nous-mêmes. Nous libérer de la haine et du discours de haine, de la xénophobie et du mépris pour la démocratie. Car ce n’est là rien d’autre que le mal d’autrefois sous une forme nouvelle. » L’écrivain homme de théâtre Bertold Brecht le disait autrement dans une réplique de l’épilogue de La Résistible Ascension d’Arturo Ui : « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde. »

Oui le combat pour nos valeurs n’est jamais achevé et pour la défense de la dignité humaine la victoire n’est jamais définitive.

La nausée et les mains sales

Nous sommes, paraît-il, entrés dans l’ère de la post-vérité, ou, pour reprendre les mots de la porte parole de D. Trump, Kellyanne Conway, l’ère des vérités alternatives (à la 3ème minute de la vidéo). On s’amuse – mais ça fait peur aussi – d’entendre le président américain parler de fake-news dès que les uns ou les autres parlent de faits concrets avérés. Malheureusement, ça se passe aussi près de chez nous. Les réseaux « sociaux » sont la principale source de contamination de ces sottises. Et j’emploie le mot contamination parce que c’est le mot juste.

« Instit en Alsace » décédée du Covid-19 ? Un fake

Comme souvent, c’est un texte copié-collé et partagé sur FB et ailleurs qui annonce la mort d’une institutrice en charge d’enfants de soignants suite à une infection au Covid-19 en Alsace. La fausse nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre ? Non, bien pire, comme une pandémie non maîtrisée ! A lire ici sur le site de France Inter, dont je reprends l’illustration.

Le fake diffusé sur FB

Ceci n’est qu’un exemple parmi d’autres. Et la multiplication des fausses nouvelles est un des traits les plus remarquables des époques de crise intense. Sans remonter à la Grande Peur de l’été 1789, ni même aux « canards » de la guerre de 14, qui ont fait éclore notre Canard enchaîné, il est facile de trouver des bobards diffusés pendant chaque période de tension. L’épisode des Gilets jaunes en a produit une belle collection. Pas étonnant donc que la pandémie de Covid-19 soit fertile en fausses nouvelles.

Les « canards » étaient des feuilles vendues à la criée dans les rues de Paris, décrivant des faits divers imaginaires. Ces « canards » constituent une version ancienne des « fake news ». Au 19e siècle, les Etats-Unis voient fleurir les exemples de « hoax », canular dont le but est de faire vendre du papier.

Ceux qui savent, ceux à qui on ne la fait pas

La parole officielle, parole des experts, parole des politiques, a été dévaluée par la défiance envers les élites. Car le peuple, lui, est censé détenir la vérité contre les mensonges relayés par les média mainstream, à la botte de l’oligarchie !

Il faut donc trouver des informations cachées, révéler les secrets ! Pensez à la valeur que gagne celui qui sait, celui qui détient la clé du secret. On a ainsi vu fleurir les sites de réinformation, d’information alternative. Tant qu’il fallait se procurer des livres papier publiés par des éditeurs confidentiels, le coût limitait la diffusion de ces informations dont l’origine était, par exemple, un « chercheur indépendant » d’une université australienne. Mais la généralisation d’internet et ensuite de ce qu’on a appelé les « réseaux sociaux » donne à ces fake news une très grande diffusion. On parle d’ailleurs d’un message « viral », ce qui est tout à fait approprié aujourd’hui.

Celui qui sait, qui a découvert la vérité cachée, et qui révèle le secret s’attribue ainsi une valeur aux yeux de ceux qui ne savent pas, ceux qui sont confinés dans l’ignorance ou leur aveuglement. Car lui ne s’est pas laissé berner par ce que disent les média mainstream, les journaux, les radios, les télés, simples instruments de la propagande officielle. A lui, on ne la fait pas !

Pourquoi ça marche ? le biais de confirmation

Outre cette valeur ajoutée du secret dévoilé, ceux qui relaient, ceux qui « partagent » sur leur « statut » vont choisir les infos qui viennent plutôt confirmer leur idée sur le sujet. Selon le principe bien connu  énoncé par Pierre Dac et repris par Coluche : Quand on voit ce qu’on voit, qu’on entend ce qu’on entent, que l’on sait ce qu’on sait, on a bien raison de penser ce qu’on pense. En termes plus savants, les sociologues parlent de biais de confirmation. Mais c’est bien la même chose !

Ainsi, le supporter des Républicains relaiera sans sourciller tous les points de vue proches de ce parti, le macroniste pur sucre ne supportera pas la moindre critique de son héros, l’insoumis trouvera toutes les grâces à JL Mélenchon et à Raquel Garrido, le gilet jaune considérera toute éructation de Fly Rider comme la synthèse définitive de la pensée de Robespierre. Mais tout le monde sait bien que les réseaux sociaux sont d’abord des réseaux d’affinités, où règnent l’entre-soi, et trop souvent, la détestation des autres !

(Des outils pour réfléchir)

Comment se défendre alors ? En adoptant des « gestes barrières », c’est-à-dire en se posant les bonnes questions.

OK Boomer ? Qui parle ?

Ok Boomer, c’est la réponse dédaigneuse des plus jeunes pour disqualifier la parole des papy-boomers – dont je suis – incapables de s’adapter à la modernité, enfermés dans leurs préjugés. Je pourrais leur répondre avec les mots de Brassens : « le temps ne fait rien à l’affaire ». Mais plus sérieusement, l’interpellation pose une question pertinente : qui es-tu pour parler ?

Sammy Newman

Quand nous parlons, nous exprimons bien sûr notre pensée – enfin pas les menteurs ! – mais cette pensée, que nous croyons personnelle, est le produit de ce que nous sommes : âge, sexe, position sociale, éducation, histoire de vie, place institutionnelle, etc.

La technique de la citation – vraie ou fausse – permet de donner de l’autorité à l’opinion mise en avant. Ainsi : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. » Qui mieux que Voltaire pour parler de la liberté d’opinion, même quand la citation attribuée n’apparaît dans aucune œuvre du philosophe, comme on voit dans l’analyse donnée dans dicocitations – Le Monde.

Hanna Arendt, Aldous Huxley, et bien sûr George Orwell sont parmi les plus sollicités. Sans oublier Coluche. Prenons le temps de vérifier la validité de la citation.

Évaluer la source

Il faut aussi évaluer le médium, l’organe de presse, le site internet. Comptez-vous sur France Dimanche, Closer, ou Gala pour vous informer de la conduite des affaires publiques ? Pensez-vous qu’on puisse se fier à TPMP pour les comprendre ?

La développement des pure-players, des sites d’information qui n’existent que sur la toile, a vu fleurir le pire et le meilleur. On sait que Médiapart est très partisan, mais les informations qu’il met en ligne sont vérifiées. Ce n’est pas le cas de bien d’autres sites. D’ailleurs, les grands journaux ont mis en place des outils de vérification :

Le web nous donne accès aux sites d’info du monde entier et il est plus difficile de les évaluer. Cependant, je suis surpris que certains se plaignent de la presse française – assimilée à des organes de propagande – et fassent référence aux Russes de RT (Russia Today) ou de l’agence de presse Sputniknews.

Je suis surpris aussi de voir des gens qui se réclament globalement de la gauche, parfois même de la gauche extrême, qui affirment rejeter tout ce qui, de près ou de loin, se rapprocherait du parti de Mme Le Pen, relayer, sans s’en rendre compte ?, des sites de ce qu’on appelle la fachosphère, (on en parle même dans Valeurs Actuelles!). Et parfois, ils se laissent abuser par des titres en référence à la révolution (permanente), au grand soir, à la Résistance (Républicaine), à Voltaire.

On remarque aussi que les mêmes qui font remarquer à juste titre le poids des grands financiers dans la presse française ne s’inquiètent pas du financement de certains média… soutenus par la Russie de Poutine.

De généreux donateurs… polonais

Un exemple, un site qui fait référence à la France Libre avec comme logo une Tour Eiffel tricolore! Sous le titre Qui sommes-nous ? le site explique :

Quant au financement de notre site, nous avons trouvé sur notre chemin des amis de la liberté et de la civilisation occidentale qui soutiennent notre initiative, car ils partagent avec nous les mêmes valeurs et le même attachement à la liberté. Séduits par notre projet, ils ont décidé de nous aider pour le lancement de notre site, en apportant la seule et unique chose qui nous faisait défaut: les capitaux.
Nos investisseurs étant pour la plupart polonais, notre société est de droit polonais, dûment enregistrée au Registre de Commerce et des Sociétés à Varsovie.

Sans parler d’autres sites, qui se donnent comme grands défenseurs de la nation et sont hébergés à l’étranger pour échapper au droit de la presse tel qu’il s’applique en France. C’est à lire ici dans cet article du Monde : La « fachosphère » s’expatrie pour échapper à la justice.

La Nausée et les Mains sales, disait Pierre Desproges

Le regretté Pierre Desproges nous avait mis en garde contre les publications sujettes à caution : « Vous lisez Minute ? Non ? Vous avez tort, c’est intéressant. Au lieu de vous emmerder à lire tout Sartre, vous achetez un exemplaire de Minute, pour moins de dix balles, vous avez à la fois La Nausée et les mains sales. »



Les maires au temps du coronavirus

Chaque jour ou presque, la presse locale nous montre l’action des maires face à la crise du coronavirus : ils/elles assument leur rôle de tout leur cœur. D’abord, parce qu’ils doivent assurer la continuité du service public, mais aussi parce qu’ils sont au plus près des attentes et des besoins de nos concitoyens, surtout des personnes isolées et fragiles.

En première ligne

En ces temps de défiance généralisée envers les « politiques » les maires sont les élus à qui les citoyens accordent encore une forte crédibilité. Comme on l’a vu de façon très nette aux élections du 15 mars : beaucoup de communes avec une seule liste – ce qu’on peut regretter – et lorsqu’il y avait plusieurs listes, les sortants ont souvent été réélus haut la main. Il y a bien sûr des exceptions.

Assurer la continuité des services publics, c’est d’abord répondre aux obligations de base pour l’Etat-civil, mais aussi maintenir la propreté de la ville, faire respecter les règles de confinement définies par le gouvernement et précisées par les arrêtés préfectoraux. Dans une période difficile comme celle-ci, les services sociaux sont en veille maximum : il faut éviter que le confinement nécessaire ne soit pas aggravé par l’isolement des personnes les plus fragiles: CCAS, services d’aide à domicile, mobilisation du voisinage (des voisins bienveillants, plutôt que des voisins vigilants!)

Les élus sont aussi attentifs aux effets économiques de la crise : soutien aux entreprises locales et spécialement aux petits commerces. Beaucoup ont sollicité avec insistance le préfet pour obtenir la réouverture des marchés de proximité. Ils se préparent aujourd’hui à la réouverture des écoles, après le 11 mai, début promis du déconfinement. Et ce ne sera pas simple.

Certains en font trop ?

Il est important que l’action des élus soit rendue visible aux habitants, à travers la presse, les réseaux sociaux, enfin les moyens de communication habituels. A Morlaix, par exemple, la maire s’adresse aux habitants presque une fois par semaine en vidéo, et la page FB de la ville de Morlaix est mise à jour très régulièrement. Il faut aussi que les élus soient présents sur le terrain. Comme le dit Gaëlle Berthevas, maire de St-Abraham, dans la lettre de l’ARIC : ce qui est essentiel c’est de « maintenir le contact, garder le lien, « être là » et savoir qu’ils peuvent compter sur nous et appeler à tout moment. »

Sans doute peut-on avoir l’impression que certains en font trop. Comme Lariflette, autrefois, dans Ouest-France, ils sont tous les jours dans le journal. Mais n’est-ce pas mieux que d’être presque aux abonnés absents ?

Les employés qui assurent

Les élus passent le message et c’est bien, mais derrière leur communication, il y a le travail dans l’ombre des employés communaux ou intercommunaux. Eh oui, des fonctionnaires ! Totalement engagés dans le service public. Et, somme toute, c’est justice qu’ils soient mis au premier plan de la communication. Comme dans cette interview du responsable du CCAS de Questembert aux Infos du Pays Gallo.

Fédérer les bonnes volontés: des exemples pour s’inspirer

Faire face à la crise, c’est mobiliser les ressources qui sont à disposition, ressources matérielles et ressources humaines. Mais les élus en responsabilité doivent aussi fédérer les bonnes volontés. Comme par exemple, en Ille-et-Vilaine, l’initiative emmenée par Marie-Pierre Vedrenne, députée européenne, pour relayer les solidarités citoyennes.

Ou bien encore, à Nantes, la maire Johanna Rolland, pourtant touchée elle-même, a fait le pari du rassemblement en proposant aux responsables des listes concurrentes de coopérer dans la réponse aux multiples problèmes que pose la pandémie.

En un combat douteux

Le titre de mon blog annonce « un regard citoyen » ; et voilà près d’un mois que je n’ai rien publié. Et pourtant, je rumine plusieurs sujets : le rôle des élus face à l’épidémie, les fake news fausses informations relayées massivement, et d’abord la quasi impossibilité d’une réflexion sereine. Car nous avons désormais pas loin de 60 millions de spécialistes d’infectiologie, de stratégie sanitaire, et de prospective sur le passé.

Cygnes noirs, merles blancs

Ils n’ont rien prévu ! Et pourtant tout le monde savait. La catastrophe était prévisible. En tout cas, c’est ce qu’on entend tous les jours ces temps-ci. Mais connaissez-vous l’histoire des cygnes noirs ? Tant qu’on n’a pas découvert, fin XVIIème siècle, des cygnes noirs en Australie, il est admis que tous les cygnes sont blancs. L’expression très ancienne, comme le merle blanc chez nous, est reprise dans un livre de Nassim Nicholas Taleb publié en 2007 consacré aux crises financières. Le cygne noir désigne un événement à trois caractéristiques :

  • Il est absolument imprévisible, complètement improbable, hors de toute attente normale ;
  • il a des conséquences massives : rien ne sera plus comme avant !
  • Dès qu’il est advenu, il devient rétrospectivement prévisible : après coup, il est évident que tous les indices étaient là, sauf que personne ne les avaient vus !

D’ailleurs, Isabelle This Saint-Jean, professeur d’économie à Paris XIII et secrétaire nationale du PS, en fait la brillante démonstration dans un article de Libération, le 21 mars, Le Cygne noir et les aveugles.

En effet, tous les signes avant-coureurs étaient bien là ! D’abord, une épidémie massive était inéluctable. Nous l’avions échappé belle avec la grippe H1N1 en 2009. Mais qui ne s’est pas gaussé de Mme Bachelot et de ses millions de dose de Tamiflu, sans parler des 2 milliards de masques ? A commencer par Elise Lucet dans cette émission de 2010 (à voir ici).
Ce stock encombrant a fondu, il n’a pas été renouvelé, et ces milliards de masques nous manquent aujourd’hui.

Il est vrai qu’on a aussi peu à peu privé l’hôpital public de moyens. La mise en place de la tarification à l’activité (T2A) en 2007, par la loi HPST de la même Madame Bachelot a lancé la machine infernale dont nous mesurons les dégâts aujourd’hui : suppression de lits d’hôpitaux, réduction des effectifs de soignants, etc.

Et l’on pourrait faire la liste de toutes les décisions qui ont conduit à nous mettre en grande difficulté face à la pandémie. Mais, il faut quand même se rappeler que nous avons par des votes successifs et des majorités démocratiquement désignées mis au pouvoir et soutenu les dirigeants qui ont pris ces décisions !

Nous avons collectivement admis qu’il fallait payer moins d’impôts et nous nous plaignons maintenant de la dégradation des services publics ! Ah, oui vous allez m’expliquer que vous ne souhaitez payer moins d’impôts, mais que vous réclamez plus de justice fiscale. En fait, la justice fiscale, c’est quand moi je paie moins d’impôts et quand les autres apportent leurs justes contributions !

Ils savaient? Je dirais même que c’est voulu !

L’aveuglement collectif peut entraîner plus loin, vers des fantasmes complotistes. Non seulement, on refuse de voir l’enchaînement de décisions auxquelles nous avons consenti mais on cherche des responsables, et bien sûr on les trouve. Dans les situations de crise, on trouve toujours des boucs émissaires. Le gouvernement bien sûr, mais plus globalement, les « princes qui nous gouvernement », les élites du « système » qui sont forcément contre le peuple. D’où l’engouement pour le Professeur Raoult, vu comme le modèle de l’antisystème, alors qu’il est un grand professeur mandarin bien classique. Car non seulement ces responsables irresponsables n’ont pas agi à temps mais ils ont caché au peuple ce qu’ils savaient ; et bien sûr, ils savaient tout ! En tout cas, c’est des « informations » qu’on trouve sur internet en particulier avec le hashtag #ilssavaient. Et on n’est pas loin de sortir la guillotine : « Ils savaient et n’ont rien fait. Des têtes doivent tomber ! » Déferlement de haine, évidemment à partir d’informations tronquées ou carrément fausses. Lire par exemple cet article de La Croix Coronavirus : #IlsSavaient, la colère contre les élites s’exprime sur Twitter.

Plus fort encore, non seulement, ils n’ont rien fait, mais au fond, cela fait partie d’un plan secret. Un plan chinois contre Taiwan, un plan de la CIA contre la Chine, un plan de Bill Gates contre l’Afrique… J’entendais parfois dans mon enfance : « Mais tout ça c’est voulu! » Rien n’aurait donc changé ?

L’incurie, l’impéritie, la gabegie…

Je fais exprès d’employer des grands mots, parce que ça fait encore plus peur. J’ai mal à la tête, bon ça fait mal, j’ai des céphalées, alors ça devient grave, je souffre de céphalalgie, vite appelons le SAMU. Alors je traduis:

  • l’incurie : ils s’en foutent
  • l’impéritie : c’est des nuls
  • la gabegie : le désordre et le gaspillage

Voilà en résumé ce qui se dit de nos dirigeants ; rien de neuf, là non plus. Sauf que dans le contexte, aucun pays ne semble avoir trouvé des réponses complètement satisfaisantes ! Car les comparaisons restent hasardeuses, aussi bien sur le nombre des malades, des personnes touchées mais asymptomatiques. Bien malin qui s’y retrouve dans les chiffres publiés ici et là, comme le montre cet article du Monde  « Infections, tests, courbes ou données brutes : bien lire les chiffres sur le coronavirus. »

Gouverner, c’est prévoir, me rappelait un de mes correspondants sur les réseaux sociaux. Mais qui peut prévoir l’imprévisible ? Et dès lors, comment faire autrement que piloter presque à vue (dans le brouillard) en s’appuyant sur des conseils divers et, sans doute, compétents ?

Ceux qui ne devraient pas trop la ramener

Evidemment, certains tentent de surfer sur les difficultés. Mais, comme le rappelait X. Bertrand, « il y en a qui ne devraient pas trop la ramener ! » Sans remonter sur les choix politiques qui ont réduit les moyens dédiés au service public de santé, où les responsabilités, comme on l’a vu, sont largement partagées, revenons sur le premier tour des élections municipales. Dans les jours qui précèdent, la question se pose : faut-il les maintenir ? Je citerai seulement une réponse du leader officiel d’un grand parti politique : « Reporter les élections municipales serait un coup de force institutionnel » et une « utilisation de la crise sanitaire pour éviter une débâcle électorale ». Et il suffit de chercher un peu pour trouver que tous les caciques des partis tenaient à peu près ce même discours. Quelques jours plus tard, le ton avait changé : « une folie d’avoir maintenu ce premier tour ; on a mis en danger les électeurs et tous ceux qui tenaient les bureaux de vote. » Sans parler de tous ceux qui minimisaient le risque sanitaire « une grippette » et qui maintenant disent que le gouvernement n’a pas su voir venir la menace.

Le cynisme, ennemi intime de la démocratie

Dans le tohu-bohu, la confusion que provoque la pandémie, je conçois que l’on fasse des erreurs d’appréciation, par exemple qu’on pense à l’instant T qu’il vaut mieux garder le calendrier des élections tel qu’il était prévu, et qu’on se rende compte peu après qu’il aurait mieux valu les reporter. Mais pourquoi ne pas avouer l’erreur ? Pourquoi affirmer le juste contraire de ce qu’on disait quelques jours avant ? Cela s’appelle du cynisme de basse politique, le pire ennemi de la démocratie dans la crise que nous traversons.

Le monde d’après?

Que sera le monde d’après la pandémie ? Là encore, les prévisions sont difficiles. Une des rares certitudes : une dépression économique profonde, dont nous mettrons du temps à sortir. Choisirons-nous collectivement de redonner des moyens à nos services publics de santé, aux établissements d’accueil de personnes âgées ? Accepterons-nous de reconnaître la valeur de ce qu’apportent à notre pays les petites mains des métiers indispensables, ces « gens de peu » qui, quoi qu’en disent certains, ne sont pas des « gens de rien » ?

Tiens, voilà des questions qui pourraient l’objet d’un grand débat.

Marquer le 19 mars

Le confinement nous a privés du rassemblement annuel devant le monument aux morts pour marquer le 19 mars, pour commémorer la date de la fin de la guerre d’Algérie, la signature des accords d’Évian entre le gouvernement français et les représentants du GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne). Nous n’étions pas devant le monument aux morts parce que nous sommes aujourd’hui dans un autre combat, contre la pandémie qui nous menace. Et ce combat nous impose de rester confinés, à distance de nos parents, de nos amis, de nos voisins.
Je crois cependant utile de vous faire partager mes réflexions, comme je l’ai fait chaque 19 mars entre 1995 et 2014.

Devant la stèle square 19 mars
Les décorés de 2013 devant la stèle du 19 mars

Les grands frères y étaient

Evidemment, je n’ai pas participé à cette guerre, les derniers appelés à y aller sont de la classe 62, cinq ans plus âgés que moi. Mais un de mes frères y était, ainsi que des cousins, et par la suite j’ai noué des relations amicales avec des anciens d’Algérie. Très peu en parlaient, mais leurs silences étaient plus éloquents que les vantardises de quelques fanfarons.

Un de mes cousins, Gabriel Launay, a donné un témoignage plein de retenue sur la vie des appelés en Petite Kabylie : « N’ai-je été qu’un pioupiou? »

La Guerre sans nom

De 1954 à 1962, ils ont été près de 3 millions à participer aux « opérations de maintien de l’ordre », aux « événements d’Algérie », selon les éléments de langage de l’époque. A ces hommes silencieux, Bertrand Tavernier et Patrick Rotman ont donné la parole dans un livre et un film « La Guerre sans nom.»

En 1992, pour commémorer les 30 ans des accords d’Evian, l’Iris cinéma, repris en mains par une nouvelle équipe, avait organisé sur ma proposition une diffusion du film de Tavernier, en partenariat avec la FNACA (Fédération National des Anciens Combattants d’Algérie). La FNACA, de son côté, avait présenté une exposition à la Salle Alan Meur. Le film avait été projeté sur 3 séances pour près de 1100 entrées.

En effet, il a fallu attendre 1999 pour que le Parlement accepte de donner le nom de guerre à ce qui n’était jusqu’alors « qu’événements, pacification, ou maintien de l’ordre. »

Une guerre sans date jusqu’en 2012

Mais la guerre sans nom restait une guerre sans date commémorative.En 2002, l’Assemblée avait voté pour retenir le 19 mars comme date de souvenir, mais le sujet n’avait pas été mis à l’ordre du jour du Sénat. Puis le président Chirac a instauré le 5 décembre comme « journée nationale d’hommage aux morts pour la France pendant la guerre d’Algérie, au Maroc et en Tunisie ». Une date qui ne correspond à aucun événement notable, à rien d’autre sans doute que la volonté de trouver un consensus mou susceptible de ne pas raviver plus encore les mémoires conflictuelles des différents groupes mémoriels.

C’est un loi adoptée en novembre 2012, sous la présidence de F. Hollande, qui fait du 19 mars une « journée souvenir de la Guerre d’Algérie«  et donne plus de cohérence à la reconnaissance de cette page sombre de notre histoire commune. Mais elle ne fait toujours pas l’unanimité…

Elle ne satisfait sans doute pas les partisans de l’Algérie française réunis dans l’OAS. Elle ne satisfait pas non plus la communauté des « Pieds noirs » rapatriés dont plusieurs centaines d’entre eux ont laissé la vie sur leur terre natale dans les semaines qui ont suivi la signature des Accords d’Evian, entre le 19 mars et le mois de juillet 1962…

Elle ne satisfait pas les harkis abandonnés par la Métropole française  dans l’Algérie nouvelle du FLN qui les considérant comme des « traîtres » en massacrera des centaines, des milliers…

Avant et après le 19 mars 1962

Alors que Mendès-France avait réussi à terminer la guerre d’Indochine par les accords de Génève en juillet 1954, les attentats de la Toussaint 54 marquèrent le début du conflit algérien. Et le 5 février, le gouvernement Mendès-France est mis en minorité alors qu’il vient de présenter de très modestes mesures d’émancipation de la population musulmane d’Algérie. L’engrenage est lancé : les gouvernements successifs se laissent entraîner vers le pire.

Le 13 mai 1958, les gaullistes et les pieds-noirs prennent d’assaut le siège du gouverneur général à Alger et créent un Comité de Salut Public qui exige le retour au pouvoir du Général de Gaulle, seul capable à leurs yeux de maintenir les 3 départements algériens sous l’autorité française. Et en effet, le 5 juin 1958, à Mostaganem, le général conclut son discours en s’écriant : Vive l’Algérie Française. On comprend que lorsqu’il sera amené à négocier avec les représentants algériens et à présenter le référendum sur l’autodétermination, ce sera vécu comme une trahison par les partisans de l’Algérie Française.

https://youtu.be/HiyO7wHpbyA

C’est pourquoi, la signature des accords n’arrêtera pas grand-chose : l’OAS va perpétrer de nombreux attentats terroristes. Des centaines de milliers de pieds-noirs vont quitter l’Algérie, laissant derrière eux la plupart de leurs biens, et surtout le souvenir d’une terre à laquelle ils étaient viscéralement attachés. Les Algériens qui avaient choisi de combattre aux côtés de l’Armée Française, les harkis, vont être abandonnés à la vindicte des nationalistes : là encore des centaines de milliers de victimes. Quant à ceux qui sont parvenus à se replier en France, ils ont été parqués dans des camps et relégués dans la misère.

Une date, une marque dans le temps

Le 19 mars a été retenu comme date commémorative comme le sont le 11 novembre ou le 8 mai. Une comparaison provocante ? Non. Le 11 novembre marque la fin de la Grande Guerre, la victoire sur l’Allemagne impériale, la victoire de la patrie, de tous les citoyens levés pour la défense de leur pays. Mais le souvenir de cette victoire doit-il effacer les boucheries inutiles lancées par des généraux imbéciles qui considéraient leurs soldats comme de la chair à canon ? doit-il nous faire oublier que cette guerre a été le suicide collectif de la vieille Europe ?

Le 8 mai nous rappelle la victoire des démocraties sur la dictature nazie. Cette victoire efface-t-elle complètement la déroute de 1940, la collaboration pétainiste, les exactions des miliciens, les dérives de certains résistants de la dernière heure, pour ne laisser en pleine lumière que la gloire du sursaut gaulliste, du combat de l’armée des ombres, de la marche de la 2ème DB ?

Et justement, le 8 mai 1945, c’est aussi le jour où s’était noué le drame algérien, à Sétif : alors que toute l’Europe fêtait la victoire des démocraties sur la barbarie hitlérienne, la révolte des Algériens contre l’injustice avait abouti à un massacre qui fit des milliers de victimes, 8000 selon les estimations les plus sérieuses. Par cette répression sanglante, nous signifiions un déni absolu des valeurs que nous proclamons : la France pays des droits de l’homme, en théorie, mais guère en pratique.

Le général Duval, dans son rapport, au général Henry Martin, écrivait : « Depuis le 8 mai, un fossé s’est creusé entre les deux communautés. Un fait est certain, il n’est pas possible que le maintien de la présence française soit exclusivement basé sur la force ». Et Albert Camus, dans le journal Combat, notait : « Les Français ont à conquérir l’Algérie une deuxième fois. Pour dire tout de suite l’impression que je rapporte de là-bas, cette deuxième conquête sera moins facile que la première… C’est la force infinie de la justice, et elle seule, qui doit nous aider à reconquérir l’Algérie. »

La force infinie de la justice, disait-il. Nous savons tous qu’il n’en a rien été et les anciens combattants de cette guerre en gardent les marques dans leurs corps et dans leurs âmes.

Rendez-vous au 19 mars 2021

Nous n’avons pas pu nous rassembler autour de notre monument aux morts pour la cérémonie traditionnelle . Je souhaite que nous puissions tous nous retrouver l’an prochain. Alors n’oublions pas les faits : les combats, les embuscades, les bombes, les atrocités. Mais tâchons de les éclairer par la réflexion, sans parti-pris pour comprendre et faire comprendre aux générations futures. Ce travail de vérité constitue un ciment puissant pour notre communauté nationale car il lui permet d’édifier de plus solides fondations pour son avenir.

Construisons ensemble notre territoire : allons-y

Le vote de dimanche est sans appel : Boris Lemaire et ses colistiers dominent nettement le scrutin avec plus de 57 %, reléguant la liste des sortants à 26 % et la troisième liste à moins de 17 %.

Une élection surprise ? Mais non bien sûr

« Boris Lemaire crée la surprise » titre Ouest-France. Pourtant nombreux étaient les indices favorables pour la liste « Construisons ensemble notre territoire. » D’abord la consistance de cette liste qui rassemble des candidats enracinés dans la vie locale, la vie associative, sportive, culturelle, des candidats aux compétences reconnues, qui se sont préparés sérieusement à exercer les responsabilités. Tout cela se voyait dans le programme élaboré collectivement, fondé sur une bonne connaissance des atouts et des carences du territoire et des attentes des Questembertois. Chacun pouvait se rendre compte que Boris Lemaire était prêt pour assumer le leadership et qu’autour de lui, plusieurs personnes, hommes et femmes, étaient à même de prendre des fonctions dans l’exécutif municipal.

Le socle de son électorat était bien repéré et il était facile de voir qu’il s’était élargi à des groupes qui avaient plutôt soutenu la liste victorieuse en 2014. En sens inverse, cette liste, le Nouvel Elan, s’était fracassée contre les réalités de la commune et beaucoup d’électeurs ont été profondément déçus tant des résultats obtenus que de l’ambiance générale. On a bien perçu le manque d’enthousiasme des uns et des autres pour envisager un nouveau mandat. Et pour gagner une élection, il faut montrer de l’envie, pour en donner aux électeurs !

Enfin, M. Poyedemenge a tenté une construction nouvelle, dont, je crois, les électeurs n’ont pas compris l’orientation générale et sa liste manquait de l’accroche locale qui compte beaucoup aux élections municipales.

Et maintenant au travail !

Oui, c’est maintenant qu’il faut mettre en pratique l’ambition affichée de « construire ensemble notre territoire ». Dans un contexte extrêmement difficile : nous ne sommes qu’au début de l’épidémie de covid-19. Et pourtant, ce ne sont pas les sujets importants qui manquent : comment redonner de l’attractivité à notre petite ville et singulièrement aux commerces du centre ? Comment relancer le projet de territoire de Questembert communauté ? Comment retisser les liens de la vie associative ?

Quelle opposition ?

A priori, les deux élus de la liste de M. Poyedemenge devraient mettre en pratique les principes affichés dans leur programme : un Questembert participatif, citoyen et durable. Personne ne peut douter que les colistiers de Mme Danilo s’écarteront de ce qu’ils écrivaient dans le dernier magazine municipal : ils ne donneront donc pas dans le systématisme de la critique et choisiront la coconstruction. Allez, on parie ?

Informer, communiquer, une obligation pour les élus

Je lis avec étonnement la déclaration de Mme Danilo (interview à Ouest-France) qui prétend succéder à Mme Martin; elle affirme que « le problème à Questembert Communauté, et dans une moindre mesure, à la ville, c’est un manque de communication auprès de la population. Les gens savent-ils qu’on a un PIJ (Point d’Information Jeunesse), un CMP (Centre Médico Psycho), c’est qu’est le pass-culture pour les jeunes? »

Mme Danilo parle de Questembert Communauté, de la communication insuffisante
La communication de Questembert Communauté, de la ville de Questembert

Mme Danilo a raison : bien des gens ignorent que ces services sont à notre disposition, ilS ne savent pas non plus de quoi il s’agit. Elle-même semble mélanger ce qui est du ressort de la Communauté (le PIJ), ce qui relève de l’EPSM de St-Avé (le CMP), ce qui a été mis en place par l’État en 2019 (le pass culture). En effet, les Questembertois ont accès à ces services, et à bien d’autres. Ils ne le savent pas. On pourrait dire que c’est de leur faute. Sans doute. Cependant Mme Danilo a raison sur le manque de communication… Il me semble qu’elle était en position d’y répondre au moins partiellement.

Bulletin municipal et communautaire, site internet, presse, radio, etc

Manque de communication? Mais à qui la faute? A quoi sert donc le bulletin municipal s’il n’apporte pas les informations essentielles? Était-ce une bonne idée d’en faire un magazine bimestriel et d’en réduire le contenu informatif? Quant au bulletin communautaire, il ne paraît que deux fois par an. C’est insuffisant.

La municipalité a voulu se doter d’un site internet, sans doute pour ne pas dépendre du site internet communautaire, et aussi peut-être pour contrer le site des élus minoritaires. Malheureusement, le site officiel est d’une grande pauvreté. Allez voir la page « budget » : vous y trouverez des infos sur le budget 2018! Le site officiel est complété par une newsletter, et par une page Facebook.

A côté de ces outils d’information du public, la ville peut aussi s’appuyer sur la presse, la radio, la télé. Sans pour autant vouloir imposer des points de vue à ces médias : même les correspondants locaux des journaux n’aiment qu’on tente de leur forcer la main. Malheureusement, notre ville est très peu présente dans la presse quotidienne.

Difficile de se plaindre que l’information ne passe pas quand on ne se donne pas les moyens de la diffuser.

Manque de transparence? Pas vraiment, quand même

Et pourtant l’information existe, elle est à disposition de qui veut bien la chercher. Voilà pourquoi j’ai été surpris de lire dans les documents de la 3ème liste : « le budget [sera] équilibré et transparent ». D’abord, le budget communal est équilibré, car c’est une obligation légale, que les municipalités respectent, celle de Questembert aujourd’hui, comme celle d’hier. Je trouve toujours ennuyeux de fonder sa propagande sur des informations fausses!

Oui, le budget est équilibré, et la commune dégage un autofinancement solide, comme cela a été montré lors du vote du compte administratif au dernier conseil et comme le montre le tableau ci-dessous qu’on trouve facilement sur le site du ministère à l’onglet Comptes individuels des collectivités.

La synthèse des comptes de la commune sur le site du ministère

Donc les finances de la commune sont dans une situation satisfaisante, comme elles l’étaient durant les mandats précédents. Et cette information est à la disposition de tous : rien n’est caché. Les documents budgétaires sont à la disposition de tous les habitants, sur simple demande. Difficile de promettre un budget transparent; il l’est déjà! Il arrive parfois que l’on masque sa propre ignorance en faisant croire qu’il y a des secrets, des complots : « on nous cache tout, on nous dit rien! » chantait autrefois J. Dutronc.

Une meilleure information, plus de pédagogie

S’il y a des progrès à faire, c’est, comme le dit Mme Danilo, dans l’information et la communication. Ce sera probablement un des enjeux du prochain mandat.

Autre surprise : pour éviter de gaspiller l’eau potable – noble ambition, à partager avec tous nos concitoyens – il faut un « suivi actif du réseau d’eau potable ». Certainement, et les délégués de la Commune au SIAEP de la région de Questembert y sont très attentifs. Ils présentent chaque année au conseil municipal le Rapport sur le Prix et la Qualité du Service accessible à tous. On peut y trouver l’indicateur de rendement des réseaux qui se situe, pour le SIAEP de Questembert à 84,30%, la moyenne nationale étant juste au-dessous de 80% (voir la page 22 du RPQS). En zone urbaine, le rendement est en moyenne de 85%, en milieu rural, comme chez nous, il est plutôt à 75%. Oui, il y a des progrès à faire, mais c’est mieux de savoir d’où on part.

Gaspiller l’eau potable?